Missive d'automne (correspondance, 1/3)

Monsieur,


Lorsque vous ouvrirez ce pli, vous y verrez sans doute un signe de folie,
Un égarement de mémoire,
Un commencement de déroute, et puis quelques lubies d’un appétit bien dérisoire

À déposer mon cœur sous vos paupières closes

À vous laisser cueillir les fleurs de mes corsages.

À plier des mouchoirs aux parfums doux de rose
Au fond de vos bagages.

À me désembrouiller de mes habits d’abbesse.
À donner la réplique à Méphistophélès, chaque fois que bât blesse
Qu’enjambe l’entre soi
De ces mots maladroits.

À jouer Véronique au tournant de sa tête
Lorsque mon bon vouloir pousse l’escarpolette.

À délasser mes doigts sur vos paumes rétives
Sans vous laisser le choix, ni le temps de l’esquive.

À gorge déployer pour trois gouttes de sang
Tachant votre chemise et vos épanchements.

À broder de dentelles votre garçonnière
Où des femmes fardées
Aux rires annulés
Battent de l’aile, et déboutées, cherchent de l’air.

À me fendre d’égards envers votre annulaire
Que j’incline à savoir encore solitaire.

Graver votre prénom en divines cursives
Ouvertes sur les plis de mon âme pensive.

Fredonner au levant un refrain pathétique

Ode crépusculaire en terres inconnues

Dernières Amériques.

Lorsque vous aurez lu. . .

Lorsque vous aurez lu ce pli jusqu’à la signature, observant les ratures, les hésitations
Que laisse l’émotion
Vérifié mille fois votre nom, votre adresse
Disant à haute voix, comme on dit une messe
Douze, rue George Sand, ô la belle écriture !

Douze, rue George Sand, ô la belle écriture. . .

Alors vous m’entendrez, légère, à votre porte

Discrètement toquer. Aurez-vous du courroux ?

Aurai-je dans les yeux un éclat de ce roux

Dont se pare l’amour, à l’automne venu, et que le vent emporte ?




***


Messaline.

Très jolie missive à l'ancienne, je gage que le gentilhomme ouvrira sans renâcler.

Oui, voilà une "belle lettre", à l'ancienne.
Et si le récipiendaire l'a bien reçue j'espère qu'il a su l'apprécier et y répondre dignement.

Nilo, sans gage.

un message entre élan et maîtrise, très réussi je trouve...