Journal de Zette et Jeannot aujourd’hui,

Cher aujourd’hui de Jeannot,

J’ai écrit, le jour de mes neuf ans pourris, une esquisse de Jeannot le mort des poumons. Tu tournes les pages et il en sort des figurines de carton, droites et fermées.
C’est le petit livre d’images de nos souvenirs dit la « vieille sans dents » dans un moment d’attendrissement débile avant qu’elle les rende au grand bénitier.
Autre histoire que la sienne.
Jeannot mort des poumons est mon voisin tout maigre, il habite l’étage au-dessous. Plein de frères et sœurs castagne, pas de place dans l’espace clapier. J’aime pas ses darons. Eux non plus ne m’aiment pas, comme ça on est quitte.
Jeannot c’est mon copain de rafiot, on navigue à vue ensemble dans la zone à Jonas, tu sais, celui de la nana « super dans le dépotoir et les boîtes de conserve » .
Je le tiens ferme par le short troué, quelquefois on perd nos sandales en plastique, on s’en fout on a pris le large.
On n’est pas amoureux, on est amis pour la vie des lignes de la main.
« C’est plus vrai » qu’il me dit en riant.
Je veux bien.
Je ne sais pas ce que signifie « vrai » mais j’emploie très bien « faux ». Question de balance.
Par exemple, « faux » c’est quand maman me demande si j’ai fait mes devoirs et que je réponds « oui ».
Je t’ai dit elle gobe tout. Elle sort de la cuisine et je cours flotter avec Jeannot . Les devoirs de la maîtresse peuvent bien aller se faire pendre sur la ligne maginaire !
Il secoue ses grelots tremblants, ses petits genoux cagneux , roule ses pupilles pâles à l’avant du galion « repris à des pirates espagnols ». C’est toujours lui le capitaine qui aperçoit la terre en premier, « Terre, terre ! » je saute sur le sable fin et chaud, tire la barque de toutes mes forces. Le capitaine descend sans se mouiller les chaussettes.
- Voyez-vous quelque chose moussaillon ?
- Non capitaine !
- Nous devons ravitailler le navire en eau et noix de coco, sinon nous allons crever la dalle.
- A vos ordres, vous avez entendu les gars ?
On part explorer la forêt ( vierge et dangereuse ) le capitaine nous suit en silence. Des bruits toujours plus inquiétants nous accompagnent.
Comme nous avançons, accroupis, je reçois une banane sur la tête, le capitaine une poignée de glands.
- Planquez-vous, les Canabidonras nous attaquent !
- Tous aux abris !
- Il faut retourner au bateau !
La panique est totale, nous courons entre les lianes secouées par des mains hostiles, une flèche siffle à mon oreille, pendant qu’un homme d’équipage est terrassé par un coup de machette.
Le capitaine baisse la tête, file entre les troncs d’arbres humides. D’énormes rats nous suivent prêts à rejoindre le navire.
Bientôt nous apercevons le mat de notre rafiot.
- Souquez ferme, je les aperçois sur le rivage, ils nous lancent des pieux.
Je rame tant que je peux dans la caisse en bois qui peine sur cette mer houleuse. Nous montons à bord, bredouilles mais sauvés.
A part naviguer à vue dans la zone derrière chez nous, on est des cow-boys et des indiens ; je suis toujours l’indien plumé. M’en fiche j’aime bien.
Jeannot pousse des cris féroces « pan, pan t’es morte ! » Ah bon, enfin ?
Je me rends les mains en l’air, il me suit avec son fusil taillé dans un tuyau de plomberie rouillé.
Avantage, il tire dans les coins.
Un jour que j’étais prête à me faire plumer pour la centième fois, j’attendais au pied du lampadaire comme d’habitude ; Jeannot n’est pas venu, il paraît que c’est poser un lapin quand on ne vient pas à un rendez-vous de jeu, alors il m’a posé un lapin sans chapeau.
Je suis allée me planter sous son balcon, puis je suis montée devant sa porte. Une de ses sœurs est sortie et m’a dit de me « casser » .
C’est la voisine d’à côté qui a déballé à maman que Jeannot était parti au paradis.
Je ne sais pas où est le paradis, sûrement à l’autre bout de la ville, sûrement dans un endroit où l’on refait les poumons des cow-boys plumeurs de squaws.
« Il faut prier » conseille la voisine d’encensoir.
Moi je veux bien, mais qui ?
Sans doute le grand sachem des visages pâles et des thorax creux.
En tout cas c’est pas lui qui va ravauder le petit trou que j’ai là, près de la côte, tu vois ?
Ni lui, ni madame Clou notre voisine du rez-de-chaussée qui travaille « aux finitions » pour l’usine de fringues.
Mais alors qui ?
« Je ne sais pas » murmure la petite voix dans ma tête. Ce coup-ci, impossible de lever les épaules au ciel.
Elles sont en plomb noir.

Zette est tellement attachante, encore plus dans celui la Ratoune...et le Jeannot !!!!

L'enfance dans toute sa splendeur, sa force et ...oui, sa beauté!

Je suis peut être "out" mais moi ça m'a "vachement touchée " comme dirait Zette..

Superbe Ratoune, sincerement.

Putain, t'es conne Zette, tu me fais pleurer.

Nilo, respiration coupée.

Zette... de plus en plus "vivante" pour nous. J'aime particulièrement "la ligne maginaire"

Swann,

Putain, Zette, t'es conne, j'ai failli pleurer.
Non, Zette t'es pas toute seule,
Allez viens je t'emmène au MacadApéro
On va s'descendre un seau de grenadine
A la santé de Jeannot.

Dédé.

Pas banal...émotif...du beau texte qui ne laisse pas les yeux secs!

J'ai bien fait de me promener à la recherche de Ratoune

Je t'embrasse

Sylvie

Très beau texte qui nous emporte ailleurs, avec ces deux gosses et les jeux qu'on affectionne à cet âge. Un texte sensible, et âpre.

Z.

Je me suis cogné la tête contre le mur à Dédé...
Je ne le regrette pas, au contraire.

Nilo, Zettiste.

Vous avez un grand bonjour de Zette qui sèche son journal en ce moment, je subodore un grand coup de mou chez la gamine.
M'en va la remettre au travail de ce pas !

oh oui, c'est pas qu'elle nous manque..................mais ELLE NOUS MANQUE !!!!!!!!!!

on revit tous nos jeux d'enfance avec Zette, cette fois-ci
pas fâchée d'être passée par là, même si
Yzaé

J'ai fait le vœu de mettre mon aumône dans la sébile de tous les mendiants que je trouverai sous toutes les portes cochères qui mènent au Petit Etablissement de Crédit que je viens d'ouvrir au profit de ceux qu'en ont pas besoin. En particulier à la Deuxième liste que j'vous ai filée.
Juste histoire de pas avoir bossé pour rien à les chercher pasque si j'compte que sur vous j'crains qu'y en ait qu'entendent pas le son de votre obole tombant sans leur coupelle.
Charité bien ordonnée...

Dédé.

Dans le cadre de ma promotion des Morceaux de l'An 1 je fais grimper chacun des titres en haut de l'affiche.

Nilo, charité bien ordonnée.