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Héliogabale - λέξις

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Héliogabale - λέξις Empty Héliogabale - λέξις

Message  Léocade Lawrence Dim 11 Nov - 14:47

Notre franche habitude à « faire l’histoire » à partir d’une réalité donnée ne peut nous faire oublier la valeur que tient le mythe dans sa construction. Une autre idée serait peut-être de faire coïncider, exactement, le mythe – et son perpétuel déploiement de sens – avec la réalité même. Une créance portée n’est jamais que croyance ; ici, la mythologie est le fait de l’histoire. Que nous croyions fermement à l’objectivité de l’étant, comme en une science, n’est que la face la plus visible de notre maladie, de notre nihilisme. Nous ne faisons que donner du sens : nous refusons pourtant tout sens à notre parole.
La figure qui me vient comme la plus exemplaire de cette impossible histoire reste Héliogabale : il n’est que le mythe incarné, ne se résume qu’à son sens. Il est lui-même sans cesse à double tranchant : métaphorique, il ne renvoie jamais qu’à une réalité qu’il incarne de lui-même. Ainsi Caligula :

« J’ai touché la lune, deux fois ».

Il est le double coup – d’un côté l’exécution réelle, l’acte, d’un autre la charge symbolique qu’il désigne, et cette charge n’est autre chose que l’acte.

1.
Héliogabale naît certainement en 204 ap. J.C., dans une période déjà assez trouble, qui voit se préparer l’affrontement entre Marcin, Caracalla et les Sévères d’Emèse pour le trône d’Occident. Il est fils de Julia Soemias, laquelle est sœur de Julia Mammaea et fille de Julia Moesa (elle-même sœur de Julia Domna, épouse de Caracalla). C’est dans cet univers essentiellement féminin qu’il grandit, sans que l’on connaisse son géniteur. De là viendra le premier mythe :

« S’il y a autour du cadavre d’Héliogabale, mort sans tombeau, et égorgé par sa police dans les latrines de son palais, une intense circulation de sang et d’excréments, il y a autour de son berceau une intense circulation de sperme. Héliogabale est né à une époque où tout le monde couchait avec tout le monde ; et on ne saura jamais où ni par qui sa mère a été réellement fécondée. Pour un prince syrien comme lui, la filiation se fait par les mères ; – et, en fait de mères, il y a autour de ce fils de cocher, nouveau-né, une pléiade de Julies ; – et qu’elles exercent ou non sur le trône, toutes ces Julies sont de hautes grues.
Leur père à tous, la source féminine de ce fleuve de stupre et d’infamies, devait, avant d’être prêtre, avoir été cocher de fiacre, car on ne comprendrait pas, sans cela, l’acharnement que mit Héliogabale à se faire enculer par des cochers. »
(1)

Héliogabale est, par son ascendance supposée (selon les auteurs, ce pourrait être Elagabalus Ier), Prêtre Solaire d’Emèse. Il accède au trône en 218, à l’âge de 14 ans, précisément le 16 mai, après la défaite de Macrin et l’acclamation d’Héliogabale dans la périphérie d’Emèse, au camp de la IIIème Légion. Sa grand-mère, Julia Moesa, y joue déjà un rôle relativement important : elle organise le discours et le triomphe d’Héliogabale, rédige celui du Sénat, prend elle-même place comme « Mère du Sénat » et y préside chaque séance.

2.
Tout cela ne relève en réalité que de la chronologie la plus sommaire, et ne semble que peu important au regard du fait-Héliogabale.

La légende commence véritablement ici : acclamé empereur, ou plutôt auto-proclamé tel, il se destine à un tout autre règne, et prend d’abord le nom d’Avitus Bassianus Héliogabale, en référence à son ascendance divine, avant d’y adjoindre celui d’Antonin, puis de Dominusdominorum, « Seigneur des seigneurs ». Sa religion prendra le pas.
Il se rend à Rome à contrecoeur : ne pouvant délaisser son dieu, le Dieu Solaire, parfois nommé dans les textes El-Gabal, il l’emporte avec lui, et donc son symbole, soit la personne même du dieu : un aérolithe noir, une pierre de feu certainement tombée du ciel, lourde de plusieurs tonnes et nécessitant une foule d’esclaves pour le transport. Le voyage, par la terre, prendra presque une année. De cette expédition, les romains avaient semblent-ils déjà connaissance, notamment par les présents incroyables d’Héliogabale qui le précédèrent, ainsi que par la monnaie qu’il frappa et les coursiers, donnant l’ordre à Rome de fermer les sanctuaires pour les dieux multiples. Le monothéisme s’introduisit ainsi. Durant l’hiver, il dut s’arrêter à Nicomédie, dont nous gardons une relation, encore une fois légendaire, mais non dépourvue de sens :

« Donc Héliogabale passa l’hiver à Nicomédie, y commit toute sortes d’infamies, s’y livra à des invertis : les soldats se repentirent d’avoir conspiré contre Macrin pour le faire empereur, et penchèrent en faveur du cousin de ce même Héliogabale, Alexandre, que le Sénat avait nommé César après l’assassinat de Macrin. Qui, en effet, aurait pu supporter un empereur qui livrait au plaisir tous les orifices de son corps ? Même chez une bête, ce serait odieux. Bref, à Rome, il ne s’occupa que d’avoir des émissaires pour se procurer des individus à forts testicules, et les faire venir au palais afin d’utiliser au mieux de ses plaisirs leur conformation. De plus, il jouait chez lui la fable de Pâris, tenant en personne le rôle de Venus : tout d’un coup, ses vêtements tombaient à ses pieds ; et nu, portant une main à son sein et l’autre à son sexe, il s’agenouillait et tendait le derrière à son partenaire. De plus, il donnait à son visage l’allure que les peintres prêtent à celui de Venus. Il avait tout le corps épilé, et considérait comme le principal agrément de la vie de paraître digne et capable d’assouvir les désirs de beaucoup. » (2)

3.
Son règne se poursuivit en réalité sur ce modèle : il n’avait aucune préoccupation pour le Sénat, estimant par ailleurs que celui-ci n’avait que ce qu’il méritait, à savoir une femme à sa tête. Pour le peuple, il était dispendieux, lâche et exubérant tout à la fois : il se complaisait dans des dons aussi gratuits que ruineux – quand ses prédécesseurs offraient des pièces d’argents et des pâtisseries, Héliogabale donnait des bœufs engraissés, des chameaux, des ânes, des cerfs ; c’était là « don d’empereur ».
Aelius Lampridius note encore qu’« Il construisit dans le palais royal des bains publics, en même temps qu’il ouvrit au peuple ceux de Plautinus, afin d’y recruter des hommes à organes sexuels très développés. Il s’appliqua à faire rechercher dans toute la ville et chez les marins les onobèles : on appelait ainsi ceux qui paraissaient spécialement virils. » (3)
Sa soif sexuelle couplée à sa religion des plus exotiques devait révulser le peuple romain. Héliogabale n’était que théâtre, mise en scène et travestissement. Il ne paraissait jamais sans prêtres châtrés à ses côtés. Il organisait des festins « en promenade » : sept à dix plats étaient préparés, l’un chez un ami, qu’il soit au Palatin ou au Capitole, l’autre chez un autre, etc. Chaque plat se devait d’être accompagné d’un bain, d’une beuverie, d’un acte sexuel, « jurant d’aller jusqu’au bout du plaisir ».
D’autres festins réunissaient, tour-à-tour, huit nègres, huit hommes « de grand poids », huit trop grands de taille, etc. : Héliogabale prenait alors un vif plaisir à s’en moquer, qu’il éteigne les lampes à huile et ne voit plus les nègres, ou qu’à table face aux gros ou grands, il remarquât l’étroitesse de la table, ou la petitesse des lits, voire que les lits de tables s’affaissaient sous leur poids. Exquise distraction, dont nous regretterons l’humour.

4.
Une autre petite facétie de l’empereur consistait en un attelage d’une vigueur particulière : il s’était fait construire une sorte de brouette, largement en or, à laquelle il jugulait quatre femmes d’extraction noble, nues. Lui-même s’y tenait nu, dans la solennité convenant à son rang, ferme et gracieux, dispendieux et maître.
Il inventa enfin, au cours d’un festin, le jeu particulièrement prisé de la loterie, qui le fit aimer de son peuple : « il écrivait sur des cuillers les lots de ses convives, si bien que l’un lisait « dix chameaux », l’autre « dix mouches », un autre « dix livres d’or », un autre « dix de plomb », l’autre « dix autruches », l’autre « dix œufs de poules » ; c’était vraiment des lots, et le hasard était maître » ; Lampridius ajoute : « Le peuple en fut si enchanté qu’il se félicita de l’avoir pour empereur. »
Son règne se déroula ainsi durant quatre années, jusqu’en 222, date à laquelle il fut tué par ses propres soldats, entre autres choses à cause d’impayés et, si l’on en croit la légende, par ses dévergondages. Ses soldats le poursuivirent au flambeau dans tout le palais : Héliogabale, essoufflé par sa course, trébucha dans les latrines.
Et fut égorgé à même l’urine.

5.
Par sa vie de débauche, on lui retira le nom d’Antonin pour ne plus garder qu’Héliogabale Varius, on le traîna par les rues dans le caniveau, avant d’essayer de le faire passer dans les égouts :

« On a déjà ajouté à Elagabalus Bassianus Avitus, autrement dit Héliogabale, le sobriquet de Varius, parce que formé de semences multiples et issu d’une prostituée ; on lui a donné par la suite les noms de Tibérien et de Traîné, parce que traîné et jeté dans le Tibre après qu’on a essayé de le faire entrer dans l’égout ; mais arrivé devant l’égout, et parce qu’il avait les épaules trop larges, on a essayé de le limer. Ainsi, on a fait partir la peau en mettant à vif le squelette que l’on tient à laisser intact ; et l’on aurait pu alors lui ajouter les deux noms de Limé et de Raboté. » (4)

« Des prêtres syriens lui avaient prédit une mort violente. Il avait donc préparé des cordes tressées, de pourpre, de soie et d’écarlate, pour s’en servir s’il devait mourir par strangulation. Il avait préparé aussi des glaives d’or pour se suicider si les circonstances l’y contraignaient. Il avait préparé, dans des améthystes et des émeraudes, des poisons pour se donner la mort, en cas de grave menace. Il avait bâti, aussi, pour se jeter du sommet, une tour très élevée, avec des dalles d’or, incrustées de pierreries en sa présence : il disait que même sa mort devait être d’un grand prix et montrer son opulence : personne ne mourrait comme lui. Mais tout cela ne lui servit de rien. » (5)

(1) Antonin Artaud, Héliogabale ou l’Anarchiste couronné, Paris, Gallimard, « TEL », 1979, p. 11.
(2) Aelius Lampridius, "Vie d’Antoninus Heliogabalus", in Coll., Le Crépuscule des Césars. Scènes et visages de l’Histoire Auguste, trad. Henry Bardon, Monaco, Editions du rocher, 1964, pp. 144-145.
(3) Aelius Lampridius, "Vie d’Antoninus Heliogabalus", in Coll., Le Crépuscule des Césars. Scènes et visages de l’Histoire Auguste, trad. Henry Bardon, Monaco, Editions du rocher, 1964, p. 147.
(4) Antonin Artaud, Héliogabale ou l’Anarchiste couronné, Paris, Gallimard, « TEL », 1979, p. 127.
(5) Aelius Lampridius, "Vie d’Antoninus Heliogabalus", in Coll., Le Crépuscule des Césars. Scènes et visages de l’Histoire Auguste, trad. Henry Bardon, Monaco, Editions du rocher, 1964, p. 154.


Dernière édition par Léocade Lawrence le Dim 11 Nov - 17:22, édité 1 fois
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Héliogabale - λέξις Empty Re: Héliogabale - λέξις

Message  Swann Dim 11 Nov - 15:13

Il me vient à l"esprit que lors de la dispersion de la collection monétaire de Roger Peyrefitte à Monaco, il y a plusieurs années (une collection inestimable) il y avait une belle série de monnaies d'Héliogabale... Comme par hasard.

Swann,
Extrait de la bio de Roger Peyrefitte dans wikipédia:
"C'est pour financer les diverses affaires entreprises par Alain-Philippe Malagnac dans les années 1980, et combler les grands déficits qu'ils engendrèrent, que Peyrefitte livra aux enchères publiques ses importantes collections de monnaies, de livres rares et de sculptures antiques, dont une série de rares objets érotiques, ce qui inspira à Guy Hocquenghem ce titre dans Libération : "Peyrefitte brade ses vieux godemichés".
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Message  Léocade Lawrence Dim 11 Nov - 15:27

Je ne savais pas. Et le titre trouvé est assez génial, convenons-en.
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Héliogabale - λέξις Empty Re: Héliogabale - λέξις

Message  Nilo Lun 29 Juil - 10:28

Bel essai.
A rapprocher, à propos de la dualité et des penchants d'Héliogabale de certains sermons de Saint Augustin, en particulier le "Sermon CLXI - le péché de la chair" et le "Sermon CLXII - Pécher dans son corps".

Nilo, crimes et châtiments.

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