Le vieux vagabond quelque part entre la démocratie et le monde

Je ne suis pas une femme
je ne suis pas Sainte Thérèse
je suis
Madeleine Albright, napalm d'or
de crânes
Je suis Dieu je suis Vishnu je suis Bagdad perforée
vous me direz que je n'y suis pour rien
et bien si ! j'y suis pour quelque chose je suis responsable je suis américaine femme esclave
héritière mère de trois enfants dont j'ai parfaitement oublié le nom
et le catholicisme
Madeleine donne des cours de cosmogonie-mathématiques
prenons une bombe larguée au-dessus de zones sablonneuses, avec un vent de soixante kilomètres par heure
quelle sera la durée de sa chute
sachant que des milliers de petits bras de petits yeux de petits genoux
sont là pour amortir sa chute
quel sera son impact au sol
Ah ! la cosmogonie, ah ! les mathématiques. Ah ah ah !
Madeleine éternue au moment des campagnes électorales
Monsieur ne riez pas, je suis inscrite au registre des Grandes Dames
on ne rit pas au nez des Grandes Dames, on leur lèche le cul on leur dit des mots d'amour on leur fait lève les bras et dis camion
Tout ce qui brille l'émeut la Madeleine elle en pleurerait presque
comme une madeleine
les fusées les radars les blasters les blazers pleins de blasons et de récompenses
les étoiles sont mes soleils, dit-elle au vagabond miséreux, surtout si ce sont des étoiles lancées comme des shurikens
les étoiles sont mes soleils, mon brave homme et non n'insistez pas je n'ai rien dans mes poches je suis à sec je suis un puits de pétrole en fin de carburant
le vieux vagabond carbure aux alcools de misère à dix francs la bouteille à dix francs la vinaigrette
vieux vagabond misérable
rance et râpé comme un gruyère
on ne sait qui il est où il va si même il va quelque part il ne doit pas avoir d'adresse
le pauvre vieux vagabond
les pauvres n'ont pas d'adresse à peine ont-ils encore une patrie
quand on ne les jette pas aux abords des fleuves
là où les vapeurs immondes de l'eau rendent leur odeur moins nauséabonde
le vieux vagabond fait des bonds tout autour de la Grande Dame
il ricoche il s'éternise il vocifère
il volubilise
Je n'aime pas les dames finit-il par dire encore moins les Grandes Dames
je leur chie dessus dessous et tout autour
alors il passe son chemin il repassera de temps en temps dans le cabinet des Grandes Dames toilettées de près
comme des caniches catholicisés
Il cherche son briquet dans sa poche mais elle porte un trou aussi grand qu'un cratère délimité
par des petits bras des petits yeux des petits genoux
sobriquet so british il fait de l'humeur noire
et finit entre les jambes de la bonne dame
si je vous lèche la fente me ferez-vous un enfant ?
On la quitte ici on la délaisse on la prélat on la pelât Sainte Madeleine la fesse au vent
le vieux vagabond continue sa petite bonhomme de route
il chante des pets venus des grands univers
Dieu au cul et Dieu pour tous
il brûle il se consume il fume des cigarettes de mauvaise haleine
il fume des cierges et s'assied sur la statue de feu Napoléon
comme un pigeon
je suis un allume-cigares je suis un homme métamorphosé par le monde
je suis un vagabond
et le vieux grave des sermons sur la pierre napoléonienne
A tous les enfants à leurs petits bras à leurs petits yeux à leurs petits genoux
il génuflèxe il teste ses réflexes en se tapant le mollet
allo la terre ici la terre
vous m'entendez ?
il porte un béret basque sur son crâne chauve
c'est commode pour la révolution et la mendicité
si j'étais une femme, dit-il, je serai une sainte une prostituée sainte une kosovar sainte
si j'étais une femme je resterai un vieux vagabond
on ne refait pas le monde en tendant devant soi un béret basque
on fait la révolution on fait de la peine on fait de l'imagination
pour changer ses idées de place il roule sur lui-même
comme un chien avec des puces dans le buffet
il roule il roule et se roule une gitane bleu sec
et pour conjurer le sortilège il entonne « Ulysse revient, j'ai les mêmes à la raison »
Ah ! Toutes ces magiciennes, tous ces sortilèges, je t'en foutrai moi des magiciennes
des sortilèges
il fait un froid de poudrière, le vent proclame venue l'ère des mitraillettes des obus qui n'explosent que lorsqu'ils se sont trompés de cible
l'ère des vermifuges l'ère des fumigènes
mes braves, remplissez mon béret de vos petites misères
Maintenant il est assis au chevet de l'église
c'est ici que je ferai mes meilleurs scores
mes meilleures tablettes
mon bon seigneur ayez pitié d'un vieux vagabond donnez-moi l'asile donnez la force du fou
donnez-moi tout ce que vous possédez
que j'en puisse vomir sur le parvis
j'ai tant à dire tant à déglutir tant à chier des vomissures
il ne regarde plus la pierre il lève les yeux un peu plus haut que la pierre
juste assez pour croiser le regard du président de la république
il demande au président de la république êtes-vous un bon républicain ?
Je suis issu d'une famille juive et polonaise
alors oui je pense pouvoir dire que je suis
un bon républicain
quoi qu'en dise notre chère Démocratie
et je crois en Dieu, enfin je crois
je vous tire mon irrévérence monsieur le brésident de la rébublique
le vieux vagabond a l'œil narquois duquel sont lancées des flèches
comme des meurtrières de châteaux-fort
et force est de constater que le président s'en fout pas mal
même pas mal, dit-il, même pas peur je suis petit mais je serai un grand homme
dans les livres d'histoire falsifiée
alors là c'est mon béret que je vous tire que vous puissiez y glisser quelques pièces
et une lettre de recommandation ou un discours ou un monologue
A la surprise du président il se met à chanter

je suis un accoucheur de premier ordre
j'officie dans les officines de l'ordre
frotte-moi la pine serre-moi la pince
v'la le président de la Frince
qu'a les yeux comme des salmigondis
et le ventre plein de salsifis
c'est l'président d'la Frince
qui vient me serrer la pince

Ça suffit ! Ça suffit ça suffit
dans l'homme comme dans le cochon tout est bon
quand on sait choisir ses pièces
il danse le vieux il danse le vagabond
il fait des ronds dans l'air il s'oxygène la virgule
moi j'ai pas voté pour vous j'ai pas voté du tout
c'est ça la démocratie, qu'on vote ou qu'on vote pas
y aura sur les affiches la gueule d'un mec qui se prend pour le président
de tous les hommes de toutes les femmes de la nation
des enfants avec de petits yeux de petits bras de petits genoux
Alors que fait le président ?
il vote la milice des chiens pour qu'on enlève tous les chiens
des rues et de la ville entière
qu'on les jette dans l'eau qu'on les regarde se noyer
comme des pieuvres qui ne savent pas nager
mais la milice se fait flemmarde elle préfère encore reluquer
le cul des bonnes femmes plutôt que de se salir les mains
elle fait des ronds de cigarette comme des sioux
avec des plumes au fion
le vieux vagabond se penche bave un peu sur les chaussures cirées du président
tenez buvez ceci est mon corps mon sang ma chair
fi des églises fi des cloches fi des hommes placardés sur les vitraux
mon rêve de môme c'était de devenir peintre en bâtiment
alors je me suis fait clochard je me suis fait vieux
les fées ne s'encombrent pas des grands bavards
j'avais des tas de rêves mais la démocratie bombarde
et bombe le torse
tordue entre les caniveaux et les crottes de chiens
maintenant mes rêves sont dans ma panse
dans l'estomac au creux des reins
allons allons ressaisissez-vous mon pauvre un grand garçon comme vous ça ne pleure pas
qu'en savez-vous môsieur le président
et je ne pleure pas j'ai faim c'est mon estomac qui pleure
A ce moment le président dans son immense bonté lui charrie un gros billet dans le béret
ce que le vieux accepte en tout bon vagabond qu'il est
non sans prononcer encore quelques fâcheuses remarques qui n'entament en rien la bonté du monarque
et en tout bon vagabond qu'il est il tourne le dos à la présidence et part s'enfuit file
sans dire merci ni au revoir
en lui-même il pense j'ai d'autres chats à fouetter que de remercier le monarque
il marche il erre des heures entières des semaines entières de quartiers de lune en quartiers ouvriers
là où il ne peut mendier sans craindre d'appauvrir davantage le pauvre
devant l'usine ça ressemble un peu au parvis de l'église
un calme de messe un silence de moine
puis à la sortie des écoles l'un clame la baisse des salaires l'autre diligente le moineau de lui apporter de l'eau
des faces rouges des regards éteints des crânes chauves des mains tordues
des bras épais et l'air ambiant sent la poussière d'acier et l'huile de vendange
on s'installe sur un muret on sort des cantines de fer avec des sandwichs dedans
du jambon du saucisson du vin de table sans table
et on parle on bruit on gueule on dit que tout va mal
on dit ça ne va pas en s'arrangeant on l'aura toujours dans l'os
Le vieux vagabond sort de son béret un quignon de pain aussi vieux que lui
il le suçote il l'admire il le convoite
ils le prennent pour un des leurs ils l'appellent Régis
le vieux vagabond doit dire que ce prénom lui colle au béret basque
lui va comme un gant
peut-être bien que ça me ressemble trop pour ne pas être moi
il se pavane avec son nouveau prénom il fait le malin avec sa nouvelle identité
il est solidaire il fait partie du comité syndical il soutient il fraternise
si je suis Régis alors je suis camarade syndiqué si je suis Régis alors je ne suis plus vagabond
« la retraite à taux plein les patrons en prison »
scandent-ils
Régis surenchérit « la retraite à quarante ans la semaine de trente heures les patrons à la chaîne »
ça les fait marrer ça les fait entonner ça leur plaît comme des étrennes de noël
Régis hurle « citoyens camarades de tous pays de toutes nations, unissons-nous cassons l'attelle du bourgeois brisons les sots ! »
les sandwichs sont vite avalés le vin est vite porté disparu et la cloche retentit
tu ne viens pas avec nous Régis
la révolte se fait dans la rue pas derrière des machines
il s'insurge l'insurgé il se révolte le révolté
mais le dos plié par le crédit par les enfants en élevage par les tickets de caisse
fait que les hommes aux bras épais rejoignent en rangs bien disposés leur machine
leurs routines leur quotidienneté
Allez Régis fais pas le con fais pas le malin
mais Régis n'est plus Régis il redevient le vieux vagabond à qui on ne la fait pas
la colère est une transpiration qui colle aux jambes
la liberté est une transpiration qui suinte la vérité
l'incongru
ça suinte ça dégueule ça se moulin à vent dans les branches d'Alphonse
la terre est molle et les hôpitaux psychiatriques poussent ici comme de tous petits champignons
des champignons avec de petits yeux de petits bras de petits genoux
à l'accueil l'accueillante en chef dit qu'ici on diagnostique on compare on compulse des documents informatifs
on résout parfois on se trompe souvent on errone voyez-vous
le vieux voit un héron il ne comprend pas ce que l'accueillante veut lui faire comprendre
elle continue elle soliloque elle hoche de la truffe
ici monsieur on monitorise on microscopise on stéthoscopise
on a tout un tas d'appareils dont pas même la moitié des médecins savent se servir
je cherche la chambre 5 la chambre 5 et ce qui est dedans
au premier étage gériatrie acariâtre l'ascenseur se trouve sur votre gauche derrière le distributeur de sucettes
le vagabond vagabonde dans les couloirs pâles dans les odeurs miséricordiales
au diable la varice pense-t-il au diable l'équarrisseur
l'ascenseur est grand comme une cage aux lions
ça pue ça sent l'urine et la javel le désinfectant
la chambre 5 se situe tout au bout de l'allée après deux infirmières qui jouent au morpion sur le corps d'un trépas
excusez-moi mesdames la chambre numéro 5 s'il-vous-plaît
la dernière au bout de l'allée
Il ouvre la porte il fait semblant d'entrer ressort
regarde les infirmières l'une d'elle sourit elle a vaincu
il pousse à nouveau la porte et entre pour de vrai
à l'intérieur ça clignote ça imite les battements du cœur
le vieux vagabond s'assied sur une chaise face au lit vide
on m'a appelé Régis aujourd'hui et j'ai croisé le chemin du président
pas très loin de la statue de Napoléon et j'ai causé un brin avec l'ambassadrice
madame l'ambassadrice génocidaire assermentée
il a envie de chanter mais il ne souvient plus des paroles
c'est le problème avec les vagabonds, la tête la mémoire
on apprend une chose et hop elle se fait la belle
alors il cause au lit vide il écoute les faux battements de cœur
son reflet dans le moniteur est vert et noir
je suis un pixel
sa main se pose sur les câbles qui ne sont pas électrifiés
il soulève la couverture pour regarder à quoi ressemble un lit bien vide
je suis un pixel et mon reflet est vert et gris
je clignote je suis un pixel
quand il entend le pas des infirmières qui se rapprochent
il se déshabille précipitamment un pixel nu c'est encore plus beau qu'un pixel habillé
elles entrent il fait comme s'il dormait il ronfle un peu mais pas trop fort
son cœur se mélange aux faux battements de cœur
Maintenant elles auscultent elles jouent au médecin et au voleur
elles y mettent les yeux les doigts elles disent des mots bien compliqués
il ne faut pas dormir monsieur votre voyage n'est pas terminé
il ne faut pas dormir pas encore il faut veiller la lune
il faut faire comme les étoiles qui veillent la lune
le vieux vagabond se dit alors que les étoiles c'est comme des pixels blancs
qui brillent au chevet de la lune pour pas qu'elle s'endorme
bip bip bip bip
bip bip bip
bip bip
bip

Bip bip bip bip bipbipbipbipbipbipbipbip

Houla ! Tu es en colère on dirait.
Un grosse colère même à en juger par la longueur de la diatribe.
Je dois dire que par moments j'ai décroché, mais je suis allé au bout quand même. Avec un peu de peine pour ce vagabond qui se disperse dans des pensées parfois toutes faites même si elles se cachent derrière des allégories ou des litotes.

Nilo, pas convaincu pour autant.

A mettre en voix!!!

Sylvie

pas à dire. bip. bip. un poeme pour les siecles.

Quel souffle !

Juste pour vous dire que je trouve ça chouette que vous l'ayez lu jusqu'au bout

nilo, les pensées toutes faites ne sont que le reflet naïf de la naïveté du héros, bon il est vrai de dire que sortir des trucs tout mâchés c'est facile...

Sylvie, pour la voix demande à tu sais qui, héhé, avec quelque pénombre électro-technoïde ce serait du plus bel effet.

....POur remettre à l'honneur , ceux qui ont fait en sorte que Macadam soit ce qu'il est.