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La tête
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Lalou
Dam
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Macadam :: MacadaTextes :: Nouvelles
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La tête
(Voyage-Retour en train)
La Tête
Franck sortira éméché de son antre de cabine. Il aura chaussé des lunettes rondes de soleil avant ses chaussures - avant tout - car il avait froid aux yeux.
La direction fut directe aux toilettes. Elles empestaient << PANNE D’EAU >>.
Il ne s’y attardera pas.
Il tomba nez-à-nez avec un occupant de son gîte septique : “Bonjour”, dit-il.
- Bonjour, dit l’autre.
Il disparut dans le repli au relent de puanteur.
Puis, Franck se planta devant la vitre noire, les bras campés sur la barre de maintien ; l’oculus éclairé, blanc, de la porte des toilettes y transparaissait comme la pleine-lune.
Dehors sévissait une tempête terrible ; il fixait alors la lune, comme l’illusion parfaite de ses songes. L’orage, juste à ce moment là, avait grondé, et l’éclair qui zébrait l’Horizon sur le wagon de queue du train de nuit, ses deux lanternes rouges... Un mystère.
Quand la porte s’ouvrit des toilettes, il crut bien défaillir - l’odeur était juste bonne à le ramener sur terre !
Merde ! jura-t-il en lui : Y’a toujours quet’chose qui cloche dans ces trains. Quand c’est pas la bouffe infecte, le vin tourné, où la compagnie, l’infâme compagnie des wagons-lits ...
Il regagna sa cabine.
Au passage, Franck surprit une discussion entre la Grand-mère du 22 et sa petite fille :
“ Elle est pas grande la mer, dit la petite. Elle est jusqu’à là-bas ! elle est jusqu’à tout là-bas...
- “ Quoi ? Qu’est-ce que tu dis ? Tu dérailles !
- Dis, Mamie. Elle est où la mer ?
- “ Elle est plus là, ma Chérie. Viens, on va dormir. Tu vas dormir avec Mam...
<< On n’a pas idée de donner des enfants adorables comme ça en pâture à des M... des M... >> Le mot ne sortait pas, mais, se promit-il : “je sortirai plus tard pour rendre visite à la petite fille”. Puis il s’endormit.
Viens. Viens... Suis-moi...
“ Je peux monter sur ton dos ?
- Oui. Monte sur mes épaules ; on va faire un tour de manège dans le train de nuit ; au changement de wagon, dans les soufflets, tu baisseras bien la tête. D’accord ?
“Oui oui !”
Tagada tagada...
“C’est ssssSUPER !
- Tiens, attention ! un soufflet : tu baisses bien la tête !
“ Oui. Houuu !...
- Ça t’a plu ? demanda l’aviateur. (rien)
<< Dis. Ça t’a... Alors ! tes impressions ?... (toujours rien)
<< Tu vas descen... >> et c’est là qu’il comprit ; quelque chose de mouillé le chatouillait déjà dans le creux de ses épaules. Quelque chose de...
- AH !!! hurla une première personne, une femme, juste au bout du couloir où se trouvait Franck. Puis la femme partit en toupie comme une seiche folle. Elle se cogna à trois cloisons avant de trouver la fuite vers on ne sait où... Franck aussi avait compris - son manège avait mal tourné. Il savait ; se doutait bien que le jeu était trop dangereux, mais c’était trop tard. Il ne pouvait plus revenir en arrière. Et quand il regarda sur ses pas, il vit l’empreinte du cauchemar, en signature, rouge-sang qui coule, sur le plancher.
Curieusement, Franck ne se réveilla pas.
N’importe qui... mais pas lui.
Cela devait même lui plaire comme il imaginait une suite...
Le poids au dessus de lui se faisait plus lourd. C’était gênant.
Il continuait, ambulant comme un croque-mort avec son effigie au dessus de la tête. Mais il n’y avait plus de tête. Il voulut retrouver la tête. Celle-ci devait être tombée entre les mâchoires du soufflet. Il ne fut pas long à constater qu’elle n’y était pas. Ou qu’elle n’y était plus << On m’a piqué ma tête ! >> La colère monta en lui. Il fallait la retrouver de suite. Il voulait voir la Tête, l’expression d’une fillette, le cri étouffé par le bruit des roues sur les rails ; ballottée par les secousses, celle-ci avait très bien pu rouler chez des gens... Franck décida de faire toutes les cabines derrière lui.
Il ne tarderait pas à mettre la main dessus.
Ce qui devait se produire arriva. Un contrôleur de nuit s’avançait vers lui. Il avait la tête basse, à moitié enfermée dans sa casquette trop grande ; avant qu’il ne le croisât, Franck se glissa dans un compartiment inoccupé. Il éteignit la lampe principale au moment-même où l’homme le doublait.
<< Échappé belle ! L’amende salée...! >> Franck se surprit à sourire.
<< Vite maintenant ! il faut faire vite avant con ne te découvre, petite Tête... Où te caches-tu ? Petite petite... pe... Peut-être ?
Peut-être là-bas, dans les toilettes malodorantes ?
En un éclair, Franck fut devant ; dans sa hâte de fuir ces lieux infâmes, l’homme qui l’avait devancé avait laissé la porte ouverte. Franck se rappela alors le contrôleur, et il se dit qu’il faisait mal son boulot - non. L’homme avait dû monter en marche - c’était la seule explication plausible :
Alerté ? déjà ! pas possible... Pas possible ! C’était un fantôme alors.
Cette explication contenta Franck.
Il ne chercherait plus qu’une chose à présent : Sa Tête. Il se baissa ; et tandis que ses yeux fouillaient partout, il surprit soudain son image dans les glaces au dessus des lavabos. C’était merveilleux - jamais rien vu d’aussi original ! ferait peur même à un moustique !
Franck souriait, mais il souriait grave, car il avait perdu sa Tête.
Pendant toute sa nuit de ravissement, Franck avait couru après Sa Tête, il était épuisé au réveil. Il tâta son oreiller avec la sensation bizarre d’avoir perdu quelque chose. Le train était arrêté en gare de Paris-Lyon et tous les voyageurs étaient descendus. Avant d’arriver jusqu’à la porte de sortie, Franck jettera un oeil malin dans toutes les cabines à la recherche de ce que seul son inconscient savait :
sa Tête.
13-02-95
Dam.
La Tête
Franck sortira éméché de son antre de cabine. Il aura chaussé des lunettes rondes de soleil avant ses chaussures - avant tout - car il avait froid aux yeux.
La direction fut directe aux toilettes. Elles empestaient << PANNE D’EAU >>.
Il ne s’y attardera pas.
Il tomba nez-à-nez avec un occupant de son gîte septique : “Bonjour”, dit-il.
- Bonjour, dit l’autre.
Il disparut dans le repli au relent de puanteur.
Puis, Franck se planta devant la vitre noire, les bras campés sur la barre de maintien ; l’oculus éclairé, blanc, de la porte des toilettes y transparaissait comme la pleine-lune.
Dehors sévissait une tempête terrible ; il fixait alors la lune, comme l’illusion parfaite de ses songes. L’orage, juste à ce moment là, avait grondé, et l’éclair qui zébrait l’Horizon sur le wagon de queue du train de nuit, ses deux lanternes rouges... Un mystère.
Quand la porte s’ouvrit des toilettes, il crut bien défaillir - l’odeur était juste bonne à le ramener sur terre !
Merde ! jura-t-il en lui : Y’a toujours quet’chose qui cloche dans ces trains. Quand c’est pas la bouffe infecte, le vin tourné, où la compagnie, l’infâme compagnie des wagons-lits ...
Il regagna sa cabine.
Au passage, Franck surprit une discussion entre la Grand-mère du 22 et sa petite fille :
“ Elle est pas grande la mer, dit la petite. Elle est jusqu’à là-bas ! elle est jusqu’à tout là-bas...
- “ Quoi ? Qu’est-ce que tu dis ? Tu dérailles !
- Dis, Mamie. Elle est où la mer ?
- “ Elle est plus là, ma Chérie. Viens, on va dormir. Tu vas dormir avec Mam...
<< On n’a pas idée de donner des enfants adorables comme ça en pâture à des M... des M... >> Le mot ne sortait pas, mais, se promit-il : “je sortirai plus tard pour rendre visite à la petite fille”. Puis il s’endormit.
Viens. Viens... Suis-moi...
“ Je peux monter sur ton dos ?
- Oui. Monte sur mes épaules ; on va faire un tour de manège dans le train de nuit ; au changement de wagon, dans les soufflets, tu baisseras bien la tête. D’accord ?
“Oui oui !”
Tagada tagada...
“C’est ssssSUPER !
- Tiens, attention ! un soufflet : tu baisses bien la tête !
“ Oui. Houuu !...
- Ça t’a plu ? demanda l’aviateur. (rien)
<< Dis. Ça t’a... Alors ! tes impressions ?... (toujours rien)
<< Tu vas descen... >> et c’est là qu’il comprit ; quelque chose de mouillé le chatouillait déjà dans le creux de ses épaules. Quelque chose de...
- AH !!! hurla une première personne, une femme, juste au bout du couloir où se trouvait Franck. Puis la femme partit en toupie comme une seiche folle. Elle se cogna à trois cloisons avant de trouver la fuite vers on ne sait où... Franck aussi avait compris - son manège avait mal tourné. Il savait ; se doutait bien que le jeu était trop dangereux, mais c’était trop tard. Il ne pouvait plus revenir en arrière. Et quand il regarda sur ses pas, il vit l’empreinte du cauchemar, en signature, rouge-sang qui coule, sur le plancher.
Curieusement, Franck ne se réveilla pas.
N’importe qui... mais pas lui.
Cela devait même lui plaire comme il imaginait une suite...
Le poids au dessus de lui se faisait plus lourd. C’était gênant.
Il continuait, ambulant comme un croque-mort avec son effigie au dessus de la tête. Mais il n’y avait plus de tête. Il voulut retrouver la tête. Celle-ci devait être tombée entre les mâchoires du soufflet. Il ne fut pas long à constater qu’elle n’y était pas. Ou qu’elle n’y était plus << On m’a piqué ma tête ! >> La colère monta en lui. Il fallait la retrouver de suite. Il voulait voir la Tête, l’expression d’une fillette, le cri étouffé par le bruit des roues sur les rails ; ballottée par les secousses, celle-ci avait très bien pu rouler chez des gens... Franck décida de faire toutes les cabines derrière lui.
Il ne tarderait pas à mettre la main dessus.
Ce qui devait se produire arriva. Un contrôleur de nuit s’avançait vers lui. Il avait la tête basse, à moitié enfermée dans sa casquette trop grande ; avant qu’il ne le croisât, Franck se glissa dans un compartiment inoccupé. Il éteignit la lampe principale au moment-même où l’homme le doublait.
<< Échappé belle ! L’amende salée...! >> Franck se surprit à sourire.
<< Vite maintenant ! il faut faire vite avant con ne te découvre, petite Tête... Où te caches-tu ? Petite petite... pe... Peut-être ?
Peut-être là-bas, dans les toilettes malodorantes ?
En un éclair, Franck fut devant ; dans sa hâte de fuir ces lieux infâmes, l’homme qui l’avait devancé avait laissé la porte ouverte. Franck se rappela alors le contrôleur, et il se dit qu’il faisait mal son boulot - non. L’homme avait dû monter en marche - c’était la seule explication plausible :
Alerté ? déjà ! pas possible... Pas possible ! C’était un fantôme alors.
Cette explication contenta Franck.
Il ne chercherait plus qu’une chose à présent : Sa Tête. Il se baissa ; et tandis que ses yeux fouillaient partout, il surprit soudain son image dans les glaces au dessus des lavabos. C’était merveilleux - jamais rien vu d’aussi original ! ferait peur même à un moustique !
Franck souriait, mais il souriait grave, car il avait perdu sa Tête.
Pendant toute sa nuit de ravissement, Franck avait couru après Sa Tête, il était épuisé au réveil. Il tâta son oreiller avec la sensation bizarre d’avoir perdu quelque chose. Le train était arrêté en gare de Paris-Lyon et tous les voyageurs étaient descendus. Avant d’arriver jusqu’à la porte de sortie, Franck jettera un oeil malin dans toutes les cabines à la recherche de ce que seul son inconscient savait :
sa Tête.
13-02-95
Dam.
Dernière édition par Dam le Sam 11 Juin - 18:26, édité 1 fois
Re: La tête
Je me souviens l'avoir lu ya assez longtemps...
sourires et interrogations, ton univers sans queue ni tête??
sourires et interrogations, ton univers sans queue ni tête??
_________________
LaLou
Re: La tête
Oh c'est beaucoup dire, soit : il est infini. Même que j'm'y perds parfois, même souvent. Je tiens beaucoup à ma tête sur les épaules ; parfois elle pèse trop, ou elle est trop svelte, alors je la perds, et je la cherche partout, à tout rompre...
Dam tête à terre (pour le coup)
*
Un vrai casse tête du siècle !
*
Non mais j'délire pas, c'est vrai !
*
Je me suis (re)construit depuis en lézardant des murs, exploré quelques failles...
Histoire de peupler un maximum d'anfractuosités (j'ai jamais la paix avec les fissures de "mon chaos" !)
Dam tête à terre (pour le coup)
*
Un vrai casse tête du siècle !
*
Non mais j'délire pas, c'est vrai !
*
Je me suis (re)construit depuis en lézardant des murs, exploré quelques failles...
Histoire de peupler un maximum d'anfractuosités (j'ai jamais la paix avec les fissures de "mon chaos" !)
Re: La tête
Un univers bien déjanté, j'aime ça. Je peux mettre un bémol ? Les changements de temps anarchiques me gênent, même si je comprends bien que le temps d'un cauchemar n'est pas linéaire.
Re: La tête
Voilà un " sans tête " qui mérite qu'on lui retrouve des épaules !
Ratoune- MacadAccro
- Messages : 1891
Date d'inscription : 01/09/2009
Re: La tête
Un coup dans le Mur à Dédé qui me permet de passer sur ce texte que j'avais négligé.
Nilo, ça c'est fait.
Nilo, ça c'est fait.
_________________
... Tu lui diras que je m'en fiche. Que je m'en fiche. - Léo Ferré, "La vie d'artiste"
Re: La tête
... Ce qui m'a permis de faire un Edit pour un mot mangé par un < mal venu.
Hasard ou pas, je comprends Nilo, je comprends l'allusion
Dam, mais où avais-je la tête ?
Hasard ou pas, je comprends Nilo, je comprends l'allusion
Dam, mais où avais-je la tête ?
Re: La tête
J'ai fait le vœu de mettre mon aumône dans la sébile de tous les mendiants que je trouverai sous toutes les portes cochères qui mènent au Petit Etablissement de Crédit que je viens d'ouvrir au profit de ceux qu'en ont pas besoin. En particulier à la Cinquième liste que j'vous ai filée.
Juste histoire de pas avoir bossé pour rien à les chercher pasque si j'compte que sur vous j'crains qu'y en ait qu'entendent pas le son de votre obole tombant dans leur coupelle.
Charité bien ordonnée...
Dédé.
Juste histoire de pas avoir bossé pour rien à les chercher pasque si j'compte que sur vous j'crains qu'y en ait qu'entendent pas le son de votre obole tombant dans leur coupelle.
Charité bien ordonnée...
Dédé.
_________________
Ciao les gonzesses, c'était Dédé.
Dédé- MacaDédé
- Messages : 1885
Date d'inscription : 04/09/2009
Macadam :: MacadaTextes :: Nouvelles
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