Monsieur Placard.

Allons monsieur placard ouvre-moi que je puisse
Goûter l’air de la rue – me souvenir du bruit
Sentir dessous le pied le béton chaud et lisse
La Bretagne bientôt fera tomber la pluie

Nous n’irons pas très loin c’est promis, quelques pas
Je monterai la rue pour voir d’en haut la place
Où les derniers échos de la petite voix
Me quittent gentiment – et tandis qu’elle passe

De ce coeur au suivant, tout s’en va tout s’exile
Aux égouts ? quelque part en moi que tout ignore
Les murs éblouissants d’une cage stérile
J’ai oublié – je ne sais plus rien de ce corps

Et lorsque d’un effort épuisant je vous scrute
Maigres restes je sens que j’ai tout maquillé
Quelque chose se ment tout au fond – une brute
Qui gifle braille mord et m’empêche d’entrer

Le délire bientôt – tout est laid à vomir
Méchants vicieux sournois les autres, moi aussi
Comment fait-on pour voir ce qui fut sans gémir
Comment ne hait-on pas le jour, quand il finit

Allons monsieur placard compte-moi comme brave
Laisse le jour entrer, une fleur, un rayon
S’il le faut nous ferons la fête dans la cave
Les murs sont assez grands – et nous la peuplerons

La poussière rira et dansera au vent
D’un soupirail – léger, attiédi par l’automne
Aux murs les pierres nues, enceintes d’un vieux temps
Se joindront à son chant ; j’y suis déjà, j’entonne

Un air de vent, un air magnifique, sonore
J’y suis déjà ! L’égout nous déverse une bière
Qui gronde rose bleue et verte, pleine d’or
Et nous buvons la joie contre la vieille terre

De la cave – j’y suis ! Le plafond crève fort
Je monte tout rempli d’espoir et de tambours
Les petits gens du sol seront fous de remords
Ils voudront s’envoler comme moi, et trop lourds

Ils pleureront… Mais rien n’a changé par ici
C’est un lundi monsieur sanchez est en retard
Madame blain s’en va chercher son pain bien cuit
Et je pleure toujours – allons monsieur placard



Z 4 02 12

Quelque chose se ment tout au fond – une brute
se meut ?

Cet envers du décor vaut de l’or.

Dam.

étonnante parole, d'un veneur en nord.

enchanté.

Comme j'aime ta" façon" si tendre et si habile de nous amener avec toi dans ce voyage intime de l'autre côté du miroir.
Bravo Z ! ....

J'aime beaucoup cette description d'un monde à la fois inquiétant et familier -- notre placard, notre univers.

Chacun a son propre placard et le plus grâve c'est lorsque l'on s'y enferme.

Comme très souvent j'ai aimé te lire

Passage très parlant:

"De ce coeur au suivant, tout s’en va tout s’exile
Aux égouts ? quelque part en moi que tout ignore
Les murs éblouissants d’une cage stérile
J’ai oublié – je ne sais plus rien de ce corps"

Comme d'habitude, en pauvre commentateur je reviens... je vais juste dire qu'une fois encore j'ai aimé ce nouveau texte, comme la grande majorité de ceux que tu écris

Je remonte Monsieur Placard car j'ai besoin d'air frais !