Boulevard G. extérieur jour

Boulevard G. extérieur jour
le silex de la mélancolie se frotte le cul aux émanations
de l'être mortel en quatre lettres

Tuer

Elle me demande : as-tu lu Tonio Kröger de Thomas Mann ?
(notre circulation se condense en de sordides embouteillages)
Je lui réponds : tu as laissé de belles empreintes sur mon corps

comme des messages cryptés
comme de terribles et funestes beautés
comme si nous étions encore enlacés, en vie

Reste assise, dis-je, reste comme tu es
le silence des plaies bleues et des portes qui se claquent
sur le visage tuméfié de la douleur
le vacarme des ruines qui peuplent la mémoire des chauve-souris

Si nous donnions la parole aux naufragés
ils nous raconteraient l'existence des pieuvres-solfège
des coffres ouverts dans les fonds marins
dégorgeant leur misérables trésors
ils nous diraient leur histoire comme on parle de rien

Reste assise, dis-je, et raconte-moi la volupté des pieuvres-solfège
comme les chastetés des mers souterraines
Reste-moi la géographie des marines célestes

J'ai vu des barques qui ouvraient leurs gueules aux sous-marins
j'ai vu des soleils qui n'étaient plus que le reflet de nos souvenirs
j'ai entendu des sirènes chanter les hymnes du zodiaque
quand tu étais là, quand tu vivais dans mes lettres

Elle a connu des souffleurs d'étoiles de mer
elle a connu des diseuses de bonne aventure sur les quais de l'Atlantique Intégral
elle a participé au sauvetage des hippocampes suicidaires
quand elle était là, quand elle vivait entre mes lettres

Je me regarde dans son miroir et je dis : j'ai lu Tonio Kröger de Thomas Mann

Un dialogue avec une ambiance comme je les aime!

Etrange...

ils nous diraient leur histoire comme on parle de rien
C'est le propre des poètes.

Nilo, parler de rien, à vrai dire.