En vert et contre tout !

L’humour c’est la politesse du désespoir, ça je crois que c’est Oscar Wilde et l’autre phrase à laquelle je pensais… C’était quoi déjà ? Ah, oui, la gravité c’est le bonheur des imbéciles et ça c’est… Mince j’ai un trou. Montaigne ? Bref, on s’en fout. Peut-on dire alors qu’il faut être grave et bête pour être heureux ? Peut-être si l’on observe attentivement ce type qui parle. On peut voir à quel point cet homme à l’air content. Et pourtant il ne plaisante jamais, il observe des remarques et y répond. Il prend parti sur des sujets sérieux. C’est un intellectuel, comme les brunes, son avis ne compte pas pour des prunes. Ah oui. Mince. Je ne dois pas sourire, sinon ça va se voir. Bon, reprenons notre calme. Ne pas sourire, ne pas rire, surtout pas. Là, je crois que c’est le moment de balancer une petite remarque.

- Absolument, je crois que là vous avez tout à fait raison.

Ouf ! c’est bon. Oui enfin c’est un peu léger, il faudrait que j’en rajoute une couche.

- Je crois que le langage chez Duras est là comme pour pallier le manque de quelque chose, je dirais le manque de langage justement. C’est comme si elle cherchait à retrouver le dialogue véritable, elle cherche à mettre en avant ses insuffisances et ses échecs.

Là c’est bon, ils vont rebondir. Merde ! Pourquoi ils me regardent tous, ils attendent que je dise un truc ou quoi. Bon, je me lance.

- Dans Hiroshima mon amour, par exemple, la dialectique est double puisqu’il s’agit à la fois de comprendre le monde par le langage et en même tant de comprendre le langage, ses mécaniques et son impuissance à communiquer véritablement, par son discours sur le monde.

Wouah ! Alors là, vas-y machin ! répond à ça. Ça y est, ils sont partis sur Hiroshima mon amour, ça va prendre des plombes. Je peux me rendormir tranquillement. Tiens mes doigts, ça fait longtemps que je les ai pas regardé. Ils sont pas mal, ils sont fins. J’aurai du être pianiste avec des doigts comme ça. Plutôt que de me faire chier là. Pourquoi j’ai ouvert ma gueule l’autre jour sur Marguerite Duras ? Maintenant je suis invité à chaque fois qu’il y a un débat. En plus je ne peux pas la saquer cette conne. Et qu’est-ce que je me suis emmerdé la dernière fois que je l’ai vu ce film à la con. On dirait une parodie. Ah ouais ! Merde, je me suis marré, ça s’est vu. Là je suis grillé. Vite, une blague, une réplique.

- Enfin, comme dirait Desproges, elle n’a pas seulement écrit des conneries, elle en a aussi filmé ! Ah, ah.

Mais quel con ! Pourquoi j’ai dit ça moi !

- C’est un peu comme BHL !

Ça y est, je suis foutu, je suis mort. BHL c’est le pape. Tout le monde se fout de sa gueule en privé mais en public, si t’es pas comique étiqueté, t’es mort Je ne publierai plus jamais. Comment je vais bouffer maintenant. Espérons qu’ils prennent ça à la blague. C’est pas le genre. Surtout l’autre avec ses grosses lunettes. Mais qu’il est moche ! Il fait exprès de s’enlaidir. C’est pour qu’on le prenne au sérieux. Blablabla. Il raconte que des conneries en plus. Qu’est-ce qu’il vient nous faire chier avec Saussure ? ça y est, il va nous faire toute l’histoire du langage depuis l’homme de Neandertal. Tiens, en voilà un bon sujet de publication. L’onomatopée Néandertalienne. Non c’est trop con. Pourquoi, il me regarde l’autre. C’est moi qu’il regarde ? Comment je peux savoir avec son strabisme. Il l’avait pas avant. Il s’est fait opérer pour ressembler à Sartre. L’abruti ! Oh non ! c’est vraiment à moi qu’il parle. C’est pas vrai qu’il me lance sur BHL. Je m’ennuie déjà. Quelle heure il est ? 17h30. Plus que 20 minutes. Tachons de ne pas dire d’autres conneries.

- Oui, et bien on en reparlera quand il aura réussi à écrire un vrai livre ! Et tout seul !

Mais quel con ! Quel con ! Pourquoi j’ai accepté de venir. Là, je suis vraiment foutu. J’aurai carrément mieux fait de raconter une blague de Toto. C’est quoi que j’ai entendu la dernière fois ? Ah oui, c’est Toto à l’école. Maîtresse, Maîtresse ! Pourquoi les boules de noël, elles ont des poils ? Mais non Toto les boules de noël, elles n’ont pas de poil. Il se retourne et dit : Vas-y Noël, montres lui tes boules ! Ah, ah c’est trop con ! J’vais la raconter à ma femme, elle va être pliée. Ou exaspérée. Ah oui, non il vaut mieux que je la raconte à Lolo. Bon là, il faut que je me rattrape. Il faut que je dise un truc intelligent.

- Je plaisante, bien sûr, nous sommes très amis avec Bernard-Henry, ça fait au moins vingt ans qu’on se connaît.

N’importe quoi, on s’est rencontré deux fois. On s’est même pas parlé. En même temps, ce mec il parle tout seul, et pour dire des conneries en plus. C’était quoi déjà son dernier livre ? La gauche, je sais pas quoi. Encore un truc qu’il a piqué à Sartre.

- Mais je voudrais revenir sur le langage. Là, je crois que c’est du côté de la poésie qu’il faut chercher. Rappelez-vous cette phrase de Jacques Audiberti : « Chaque poète se taille un langage dans le langage comme s'il découpait un étendard dans le parquet de l'univers, un tapis volant, un autre monde, un Mexique, un lexique. Mais c'est l'ensemble du langage ainsi, qu'il pervertit, déroute, exalte et restitue. »

Là, je les ai tué ! Alors le gros à lunette, tu fais moins le malin ! Merde, j’ai une tâche. Oh non, comment je vais rattraper ça ! J’ai l’air con habillé comme ça. En plus le vert, ça me va pas. Heureusement que j’ai pas mis le chapeau. On dirait que je vais à un bal costumé. C’était quoi la chanson déjà. Au bal. Au bal masqué ohé ohé. Comment il s’appelait déjà ce groupe. Tenue de soirée ? Non. Ça y est j’ai un trou. Je vais chercher toute la journée maintenant. N’empêche, elle est trop con cette blague sur Toto. Le truc trop drôle. La prochaine fois que je donne un cours à la fac. Je monte sur l’estrade, ils sont tous là à me regarder avec leurs yeux ronds, à faire semblant de s’intéresser. Je leur raconte la blague. Ou alors encore mieux, la prochaine réunion avec les potes de l’Académie : Alors les gars, on met toujours deux L à couille ?

un petit texte qui fait du bien... entre culture et humour potache. On n'est pas loin de Desproges, en effet, et moi j'aime bien ne jamais trop m'en éloigner...

Je m'a bien marré.
C'est comme ça (enfin lui il écrivait "je m'a bien régalé") que Desproges laissait une dédicace sur les livres d'or des grands restaurants dans lesquels il dînait.
Et il signait : Marguerite Duras.
Ou l'autre.
Bref, je m'a bien marré.

Nilo, sans rire.

Toujours cette plume qui fait que chaque texte est accrocheur...

Si l'orthographe était libre...

Il n'y a pas très longtemps, une personne racontait les "erreurs" commises dans des textes d'auteurs devenus célèbres voir vénérés et il disait qu'il y avait eu arrangement afin de ne pas abaisser les écrits de ces auteurs...

Alors: droit à l'erreur ou pas?

Le temps te manque probablement pour écrire plus souvent et c'est dommage mais je comprends.

Bien à toi Pic

Sylvie

Pour ceux qui ne viennent jamais dans cette rubrique:

"VOUS SAVEZ PAS CE QUE VOUS PERDEZ!!!"

Tant pis pour vous!!

Sylvie

lol Sylvie ^^
Je dois dire, j'ai passé un bon moment. C'est bien fait, vraiment. Et ça casse un peu le mythe de l'intello de base...

Sasvata, blonde

Je remercie Le Printemps de la Prose de m'avoir permis de m'avoir bien marré une fois encore.
Lisez, bande de nazes, vous aussi vous vous marrerez, c'est de la bonne.

Nilo, savoir-vivre.

de m'avoir permis de m'avoir bien marré

Vaste question, ce langage épuisant à ne jamais rien dire d'autre que ce que je n'ai pas envie d'entendre.
Du coup, zou sur la chaise longue de Sylvie pour entendre pépier les bavards emplumés zoizeaux.

J'ai fait le vœu de mettre mon aumône dans la sébile de tous les mendiants que je trouverai sous toutes les portes cochères qui mènent au Petit Etablissement de Crédit que je viens d'ouvrir au profit de ceux qu'en ont pas besoin. En particulier à la Sixième liste que j'vous ai filée.
Juste histoire de pas avoir bossé pour rien à les chercher pasque si j'compte que sur vous j'crains qu'y en ait qu'entendent pas le son de votre obole tombant dans leur coupelle.
Charité bien ordonnée...

Dédé.