On dirait que le vent

Nilo Dim 20 Juin - 12:46

On dirait que le vent

Ecoute Camarade
Le clairon s'époumone
Et le vent lui répond.

Regarde Camarade
Les envols de pigeons
Aux plumes émiettées
Qui roucoulent et s'en vont
Dans un battement d'aile
Par delà les balcons
Arroser les passions
De fientes vert-de-gris
Qui coulent dans le col
Des passants dégoûtés
Et des agonisants.

Ecoute Camarade
Le chant triste et pesant
Tombant des arbres morts
Sur le pavé souillé
Des aigreurs florentines.

Regarde Camarade
Ces gens nourris de peur
Aux lâches certitudes
Qui pleurent les défaites
De leurs guerres perdues
Jouant aux dés les pierres
De leur chemin de croix.

Ecoute Camarade
Monter les cris des vierges
Sorties des lupanars
Pour arpenter de front
Les trottoirs de la gloire
Et jouir un instant
Du plaisir de branler
Le manche du pouvoir.

Regarde Camarade
Les roquets qui hoquettent
Des lettres de cachet
Dans le kleenex froissé
De leur éjaculat
Et jappent à tue-tête
Des aboiements d'orfraie
Comme un réquisitoire
De Danton d'opérette
Vouant à l'échafaud
Les chiens fous sans collier
Qui les narguent d'en bas.

Ecoute Camarade
On dirait que le vent
Pisse dans les violons
Du fond des oubliettes
Où les mots interdits
Coulent dans l'athanor
Des enfers dilatoires
Pendant que les matons
Poudrés prennent la mouche
Et montrent les galons
De crieur du devoir
Qui leur donne le droit
De tenir la baguette
Pour battre la mesure
De l'ordre symphonique.

Regarde Camarade
Les affiches plaquées
Aux murs des Gémonies
Noircies des noms des gueux
Qui chantent des cantiques
Pendant que les dévots
Marchandent leur écot
Sur les rives du Styx
En récitant par cœur
Les tables de la loi.

Ecoute Camarade
Le claquement du fouet
Qui se prend pour le vent.

Nilo.