C'était hier

C'était hier


C'était hier. J'avais
Mon nom dans les journaux,
Un commissaire aux comptes,
Un bureau de ministre,
Un contrôleur fiscal
Qui prenait du plaisir
A venir redresser,
Précis comme un coucou
Mes comptes triennaux.
Et je signais les chèques
De mon inconséquence
Avec l'air détaché,
Les yeux levés au ciel
Et le stylo en or
De celui qui s'en fout.

C'était hier. J'avais
Beaucoup de temps à perdre
Et des amours en berne.
Je gaspillais les heures
De bar en bar à filles
Jetant sur les comptoirs,
Avec mes illusions,
Les restes de monnaie
Qui me trouaient les poches.
Et puis je m'en allais
A l'heure du laitier
Mettre des coups de pied
Aux lampadaires éteints
De tous les coins de rue
De mes matins poubelle.

C'était hier. J'avais
Des cartes bleues dorées,
Des costumes croisés,
Des lunettes de star,
Des voitures de sport.
La montre à mon poignet
Ne me donnait jamais
Que l'heure de l'ennui
Qui allait du matin
Vers ces nuits de conquête
Dont je ne gardais pas
Le moindre souvenir.
Et je me réveillais
Avec le mal au crâne
De mes gueules de bois.

C'était hier. J'avais
Des femmes à chaque bras,
Je me croyais Vishnu,
Me prenais pour César
Passant le Rubicon
Des plaisirs défendus,
Noyant dans le champagne
Les bulles de conscience
De la fin de mes nuits
Quand aux lueurs du jour
Un boa sur l'épaule
Je narguais la police
Dansant le Rock n' roll
Arrêté au feu rouge
De chaque carrefour.

C'était hier. J'avais
Des bagues à chaque doigt
Et je chantais "Jacky"
Très faux mais à tue-tête
A ces tables de jeu
Où je perdais souvent
Bien plus que de l'argent,
Jetant au personnel
Les restes misérables
D'une piètre fortune
Que je m'imaginais
Jadis considérable.
Et je partais, penaud,
Me noyer dans l'alcool
En rechantant "Jacky".

C'était hier. J'avais
Des rêves de grandeur,
Des envies maladroites,
Des mots pour ne rien dire
Et plein de courtisans.
Mais je leur préférais
De loin les courtisanes
Qui me disaient combien
Elles me trouvaient beau,
Beau et con à la fois.
Et moi je leur disais
Que je les trouvais belles
Et qu'elles sentaient bon,
Et souvent je pleurais
Comme un adolescent.

C'était hier. J'avais…
Je ne me souviens plus…
Il me reste aujourd'hui
Les souvenirs d'absinthe
Et les fumées d'opium
Des bars de Macao
Que je n'ai pas connus.
J'ai tant brûlé ma vie
Par chacun de ses bouts,
Comme une mèche lente
Qui n'a pas fait long feu,
Que je dois oublier
Quelque chose à Vous dire.
Pourtant il doit rester
Tant de choses à Vous dire.

Si je ne les dis pas
Ma fille le fera,
Elle vous dira tout.
Vous parlera de moi,
De mes rêves de gosse,
Des murs de Tombouctou,
Des jardins Majorelle,
Du jour de ses seize ans
Quand on faisait le monde
Aux portes du désert,
Des Highway Sixty-one
Empruntés à Dylan,
Des couleurs de mes nuits,
Du rouge des passions
Au noir de mes oublis.
…
Des taches sur les murs,
Des cahiers d'écolier,
De mon cœur cathédrale…

Elle Vous dira tout.


Nilo.

" mes amis, mes amours , mes emmerdes ..."


B..ez

Ça faisait longtemps que je ne t'avais pas lu.
Je suis heureux de le faire aujourd'hui : à regarder ma montre, je sais qu'il n'est pas heure de l'ennui.

L.

Émue ...........

Je vous l'ai déjà dit,
C'était hier...

H.

non, c'était hier, d'accord, mais ta fille ne nous le racontera pas, tu vas rester vivant pour nous le raconter, toi ....
t'as intérêt !!!
encore un poème qui m'a beaucoup plu, je ne m'y reconnais pas parce que moi, je n'ai pas ta notoriété ....mais quand même , il y a de l'écho avec ce que je peux ressentir ....
yzaé, fidèle lectrice ( parmi tant d'autres )

Merci les gars les filles d'être venus regarder en arrière avec moi.

Nilo, demain est un autre jour.

"Hier encore, j'avais vingt ans.." On a tout ça quand on a vingt ans... et plus encore..

"On bat son destin comme les brèmes, on touche à tout, on dit je t'aime, qu'on soit de la Balance ou du Lion, on s'en balance on est des lions..."

Swann, vieux lion

C'est pas bien d'emmerder les flics, Nilo.

Tu devrais avoir honte.

Et encore je n'ai pas tout dit, loin de là.

Nilo, hier et demain.

On n'a jamais tout dit, c'est vrai. J'ai beaucoup aimé cette lecture, une belle "pièce" de vie.

Dam.

Des hommages se faufilent au travers de tes mots
Des vies qui ont chanté
Des passés où l'on se retrouve un peu


Demain, il fera jour et on lira encore
Demain nous appartiendra ici ou là-bas

Demain, je désire encore lire de toi

Et la poésie nous racontera la vie d'un poète.

Sylvie

Neiges d'antan, où nous glissons en rêve...

dans la Higway 61, de Dylan avec toi. ; )
salut!

mario

Je découvre ce texte.

Très très touchée... stop. Rien à rajouter, stop.

et moi je le remonte pour le plaisir!

J'ai fait le vœu de mettre mon aumône dans la sébile de tous les mendiants que je trouverai sous toutes les portes cochères qui mènent au Petit Etablissement de Crédit que je viens d'ouvrir au profit de ceux qu'en ont pas besoin. En particulier à la Quatorzième liste que j'vous ai filée.
Juste histoire de pas avoir bossé pour rien à les chercher pasque si j'compte que sur vous j'crains qu'y en ait qu'entendent pas le son de votre obole tombant dans leur coupelle.
Charité bien ordonnée...

Dédé.