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L'ombre des voiles

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L'ombre des voiles Empty L'ombre des voiles

Message  Dam Ven 5 Aoû - 17:02

L’ombre des voiles

Les murs avaient des oreilles, ils ont des yeux maintenant.

- Et puis quoi encore ! Des dents... des clous ! Tu accordes beaucoup d’intérêt à des choses futiles, beaucoup d’importance à la banalité. (Silence, on réfléchit). - De la banalité naît les grandes choses, les grandes idées, les grands chefs d’œuvre, quand personne ne s’y attend plus : c’est pour ça. Ça surprend d’autant mieux que c’est surprenant ; on n’est jamais sevré de ça, on n’a jamais digéré ça, jamais compris. Voilà pourquoi c’est un chef d’œuvre ; au départ, c’est la banalité. Un secrétaire, une maquette de voilier en bois posée dessus, un grand tableau derrière, au mur : c’est banal. Ciel bleu, nuages blancs, mer rosée...
- Mais ce que tu fais n’est pas banal, merde ! Je ne comprends pas.
- C’est pas ce que je fais qui est banal, c’est ce qui est fait. Ça déclenche tout.
- Mais ça t’arrive jamais de dire “c’est pas banal, ça !”
- De le penser, oui. Mais c’est pas avec ça que tu crées. Des pensées...
- D’accord. Donc, pour celui-là, tu es parti d’un fait des plus banal, et c’est devenu un modèle, une référence.
- Je ne suis parti de rien ! C’est l’inconscient qui travaille. C’est moi, c’est tout. >>
Il s’agissait là d’un grand tableau de mer avec des rochers devant, et derrière. Qu’il s’agisse là d’un grand tableau a une grande importance. Au premier plan s’élevait un grand triangle de sable rosé puis blond, sur lequel se projette l’ombre des voiles.

*

Punir un crime

Après ce grand tableau de nuit au croissant de lune corail, il y avait la Tempête qu’on nous a volé. Il reste seul comme un orphelin au dessus du bureau, et moi pleurant cette disparition. Ce qui me gêne, c’est que maintenant il trône.
Tuer pour ce crime que j’ai construit malgré moi1, comme on construit un feu ? certainement. Punir immédiatement et radicalement cette incartade au pays des fous.
_____________
1 - Inconsciemment

J’ai construit ce crime de mes mains, l’ai signé de mon sang. De mon âme, que dis-je ! Je croyais avoir tout fait, tout fini, et voilà que le pari s’effondre.
Je l’immortaliserai pour l’éternité. Mon devoir est de le reconquérir

Ce soir, j’apprenais ceci : on peut tuer une œuvre d’art, exactement comme un homme. C’était moi la victime. On avait voulu atteindre mon père mais c’était moi qui tombait.
Le coup porté était d’une autre nature pour moi, plus philosophique si l’on veut. Psychologiquement, j’étais à zéro. Cela remettait en cause ma perception de l’Art, selon laquelle on ne doit pas fixer pour voir après, se renouveler. Je faisais une fixation morbide sur l’objet du délit, et m’enfonçais pas à pas dans la révolte et la haine. Mais comprenez bien qu’elle n’était pas aveugle, ma révolte, bien ciblée ; car pour produire ça, il fallait être assez perspicace et suffisamment intelligent. Ce ne pouvait être l’  «  œuvre » de petits délinquants.

J’apprenais aussi que l’art n’est pas plus éternel que le reste, mais aussi vulnérable qu’un papillon dans un troupeau de vaches folles ! Mais on pouvait toujours remettre les pendules à l’heure pour lui rendre sa dignité d’apparat. Je n’avais pas l’intention de baisser les bras si tôt, et continuer aveuglement de peindre des chefs d’œuvre sans nom. Non. Je me battrai pour lui rendre un semblant de vie. Je l’arracherai aux mains du voleur pour faire un exemple. Tu aurais dû le protéger avant. Tu aurais dû savoir plus tôt comme tu l’aimais. Maintenant il est parti. Il est parti sans te dire où... mais tu sais comment. Tu ne lui auras pas prouvé ton amour simplement en l’accrochant au mur du cabinet médical. Et puis, qui sait, il en avait peut-être marre de voire saigner, recoudre, piquer, gémir, crier hurler... il ne voulait plus de la misère du monde au quotidien. Ce défilé... il s’est défilé. Mais on l’a aidé, voir forcé à...

Voilà ce que je ruminais dans le silence de la nuit, entre deux crises de fureur sourde mais pas aveugle. Je tenais déjà le criminel au bout de mon fusil harpon, le voyais se débattre violemment, se trémousser, puis grelotter pour défaillir ; je le voyais aussi s’éloigner indemne à travers la fente de la boîte, comme un facteur voleur de rêve et d’espoir ; trait d’union de “mort-né”, “tueur-né”, disciple du mal disparaissant dans l’obscurité, le noir de la nuit. L’oubli. Je le voyais disparaître avant de m’endormir. Il renaissait dans mon cauchemar monstrueux, gardien des flammes de l’enfer et des clefs du paradis. Je hais les gardiens...!
Un criminel en remplace un autre. Le remplaçant d’une discipline à risque : la médecine. - Explique-moi ça ? - Non, je ne suis pas au bac, c’est pas un sujet de discussion pour moi, c’est plus que ça. Je l’expliquerai bientôt en agissant. J’agirai oui, j’agirai.

« Car mon devoir est de le reconquérir »
(à voix haute dans mon rêve)

<...>

Vers Hyères
Éclatement d’obus
La femme fière
Relève son tutu
Pour servir de saucière
À son trou du cul.

« C’est peut-être ça la bonne façon »

*

Trouver une femme

- Oh pardon ! >> La fille venait presque de me sauter dessus ; elle avait déboulé du rocher “au chat”, en trombe. Puis elle était allée s’allonger sur sa serviette rouge, tandis que ses deux acolytes retournaient pêcher. Une autre gamine en rouge prenait des pauses crabolesques à la recherche de quelques coquillages... “Viens, approche !” Je sentais presque ses doigts farfouiller entre mes orteils. “Mais pourquoi tu me tournes le dos, toi ?” Et quand je lève la tête, elle s’est tournée vers moi.
Telle était la vie à la plage ; on communiquait à l’unisson, en secret, et ça se passait très bien. La fille à la serviette et au maillot strié bleu et blanc (dans le sens de la hauteur), boudait à nouveau ; je m’étais marré tout à l’heure quand l’autre m’avait chatouillé entre les doigts de pieds.
- Tu viens te baigner ?
- Non, j’en viens.
- Je te demande si tu viens te baigner avec moi.
- Oui... mais pas longtemps.
- D’accord >>.
La période assez brève où je fus mouillé ne m’inspira pas outre mesure, car j’avais tout simplement oublié mon crayon.
Elle me regarde fixement, essayant de comprendre ce qui se cachait sous ma casquette en jeans. J’ai souri et elle a encore tourné le dos. “Merde ! comment fait-on thon pour draguer à la plage ? Oui, c’est ça : on se cache derrière sa casquette délavée.” Maintenant, je la fixe de dos, car je sais qu’elle me voit en elle - “Il a un regard tellement perçant, un sourire si énigmatique !... - Mince ! mes acolytes qui reviennent, c’est foutu. Le rêve est fini. Aussi pour lui... non. Pas pour lui, pour moi seulement. J’ai raté le coche, ma faute. Tant pis.

Seulement moi, j’avais un peu honte. J’avais bien ri tout à l’heure mais c’était fini. Je partis faire un tour derrière le rocher.

Il en est qui ont des aventures concrètes avec succès au bout ; ceux-là, ai-je appris, n’ont rien à raconter, plus à regretter et plus encore à souffrir. Je préférais être cet attentiste attentif à tout, curieusement présent et jalousement absent. On s’en souviendrait plus longtemps et avec le sourire ; cet instant de bonheur je leur devais bien. C’est, entre autres, ce qui me permettrait de supporter la froidure de l’hiver, la grisaille du temps.... Mer, sable, rochers, vous ai-je manqué ? Six mois que je n’ai pas posé mes yeux, mes pieds, mes doigts sur votre nombril en or. Six mois, si longtemps... si vous vous souvenez de moi comme je me souviens de vous, alors je suis vivant, je suis content, je suis moi.

Dam, à suivre.
Dam
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MacadAccro
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