Là, où le diable ne peut rien …

solweig Lun 12 Juil - 20:46

Là, où le diable ne peut rien …

au coin des rues Rej et Orzeszkowa personne ne m’attend
les mouettes ne crient pas
des bouleaux répètent les injures
des charretiers soûls
le bruit des pas des chevaux tue le silence
les souvenirs des tirs allemands
et des lance-pierres de notre enfance
s’effritent comme une façade
la pierre atteint le centre de la pendule
c’est mon cœur et la léthargie des ombres
je me fonds avec le trottoir
en percevant l’odeur du feu

il fait si beau ici à l’aube
tu penses que tu n’étais pas là
dans le livre ouvert des oublis et des noms
comme si j’entendais - mon poème visite les maisons

au coin de la rue Rej et Orzeszkowa
refroidissent l’ombre et la lune
emprisonnées dans la pierre
les flaques d’eau reflètent nos manques
trahisons et fuites au bord du Jourdain
énormes caisses de secrets

je ferme le portail
la pluie cingle des vérités dévoilées
boit la douceur des fautes
sans métaphores – des trains nocturnes
arrachent au sommeil un quartier au bord de l’Oder
le goutte-à-goutte fait couler en nous un autre monde
là où le diable ne peut rien…

sept.2009, Szczecin

hortense Lun 12 Juil - 21:38

Magnifique tableau de mots !

H.

Messaline Mar 13 Juil - 5:57

Une très belle description, du sens, de l'absence. On croit toucher du doigt.
Merci.

Messaline

Nilo Mar 13 Juil - 6:14

Oh putain !
Quelle force d'évocation.

Nilo, enfer et condamnation.

Io Kanaan Mar 13 Juil - 8:29

Comme une invitation à rejoindre ces lieux magiques...

Zlatko Mar 13 Juil - 9:19

Comme Nilo j'ai été pris au vol par l'atmosphère que dégagent tes mots. L'air y prend vie, et pas une fausse note. Il semble que les vieilles pierres s'y drapent de robes de souvenirs.

"c’est mon cœur et la léthargie des ombres".

Z.