Pensées.

Rimer, c’est avoir la liberté de se plier aux règles, chanter la voix toujours un peu fausse, mais avec conviction. C’est enfermer l’amour, la guerre et la mort sur six, huit, douze pieds de long, même si l’on ne dit jamais tout. La poésie n’est pas un dictionnaire.

Rimer, c’est être encore enfant. C’est la conservation de cet instinct du jeu qui nous pousse, par désoeuvrement, par gourmandise, par amour, à construire des châteaux en petits cubes de couleurs. Peu importe le château, ce sont les cubes qui comptent.

Rimer, c’est une apothéose permanente. C’est l’art d’émulsionner la sensation jusqu’au bout, un peu d’or et de bulles, et de marbre - pour l’éternité. C’est l’étourdissante certitude de n’exister, au sens viscéral, qu’en face du mot, pour et par le mot.

Rimer, au fond, c’est y croire. C’est trouver la force de chanter un jour de plus. C’est l’obstination acharnée du langage, l’insupportable nécessité de créer, plus beau, plus beau, plus beau, jusqu’à écoeurement. C’est attendre que la voix se brise.

Rimer lorsque l’on ne croit plus, c’est enfanter Sagesse au cachot. C’est la constatation du désoeuvrement. C’est l’inutilité permanente de soi. C’est l’obligation de l’infirmité : accepter, au fil des oeuvres ratées, de n’être plus qu’un monstre aphone.


Z 13 09 09

C'était mieux dit dans Juego y libertad... tu devrais le remettre dans Macadam.

Swann, Monstre aphone

Peut être Swann mais quand même sacrément bien dit la aussi..autrement !

En tout cas, tes petits cubes de couleur à toi font souvent des chateaux "forts" pas prêts de s'écrouler..et en Espagne!

Rimer c'est aussi s'arrimer à tendre l'oreille pour écouter d'autres vers que les siens, de ceux qui nous déstabilisent, de ceux qui nous confirment dans la vacuité de nous-même, de ceux qui sont en prose et qui n'osent se dire, de ceux qui nous éloignent de nous même et de notre tournoiement si rond, si rond, que vient vite la nausée, qu'arrivent le dégout et, pourquoi pas, l'envie pour quelques temps de quitter les mots, de plonger dans un lac, de se rouler dans l'herbe sans penser un instant à un seul terme pour désigner cette vie-là. Mais bon dieu que ça fait du bien !

Quelques pensées qui vont refaire surface par la grâce d'une opération Missing
On verra bien le bien que ça fera.

Dédé.