Un souvenir d'enfance

Je me souviens…
Je me souviens de ces mains épaisses et insensibles qui empoignaient leurs bâtons, les claquaient contre l’écorce et se soulevaient au cri du cor.
Je me souviens de ces paumes ouvertes, de ces bras raidis et de cette marche alignée dans la forêt.
Le gibier, pauvre gibier, paniquait, criait, fuyait.
Moi, petite âme empêtrée dans les ronces vertigineuses ou postée derrière le rideau de maïs, j’écoutais…
Froufrous désespérés. Piétinements cursifs.
Claquement, odeur âcre et pluie de plomb.
Grognements. Plumes qui volettent : un souffle s’éteint !
Au loin, sur l’herbe rebondie, quelques chiens s’égayaient autour d’une masse inerte tandis qu’un de « ces premiers de classe » ramenait une dépouille emplumée à son maître.
Je me souviens…
Je me souviens du bruit encore !
Sourd. Celui de ces corps morts, largués dans des remorques, jetés sans amour sur le pavé de la cour d’un château. Certains étaient méticuleusement alignés ; les autres, plus lourds, étaient hissés, crucifiés, éventrés.
Je me souviens de ces mains insensibles et épaisses qui empoignaient à la hâte les entrailles avant de les jeter sans amour aux chiens. Je me souviens… La découpe. L’odeur de sang. Les excréments. Le pelage trempé. La terre mouillée. Et les rires à la distribution du foie, des rognons et du cœur.
Je me souviens de ma mort.

Je ne sais pas pourquoi mais je me serais volontiers passé de cette dernière ligne.
Pour le reste : dur et bien écrit.
J'en redemande.

Nilo, encore.

"Ambiance" bien campée pour cette mise à mort ritualisée, glorifiée. Des phrases courtes qui claquent comme claquent les bâtons de la traque et les fusils, bien adaptées à ce que tu veux faire passer.

Le tableau est rude, réaliste, on a même les odeurs qui nous montent au narines avec la terre mouillée, le pelage trempé et le sang et les entrailles (ça je m'en rappelle aussi... chez moi, ce n'était pas la chasse, mais l'abattage des bêtes... l'odeur reste la même, prenante et âcre).

Un peu dubitative devant les "piétinement cursifs", un peu empruntés peut-être, et par l'insistance mise sur "sans amour".

Sinon, un beau texte, dur, dur, comme ça, le matin, juste après le café...

Un tableau sanguinaire, cela va de soit. Tu as une façon de décrire la scène avec tellement d'émotions, que j'ai eu l'impression de la vivre, de les suivre tous ces chasseurs, de sentir leurs odeurs, l'odeur de la mort...
Je reste de l'avis de Nilo pour la dernière phrase. En ayant lu ton poème, je les voyais plus comme des chasseur d'animaux... Soit il faut que tu rajoutes dans ton texte un élément qui rappel cette personne qui se souvient de sa mort, soit la dernière phrase n'a pas vraiment sa place, elle casse le rythme.
Cependant j'ai beaucoup aimé ton texte, je le relirai plusieurs fois je pense =)

C'est le souvenir d'une petite fille qui assiste à une battue et qui, après la vision cauchemardesque de ces animaux "assassinés" , meurt symboliquement.

Sans autre commentaire sur ces " chiasses à courre "

Sacrement prenant...
mais brrr, ça fait froid dans le dos , donc réussi !