RÉVEIL !

En bas, dans la cours de l’immeuble, on entendait le “tac-tac” d’un marteau-pointeur qui raisonnait comme une mise en garde - Rapport ! - ce qui ne tarda pas à le tirer du lit sur les nerfs, empreint à une volonté démente de descendre... Il se contenta d’ouvrir les fenêtres en grand et de crier :

- “ C’est ma mise en abîme - La vie est injuste ! ”

Puis, calmé, il referma celles-ci (car il faisait froid), et il passa à la salle d’eau pour s’égayer des “puanteurs de la nuit” - en voyant sa tête défaite et vultueuse, il resta un instant transit puis s’abandonna à cette pensée :

“ Provoque ! Provoque-la, viole-la ! ... Viole-les, viole tout. Toutes des salopes... t'as compris ça au moins, c'est bien. N'as pas perdu ton temps ô moins ! ... Ça va ?

Il ne s’attarda pas plus longtemps, et enroulé dans sa serviette périmée collector de La CINQ, (celle que Flo lui avait laissée), il atterrit dans sa chambre-atelier dont il franchit le seuil sur la pointe des pieds. Il s’habilla en un éclair (on se demande pourquoi), puis s’assit tranquillement et commença son entretient secret du matin :

“ Tu prends des forces en regardant tes dernières peintures punaisées au mur, devant toi - Tout devant... tu rêves... c'est l'hiver quelque part, avec les montagnes blanches - “ C'était février, j'me souviens on allait partir au ski. On passait des nuits dehors à se geler sur les quais, sous les ponts... Voilà, celui-là, c'était “Février”.                 

Celui-ci, au moment de l'ultimatum ; passais mes journées dans l'angoisse et mes nuits dehors à marcher seul comme un con sur les aiguilles de l'ultimatum ... qui avançaient... qui allaient se rejoindre à l'horizontale du point zéro du Pont Neuf... qui vous regarde et se fout de vous vraiment !

... Y's'fout d'moi ce pont ! Merde, La peinture a craquelé. Mais il y a l'espoir... Y'a l'espoir en lumière de vedette qui arrive . . et fout l’sale pont dans l'ombre - va faire mouche ! 

Elle arrive et tout va changer avec elle. Tout changera. 

À présent, il lisait les notes d’un petit carnet en tulle gras lumière :

“ Un être a disparu, partie ma chère, j'ai essayé de te retrouver en lumière et en formes, en bonnes formes, belles formes, du dôme de l'Institut à la Tour de Nesle. J'ai cherché partout dans la ville et dans la peinture... Je ne pouvais pas rester minable de ton silence ! 

... Un coup de vent qui balance une feuille à terre, et moi dessous...

C'est bon, laisse faire. Le vent c'est pour toi, ta chance, un signe que tu n'es pas seul, et quelle compagnie !!! La Nature, les forces Naturelles du ciel avec toi. Laisse cette feuille à terre tu sais où elle va, c'est rien, n'est qu'une feuille. Tu la retrouveras demain, en forme... penses-tu ! 

... N'y penseras même plus. Demain, tu ne penseras plus. ”

*

Si ça pouvait être sa cousine (sa muse) ; s'il pouvait être aussi sûr, comme cette feuille, qu'il l’oublierait - comme sa feuille blanche à terre...

Sur elle, en attendant, ses cheveux faisaient une ombre en “s” de secours, ou en anse de lune : “prends ton cabas et vas faire les courses !”

- Pour acheter quoi ? j’ai pas la liste !

“ Tu as ton carnet ?

- Pas si simple ! 

... Et il y a celui-là :

Celui-là, j'y tiens ! 

En fait il se rendait compte juste maintenant que, par un curieux hasard, il n'avait pas mis sur châssis toutes les peintures faites accompagné d'un ami ; elles avaient déjà leur ticket pour le carton-tunnel de l’emballage des beaux calendriers, que son père lui donnait, non sans arrières pensées.

Il essaya donc de répondre à cette nouvelle altercation avec flegme et emphase : “ Je veux dire... je n’était pas seul sur ce quai, ce soir là, sous ce pont cet autre soir d'été 19 ... Nuit d'été face aux vedettes du Pont Neuf, assis qu'on était j'me rappelle. C'était bien ! C'était beau, c'était brillant. Van Gogh n'a jamais fait un tableau brillant comme ça, qui brille - sa matière, les couleurs . . ni Zovattoc, ni personne !!!

Maintenant il parlait tout haut...

<< J'y crois moi, c'est fou mais j'y crois, tant pis, c'est fou, je sais tant pis. >> 

Il se revoyait, comme plus haut, dans la glace - au plus bas -, et il disait :

<< Bientôt, la souffrance d’une maladie sans retour imprimera des expressions pauvres et lasses sur ton visage - hélas ! C’est la Vie Sauvage...

C’est ainsi qu’on se demande pourquoi des dictateurs, des lâches et autres tyrans allaient à bon terme et sans trop de peine, tandis que moi... ET LE SENS DE TOUT ÇA ? Enfin, s’il y avait bien un sens... >>

Il en doutait à présent.