Les tus

Certains êtres, courbés sous une vie de plomb,
Le coeur encimenté de rancœur, de raisons
De ne plus croire en rien, ignorent ceux qui prêchent ;
Où le temps a passé les âmes se dessèchent.

Ils n’ont plus dans les yeux cet enfant qui s’étonne...
- Je n’attends rien de moi, de vous, ni de personne !
Ils ont les mains crispées sur des choses futiles
Et crachent leurs sanglots comme on crache la bile.

Ils ont parfois, les nuits de peur, des soubresauts ;
Une bouche, une main qui les hantent ; bientôt
Ils dorment du sommeil écrasant des armoires...
De la poussière au front, des morts pleins les tiroirs.

Et depuis trop longtemps sans rire, sans drapeau,
Le malheur accroché leur dévore la peau
Et seuls, ils ont marché ; et seuls ils s’envisagent,
A compter les années comme autant de naufrages ;

Et s’il est des beautés qui leur plaisent encore,
Ils les gardent pour eux en attendant la mort,
Ils les gardent pour eux, férocement pudiques.
Le rêveur les combat - et le rêveur abdique.


Z 18 03 10

Z. donne à voir les mots comme ils devraient être dits.
Et nous les dit comme j'aime les voir.
Vivants, courbés du poids du sens et fiers de leur droiture.
C'est le paradoxe de cette écriture moderne dans un écrin ciselé à l'ancienne.
Comme un poinçon laisse sa marque sur une plaque de cuivre au temps de l'infographie...

Et c'est bien fait.

Nilo, eau forte.

"de raisons De ne plus croire en rien,"
C'est un point bien relevé, ça.

"Ils n’ont plus dans les yeux cet enfant qui s’étonne..."
Je trouve vraiment dommage d'écrire ça, c'est cliché à mes yeux... l'enfant qui est en nous, ce sain aspect de nous même. Mais là, c'est loin d'être un avis objectif.

Mais plus sérieusement, je trouve que le mot drapeau est très, trèsz mal utilisé dans ce texte, car il a des relents de patrie, ce qui en le lisant m'a donné l'impression d'une morale implicite.

Et c'est pour ça, et cette raison particulièrement que, même si je n'ai pas grand chose à redire de la qualité du texte en lui même, j'ai beaucoup moins apprécié ton texte à celui que j'avais lu précédemment.


Après, ces lignes que je trouve bien meilleures, habiles :
"Et s’il est des beautés qui leurs plaisent encore,
Ils les gardent pour eux, férocement pudiques."

Oh Nilo a tellement bien commenté ton poème Z..que je ne vois quoi ajouter..

Oui, là est ta force et ton talent :"Vivants, courbés du poids du sens et fiers de leur droiture."

Merci à vous trois pour vos réactions !

A Pheukiou, je suis d'accord avec toi, surtout sur deux points : d'abord l'utilisation du mot "drapeau" (qui signifierait plutôt, dans le contexte, le leitmotiv, le sens à la vie) issue d'un problème simple : ma difficulté à trouver une rime au mot "peau" tout en restant fidèle à l'esprit du poème.
D'accord aussi avec cette critique d'une "morale implicite" qui est l'un de mes points faibles, l'impression de toujours être plus ou moins "un donneur de leçons". Mais je me soigne.

Z.

très poignant, ton poème, Z ...
et particulièrement pour moi, je t'expliquerai pourquoi !
BYzaé

Beaucoup d'émotions au coeur de ce poème fort bien écrit

Juste une question:

"De ne plus croire en rien, ignorent ceux qui prêchent ;"

- Pourquoi un ";" à la fin de ce vers?


-Par contre si je n'ai pas aimé la sonorité de ce passage :

"Ils ont parfois, les nuits de peur, des soubresauts ;"

-J'ai vraiment aimé celui ci :

"Ils dorment du sommeil écrasant des armoires...
De la poussière au front, des morts pleins les tiroirs."


Sylvie

pas trop kiffé sur celui là mais je vais me rattraper ailleurs
'trop martial peut-être, ou bien trop dominical ..

"et seuls ils s’envisagent" ... tu es sur de cela ?

B...ez

Ce n'est pas parce que ce texte est récent qu'il doit se soustraire à l'effet d'un clic sur l'Auteur à la Une.
D'autant moins que je garde intacte ma première intervention ici.

Nilo, Up donc.

Comme j'aime relire ça Z ...
crois moi , c'est pas pour le plaisir d'un Up..juste parce que ça fait un bien fou !

Comme d'habitude... Des mots qui dansent, des images qui nous emplissent la tête, et le tout tellement bien dit... J'aime beaucoup Z, merci

Beau tableau de l'abdication mentale. Sombre mais bien construit.

L'analyse pertinente qui n'enlève rien à la beauté du style.
Une furieuse envie de frapper fort les sourds & aveugles? Espérons qu'ils entendent.
Et si on parlait des autres, de ceux qui ont gardé le rire des enfants et l'espoir en flambeau?
( et je me parle à moi-même pour l'occas )
Merci en tout cas pour cette gorgée Zlatkienne bien fraîche.

Coma, en retour bref mais intense

Oh purée! Être rasoir c'est un vrai métier parce que saouler au bout du 7 ème mot ça tient du record blanco! ( com inutile mais c'est vraiment plus fort que moi)
Tant que j'y suis.quand tu t'emmerdes blanco. bois un bon coup ( qu'importe le vin pourvu qu'il y ait l'ivresse) , ça nous fera des vacances.

C'est bien vu, extrêmement bien décrit, avec le soucis du détail.
Tout a été dit. Reste à m'émouvoir.

Messaline

J'ai fait le vœu de mettre mon aumône dans la sébile de tous les mendiants que je trouverai sous toutes les portes cochères qui mènent au Petit Etablissement de Crédit que je viens d'ouvrir au profit de ceux qu'en ont pas besoin. En particulier à la Dixième liste que j'vous ai filée.
Juste histoire de pas avoir bossé pour rien à les chercher pasque si j'compte que sur vous j'crains qu'y en ait qu'entendent pas le son de votre obole tombant dans leur coupelle.
Charité bien ordonnée...

Dédé

Superbement écrit... Bien propre où chaque mot est juste là, bien dans sa case... Qu'est-ce que ça va être, quand son auteur aura pris d'la bouteille et sortant des sentiers battus

Les tus parfois ne se taisent. Le silence n'a jamais été vraiment de Macadam...