Les senteurs du jasmin

Elle m'attrape la main et porte mes doigts à sa bouche
son geste a quelque chose de surnaturel
nous sommes deux entités égarées dans de lointaines contrées
il n'y a ni homme ni femme pour la regarder
porter à sa bouche mes doigts

nous avons volé au temps le droit d'être là
à ne faire qu'attendre que quelque chose arrive
peut-être que rien n'arrivera, mais on s'en moque
on regarde la mer le soir, même si on n'en voit pas grand chose
les lunes ici sont faibles et fragiles
en parlerait reviendrait à les faire disparaître tout à fait

elle me raconte son histoire la nuit
et toutes les nuits c'est une histoire différente
je ne la reprends jamais, c'est un rituel qui nous organise
lorsque nous portons à nos bouches nos tasses de café
elle repense à ce café qu'elle avait bu dans une ville étrangère
le lendemain la ville a changé, l'homme n'est plus le même

je me demande quel goût peuvent avoir mes doigts
au-dessus de la mer, des nuages lourds tentent de dessiner quelque chose
j'essaie d'imaginer ce que cela peut être, alors elle me raconte
ses propres nuages, à une époque indéfinie, dans un lieu indéfini
mes doigts doivent avoir la senteur du thé au jasmin
il souffle un vent léger et linéaire

hier elle me parlait d'un amant invisible
qui la parcourait de rêves et de désirs indécents
je ne lui dis pas que je ne veux pas savoir
mais elle raconte et ses yeux me semblent briller un peu
ou alors ce n'est qu'une étoile qui coure sous sa paupière

tes doigts ont la senteur du jasmin
comme la mer, je me souviens, il y a si longtemps
elle sentait le jasmin et le basilic, je crois
je ne la contredis pas, je tache d'imaginer un mer aux parfums de jasmin
demain nous rentrerons sur le continent
loin de cette vue sur la mer, loin des effluves de ses histoires
je ne peux me détacher de l'idée de la perdre une fois encore

alors, elle me redonne ma main, je sens mes doigts
qui n'ont plus l'odeur du jasmin, ils sentent sa salive et sa respiration
elle me dit que nous devrions rentrer maintenant
qu'il nous faudra être en forme pour le voyage
nous rentrons et je ne lui dis pas
que mes doigts ont le goût de sa salive et de sa respiration

Moi c'est le Lc que je prefere, plus limpide , plus "simple" mais qui selon moi gagne en substance ( mais c'ewt une ffaire de sensibilité).

Très beau texte Lc..aux parfums de mémoire sucré-salés.

On dirait que tu es en train d'apprendre à nager...

Nilo, on se comprend.

J'ai apprécié cette intime confession qui respire la sincérité et inspire confiance

Dam.

une senteur de jasmin pleine de doigts.

++

Jeoffrey Stiernon