La phobie des pigeons

Tôt dans la journée, un peu avant de passer à table, après l’ouverture des cadeaux, il avait dit à Vivir (sa jumelle), qu’il serait heureux, plus tard, de brancher la Hi-fi avec elle...
Là dessus, dans le silence de mort d’une attente désespérée, il s’était endormi.

*


“Je ne descendrai pas... c’est sûr !
Je ne rentrerai pas ; on vivait en bas, comme le sapin était en bas, la crèche, la cheminée... Et c’est pour ça qu’on ne montait guère à Noël - tout pour ça - jalousie embûche !
... Double raison d’y rester.

Je ne veux plus voir ces gens d’en bas ; la beauté jeune et ferme et vivante est au rendez-vous d’amour comme les pigeons sont aux quais - toqués - Comme ce sang est OK - Comme ce quai de reflets est loin maintenant et cette scène de rien - Comme tout est... sur le pont : personne ! et au dessus - la couleur neutre... de rien - par excellence : le néant ; tout ce qu’il a trouvé de mieux, c’est un vert pistache, transparent d’essence ...
Jamais il a réussi une peinture pareille - jamais deux... comme Elle - Et comme c’est à elle qu’il pensait en regardant cette peinture de la chance - c’était Elle sa chance alors - c’était elle, c’est sûr, c’est elle...
Menteur ! y’ a pas une autre fille ?
... Non ? Ta cousine non ?...
- Oui, oui bien sûr, c’était elle aussi que je voyais - et c’était elle - elle m’aime surtout...
Non. Elle t’aime peut-être mais pas comme toi en tous cas - parce qu’elle, après tout... elle ne pense pas ; elle pense plus à elle, parce qu’elle s’est sauvée la vie, elle s’est donnée une nouvelle vie - et c’est elle qu’elle aime par dessus tout ; ce qui lui reste de physique sourit à tout le monde sauf à toi ...
- Vraiment tout le monde ?
Elle n’aime plus qu’elle au fond, du fond du cœur, c’est elle qu’elle aime seulement, et ceux qui l’ont fait...
Ouvr’donc les yeux !
Ah ! la vie est un cauchemar de comédie, pourquoi ? pourquoi ! Elle s’en est sortie - seule qu’elle dit - peut-être seule (j’y crois pas, seule) et moi ? J’ai mal j’te crois, et j’y pense...
Oublie-la. Quand t’y penses...
C’est quand elle pense à toi qu’t’y penses - et elle a mal elle aussi - crois-le - c’est la vérité - elle pense comme tout le monde, et tu souffres comme elle - des distances - crois-moi, je te le dis, mais aussi je te dis qu’elle te reviendra en forme, un jour, c’est sûr, crois-le c’est la vérité. La vérité qui blesse, la vérité sûrement.


Le repas fut bon, superbe de rêves, bien comme il faut pour oublier tout ; maintenant, on était le soir, et il attendait toujours Vivir avec la musique.

Il allait et venait dans la pièce. L’antenne mal orientée laissait passer les ombres de son film - comme des scènes d’angoisse... Ça coupait - il partait - ça revenait ... Il arracha enfin l’antenne punaisée à la poutre et laissa tomber les fils sur une affiche encadrée de ses maîtres du Sud (Clotel, Zovattoc) ; la musique ne s’en alla plus.
Puis il marcha vers les fenêtres pour fermer les volets ; arrêta son regard sur une petite peinture des quais - vu d’en haut, le quai ocre avec reflet, mouillé, sous un ciel sans ciel, soucieux ... de ses larmes :
Et elle le trouvera beau... comme les autres - Tiens beau !...
Comme les autres !
... Un monstre en ombre et un cercle de sang au milieu, qui pouvait bien être le sien... pour en finir... d’attendre... mais d’attendre toujours.
Il est beau de loin, mais loin d’être beau !
Elle est dure, pensa-t-il - comme ma mère elle est dure - même à Noël, merde ! Même à Noël elle est dure : Les balles de couleurs de Noël.

*

“ T’as pas bientôt fini tes conneries ? ”
- Oui, allez ! Je vais essayer de bien me tenir jusqu’à l’arrivée >>.

Dam.

Décembre 91 Janvier 92, Milly la Forêt (91) Île de France, Essonnes.

Embarqué avec toi. Je n'ai pas eu besoin de réfléchir, d'y revenir, les mots parlent avec leur sens à eux. Il suffit de tendre une oreille attentive.

Z.

Moi aussi je t'ai suivi dans ces vieilles lignes.
Surpris d'abord comme souvent, puis je me suis laissé faire et j'ai bien fait.

Nilo, chasse au pigeon.

Oui!!

On t'a suivi et on a bien fait !

La famille autour du sapin...de Noël...

Certains sont sincères, vivent ces instants dans la véritable joie et l'émotion partagée. ( surtout avant!)

Maintenant, on réunit la famille parce que c'est comme ça, même quand on s'est dit "merde" toute l'année.

Le commerce a pris le dessus! dommage et hélas...n'est ce pas?

Et en lisant ton texte, je ne pouvais que penser à ce presque dernier mot " connerie"...c'est la que j'ai vraiment renforcée ma pensée.

Toujours autant de plaisir à te lire.

Sylvie

Je suis content et presque rassuré que ce texte ne soit pas tombé à plat. Je trouve avec vous la signification de cette passion-expression, une raison profonde, comme c'est là que le bas blesse souvent ; la question d'assumer ses actes dans la passion ne se pose guère, mais le temps qu'il faut pour en récolter les fruits est fort long ! La faute à qui ? A personne. Je me disais souvent que c'était pas le moment de récolter quoique ce soit avec ça, de ce côté-là, qu'il arriverait bien le moment de partager dans la lumière du p'tit matin ces cofidences et ces confessions intimes. Ca, je n'en ai jamais douté.

Amitiés de Dam.

oui, ça "sert" aussi à cela, un forum comme Macadam.