Une putain de flèche dans l'œil

Ça te prend comme ça
comme une putain de flèche dans l'œil
un truc qui suinte avant de remuer de la queue
qui se pare de rose pour te dire : je suis l'amour

mais l'amour
ça se suce entre deux frayeurs
ça déglingue la moribonde
avant de devenir de la nostalgie

l'amour ça fout les jetons
ça accumule des pièces d'or dans le tiroir-caisse
avant qu'on se fasse dévaliser un soir de décembre
l'amour ça se casse comme de la porcelaine
même quand y a pas de vent
quand y a pas de cris

Ça te laisse comme ça, pantelant, tordu de tous les côtés
sur un trottoir en pleine lune
ça te pose des questions que t'imaginais pas
de ces questions que pour trouver une réponse
faudrait dormir si longtemps qu'y aurait plus rien
à mille lieues de toi
plus d'hommes plus de femmes plus de gosses
pour te tirer du lit

l'amour ça te fait faire des soleils en pleine nuit
ça te fait rêver les yeux ouverts
comme un hibou posé comme un con sur une branche
qui passerait son temps à écouter la musique des étoiles

l'amour ça t'enfonce des clous dans le cœur
sans demander l'autorisation
ça se permet de fourmiller dans les entrailles
sans laisser passer d'air dans les poumons
l'amour c'est le sang des oiseaux nocturnes
qui cherchent même plus à trouver la lumière

Ça t'époussette le silence que t'as dans les yeux
alors que t'avais rien demandé à personne
t'étais tout seul t'étais bien t'étais paumé dans la sphère
avec des chiens qui te coursaient comme si t'avais brigander le dirlo
comme si t'avais dans tes poches un peu de bidoche
quelque chose à flairer quoi

mais l'amour mon gars
c'est des serpents à sornettes c'est des foutaises
qui te font battre le palpitant un peu trop fort
ça fait que tu te lèves le matin avec des brillances dans le regard
mais le jour où les voix se taisent
que le silence te met mal à l'aise
alors y a plus qu'à songer à des rêves de môme
de quand t'avais rien connu de tout ça
que t'étais vierge du sentiment, handicapé de tout le fatras

l'amour mon gars
c'est la peste et le bonheur dans un même sac
des ronds de fumée qui écrivent des nuages et des requiems
qu'un rien de vent fait disparaître
comme si y avait jamais rien eu

Y aurait bien une solution pour pas sortir barbouillé
des affaires de cœur, pour pas chialer d'avoir approché de trop près
les yeux et les seins d'une femme
ce serait de plus aimer du tout
de rester là, tout seul, dans le creux d'un arbre
sans trop de mouvement, cligner des paupières
face au soleil froid, écouter swinguer le chant des oiseaux
entendre la neige fondre sur les hauteurs
et la stridulation des sauterelles dans l'herbe

mais l'amour c'est quelque chose
un truc grandiose, un truc pour les petits
qui veulent se prendre pour des géants
que si tu connais pas t'as raté un peu l'histoire
sans l'amour t'es rien qu'un passager clandestin
dans un wagon qui ressemblerait à un cercueil

je suis l'amour, que ça dit
de sa plus belle voix, une voix de puma céleste
avec des mots qui iraient bien
dans la besace des dames du jazz
des mots qui vibrent comme des feuilles égarées
sur le carton des cœurs immobiles

"l'amour mon gars
c'est la peste et le bonheur dans un même sac..."


Rien que pour cela... Et le reste aussi.

Swann,

Un cri du coeur, pour ces affaires-là,
comme si on te l’arrachait pour de bon,
tenant la barre ferme quand tout est barré - bar-baron
et Reprendre le flambeau '‘bille en tête’’
pour arriver là où personne n’empiète
ni ne mord - Amour ?
cet univers de lutins-monstres-démons
qu’ ils/elles nous envient et qui rend aveugle et sourd.


Dam.

La passion est feu que la séparation attise ; et là le brasier est immense.

Une flèche dans l'oeil qui te dézingue le coeur en te déchirant le cerveau au passage.

L'amour est aussi fragile qu'une jeune pousse qui à tout moment peut mourir écrasée, assoiffée, mangée...Il faut le dorloter, aimer l'amour et surtout lui donner suffisamment pour le garder intacte.

Ton poème est différent des autres que j'ai lu de toi mais comme tu as une plume en or, je sais que chaque sujet traité sera un régal pour mes yeux. En voilà la preuve. Quant au titre, aucun doute, même les yeux fermés je savais qu'il était de LC.

Un poème déchiré, écorché, souffrant,... mais "ne plus aimer du tout" c'est encore pire, c'est la fin de la vie, alors il faut plonger et replonger à chaque fois... Très beau texte.

1H42. ça tabasse.

Y'a des passages qui mériteraient d'être écris sur des murs
notament :
"l'amour mon gars
c'est la peste et le bonheur dans un même sac..."

Par contre, je suis un peu plus réservé sur "l'énumération" : L'amour c'est...L'amour c'est...

Peut-être que le texte gagnerait encore en intensité en prose pure...
( c'est un avis personnel, un avis d'1H43, un avis heineken, un avis sans importance, donc )

Rien à rajouter à ce qui a déjà été dit.
Si ce n'est que ce hommage libertaire est comme un "cri d'écœure", une ode à ce qui fait mal, de ce mal qui nous fait du bien.
mais le jour où les voix se taisent
que le silence te met mal à l'aise
alors y a plus qu'à songer à des rêves de môme
de quand t'avais rien connu de tout ça
que t'étais vierge du sentiment, handicapé de tout le fatras

l'amour mon gars
c'est la peste et le bonheur dans un même sac
Comme un slogan du printemps écrit sur les murs d'automne.

Nilo, aimer à perdre la raison.

Comme disait l'autre, l'amour est à réinventer...A la lecture de ce poème fort bien mené, le doute n'est plus permis.