Dans les draps d'aspirine

Dans les draps d'aspirine


J'ai mangé des mots crus
Et bu des invectives,
Tiré à boulets rouges
Sur des châteaux de cartes
Et vu couler de l'or
De gargouilles railleuses
Quand voulant m'abriter
Des foudres de l'enfer
Je prenais du repos
Adossé au portail
D'une église romane
Où j'avais confessé
Dans l'ombre du silence
La somme des excès
De mes nuits de carême.

Alors je me glissais
Dans les draps d'aspirine
De ces sommeils de plomb
Dont je ne ressortais,
Ni repu ni remis,
Qu'avec le mauvais goût
Sur le bout de la langue
Des mots d'amour non dits
Et des alcools rendus.

Mais je n'ai jamais su
Murmurer un "je t'aime"
Aux belles héroïnes
De mes romans d'amour
Pour lesquelles j'ai bu
Plus de verres sans fond
Que de larmes de joie
Et qui m'ont fait connaître
Les longues nuits passées
Aux comptoirs de bistrots
A attendre que viennent
Les matins d'infortune
De mes gueules de bois
Pour reprendre la route
En racontant ma vie
A un chien de hasard
Qui m'était à la fois
Compagnon de poubelle
Et chevalier servant
Plantant ses piques dents
Dans les ailes tordues
Des moulins de mon cœur.

J'ai écrit des poèmes
Et des billets d'amour
Aux femmes de ma vie,
Quelques lettres d'insulte
A de tristes fâcheux,
L'histoire inachevée
De mes guerres de Troie
Qui n'auront jamais lieu
Ailleurs que sur le front
Du doute qui s'installe.

Quand je pense au mot "fin"
Qui viendra bien trop tôt
S'écrire tout en bas
De la dernière page.


Nilo.

Un rythme de six syllabes soutenu d'un bout à l'autre du poème. Le poème se lit sans faillir - je trouve que ce découpage en vers de six syllabes lui donne un impact plus douloureux enocre que ne le feraient des alexandrins.

De l'alcool, des filles, des mots forts, et les choses fort bien dites.
Encore un verre, Richard, et on reprend au début du poème, on repousse encore l'heure du bilan !

Messaline

Je ne partirai pas tant qu'on m'aura pas offert "le dernier pour la route".

Nilo, night and day.

Ce qui me fascinera toujours, c'est la "classe" dans l'alcool !

C'est rare !

H.

J'y lis tout de même bien des regrets mélés à une certaine nostalgie qui revient souvent dans tes écrits.

POur le reste,
bien trop tôt,
toujours trop tôt
et tant qu'on peut le dire, c'est qu'il n'est pas trop tard!

Quel titre exquis, j'adore! " Dans les draps d'aspirine" ...

C'est une tristesse enveloppante qui berce ma lecture, alors je t'envoie un rayon de soleil pour sécher cette pluie qui tambourine le fond de ta poitrine.

S***** k***** Nilover

qui tambourine le fond de ta poitrine
Tu ne crois pas si bien dire...

Nilo, arme à gauche, vive l'aspirine.

J'ai eu du mal à m'accrocher aux premières lignes...
Mais j'ai continué ma route et je n'ai rien lâché et heureusement...
J'ai voyagé dans ton monde un peu gris et sans air frais, mais je m'y suis plus.
De jolies images, toujours aussi bien décrites, finalement je ne sers plus à rien.

il me parle beaucoup ce texte, et j'aime cette sincérité déroulé comme un fil, personnellement je ne trouve pas d'intérêt aux quatre derniers vers trop attendus ... une fin sur doute me plairait d'avantage ... mais c'est personnel

Un doute...

Les regrets...

La culpabilité...

Les années...

Mais il en reste une richesse:

Les mots!

Sylvie

Sans doute Sylvie.
Mais aussi un peu d'accord avec toi Rude, je vais y réfléchir.

Nilo, cent fois sur le métier.

Je remonte ce texte qui le mérite bien. Les vers de six pieds sont redoutablement efficaces et rythment ce poéme qui se lit dans un grand souffle. Les propos, intimes et universels me parlent douloureusement.

Swann, solidaire

Après réflexion j'ai effectivement supprimé les quatre derniers vers...

Nilo, cogito ergo sum.
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PS. Qu'ici j'ai laissé pour mémoire.

J'ai fait le vœu de mettre mon aumône dans la sébile de tous les mendiants que je trouverai sous toutes les portes cochères qui mènent au Petit Etablissement de Crédit que je viens d'ouvrir au profit de ceux qu'en ont pas besoin. En particulier à la Huitième liste que j'vous ai filée.
Juste histoire de pas avoir bossé pour rien à les chercher pasque si j'compte que sur vous j'crains qu'y en ait qu'entendent pas le son de votre obole tombant dans leur coupelle.
Charité bien ordonnée...

Dédé.

Un tableau de maître !