Sur les pas de Franck – Part 4/4

FRANCK attendait détendu, loin sur le quai au repère F., puis tendu : la dernière fois que j’ai attendu sur ce quai, c’était pour aller à Carcasse, rendre visite à Catherine - un voyage éclair qu’il assimilait avec peine, depuis lors qu’il n’avait plus jamais eu de nouvelles de l’Amour.
Il lorgna une cabine à l’angle mort d’un pilier colossal, mais se retint d’y aller ; d’abord, la belle en usait trop des cabines (pour un oui ou pour un non : surtout un non !) - et puis, la dernière fois, sur ce quai, dans cette même cabine...
Il essayait de se distraire en pensant à autre chose.
Tu sais que c’est drôle une loco qui court toute-seule sur les rails : vive allure sans wagon ! Franck sourit. Personne ne détourna les yeux comme il n’y avait personne. On ne sait pas pourquoi, mais l’image de la loco motiva Franck, et lui souleva un paquet de souvenirs. Entre-autre, il y avait celui-ci : la petite fille batifole sur son monstre vert <> ; elle l’attendait les bras ouverts au milieu d’une île blanche d’écume...
Il était naturel et très z’aisé de superposer à ce bambin sans défense, l’image d’une fille “étoile de nouvelle” - sa nouvelle était éternelle, comme le silence à cette heure et depuis fort longtemps, depuis toujours. Tu vas pas en rester là, tu déconnes ; tu vas décoller... exploser !
Elle s’appelait Catherine, comme de bien entendu, et elle était ravissante.
<< Dam, on fait l’champagne ? >>
- Oui >>. Et maintenant, ils se débattaient au milieu d’une île blanche d'écume, piquée de gros ours noirs.
<< Mais tu saignes... du nez !
- Non. C’est l’illusion : regarde. Regarde-moi bien en face >>. Et Franck releva la tête.
<< Comme... c’est vrai ! Mais...
- C’est mon stylo qui bave - Regarde cette merde des rayons-lumières - étalage pacotille : un cadeau de... merde ! >> Il visa en face, sur l’autre quai, la poubelle à bec de lièvre, béante, affreuse : regarde...
Un geste vif et clair, et la plume alla se planter sur un pigeon voyageur qui tripotait une merde - “ Ah ! il pourra picorer en paix à présent, la bave de son sang vert. (l’encre rouge mêlée au sang laissait le pigeon éteint au milieu d’une mare verte,, fluorescente, dans la lumière mort-dorée).
- C’est bien visé ! s’exclama une fille sur le quai d’en face.
- Oui. Son sang était pourri, l’intérieur vilain ! L’aura moins souffert comme ça...
- Ils sont tous comme ça, véreux, les pigeons ? les pauvres...
Franck traversa la voie sans y regarder des masses. Il s’accroupit au chevet du pigeon, retira la plume vengeresse du volatile, et l’enduit du liquide verdâtre ; il porta ces mots sur le papier :
L’aile cassée du picvert
Pis jonc voyageur
Dernier voyage à la mer
Grand périple-ornière
Petit joueur !
Il tendit ce bout de texte à la fille qui se tenait debout sur lui, une étoile en signature.

Après ces élucubrations grotesques, Franck eut froid en lui. Il s’était seulement vidé, maintenant, il grelottait. Il jurait aussi intérieurement : “tu aurais pu me réchauffer, toi, égoïste ! Tu sais prendre, mais tu ne sais pas donner. Tu n’es pas mûre ; tu es conne et froide comme le marbre de ta tombe, glacée.”
Il leva la tête sur le quai d’en face ; la fille avait disparu.
Le pigeon était toujours là, immobile.
La poubelle qui le regardait avec sa gueule d’empeigne, semblait en demander encore.
C’est une vraie poubelle, cette fille. Une saleté de plus qui souille le plancher des vaches, notre planète.
Il se leva d’un bond.

Franck regardait les rails d’une destination inconnue ; il fixait les petits tas enrubannés rosés, comme des fleurs fanées. On dirait des oeillets, vrai !
Ceux-ci s’étendaient à l’infini, et à intervalles réguliers... “C’est bientôt Noël, et j’ai pas fait d’cadeaux...”
Franck descendit sur les rails et attrapa un p’tit tas dans le creux de sa main. C’était sec et dur. Il arrangea un peu le paquet avec les doigts libres de sa main gauche, puis il trouva un carton vide au pied d’un des piliers mastoc ; il y posa délicatement son présent, et ferma la fente avec une ficelle qui traînait un peu plus haut.
Il y colla son dernier timbre et, avec sa plume à plat, il apposa une adresse brève. “Si ça arrive, tant-mieux. Autrement, tant-pis.”

Franck avait repéré une trappe qui bougeait quand il marchait dessus ; il se rendit sur elle en bordure du quai, pour l’ouvrir, puis disparut.
Il suivit une galerie super-humide pendant une demi-minute vers le nord - une échelle, la lumière - il était en ville. Devant le <>, une boîte : “ mince. Mais ça va pas rentrer ! Voyons...”
Devant lui, une voiture s’immobilisa avec des jeunes dedans : “la poste, vous savez où elle est ?”
- Non non, hurla Franck - Je ne suis pas d’ici >>.
Il entra dans le bar.
- La poste, dit le barman en hâte : vous descendez toujours >> Merci.
Franck en eut pour vingt francs tout rond, et ceci malgré son timbre - une fortune ! Société-traquenard - c’est moi qui dois avoir une tête de con.
Il ne précisa rien pour ne pas attiser l’attention des fourbes ; Franck avait seulement dit qu’il avait trouvé un truc joli dans une boutique de cadeau-fêtes : “Faites bien attention, c’est fragile ! C’est une cloche.” Il avait menti en disant qu’on l’avait emballée dans du bulle, bien rembourrée, mais qu’il manquait du collant à la vendeuse : “si vous avez de quoi finir le paquet...” - Léon, du chatterton, vite : quelle couleur ?
- Marron ! Merci >>

À Carcasse, à l’autre bout du monde, une petite porte tranquille. Sur un palier en plancher, un paillasson en forme de chat ; sur la queue noire du chat, un peu bancale, se tenait la boîte. Quand le facteur fut sorti, une fille assez petite, svelte et toujours souriante revenait avec son chien : << Bonjour, m’sieur le facteur ; Fog, oh Fog ! Viens-là !
- Un colis pour vous, mademoiselle Catherine (elle connaissait tout le monde au propre et au figuré) - Je vous l’ai déposé devant votre porte, sur vot’ chat-paillasson.
- Merci-bien. Hibou-nouille hibou-nouille... >>

Le chien avait bien grandi, beaucoup. Il renifla le colis avec flegme : « Non, Fog. C’est pas pour toi ! »
- Hibou-nouille. Hi hi, Bonne Année !
<< Tiens ! en voilà un qui a le sens de la mesure >>, ironisa-t-elle ; puis elle rit.
- Viens Fog : c’est pour toi ! Joyeux Noël, Fog. Va jouer dehors...
Et tandis qu’elle lui ouvrait la porte en grand, en le regardant jouer comme un fou avec le ruban rose qu’il lacérait, la boule noire toute dure qu’il envoyait aux 4 vents, elle sourit : Ça réussit pas à tout le monde, la peinture. >>

***

Dam.

Très agréable pour moi d'entrer dans ce labirynthe cérébrale plutôt tordu de Franck, mais attachant, ces voyages intérieurs, comme un retour au pays de l'enfance et tu dresses fort bien la personnalité de ton personnage sans description, juste ses réactions qui en disent long sur lui.
A priori l'histoire de Franck se termine là pour le moment...
Quelque chose me dit qu'il reviendra.

Alors faisons le tour

Un "Jack" très éparpillé entre l'humour, l'humeur, les sentiments, certains regrets, des traditions...

Ha ! la fameuse "locomotive à Jack" ( ça fonctionne aussi comme ça Dam )

J'ai vraiment aimé
-le passage du cadeau
-La recherche de la poste ( excellent )
-L'improvisation des instants
-Les réflexions ( comme celles que l'on se fait quand on doute)

Ton texte, même si l'on voit et l'on ressent comme un mélange, est bourré de sentiments profonds.

Jack, malgré que cela peut paraitre étonnant, nous ressemble.

Bien sur que c'est écrit à la façon de Dam, mais si on se plonge bien dans chaque contexte où Jack se trouve, et bien son parcours ressemble très fort aux nôtres, ceux qu'on a dans la tête, qui ne se voient pas, qui sont parfois très fous, très risqués, très osés, très quoi!!!

Ca sera ma conclusion sur cette nouvelle que j'ai relue plusieurs fois pour être sure de ne passer à côté de rien.
Et comme le dit le com au dessus de ma tête :

"Je pense qu'on n'en a pas fini avec Jack"

Donc...au plaisir Dam

Sylvie

Je t'ai lu Dam.
Et je dois dire que j'ai eu un grand mal à suivre les pas de Jack. A te suivre donc puisque tu as été le premier à y mettre les tiens.
J'ai trouvé ça confus et brouillon. Mais peut-être est-ce la vie de jack qui l'est. Alors comme le dis Sylvie est-ce également la nôtre ? Je ne sais pas.
L'enfer ce n'est pas forcément "les autres", le paradis est égoïste.

Nilo, stupeur et confusion

Bon là je comprends plus rien, c'est Jack ou Franck?
Est-ce moi qui suis largué ou Sylvie et Nilo fument la même beu??

ça me fait penser à la chanson " fiche le camp Jack et ne reviens jamais jamais jamais jamais "

Non c'est bien FranCk et Si j'avais voulu un D'Jack (ou Jacky) je l'aurais dit.
Ne me demandez pas pourquoi il s'appelle comme ça, même si je le sais très bien
mais Chut !
Je crois que vous l'appelez J pour me le laisser, ne pas y toucher. Je comprends ça ! Mais Franck n'est pas méchant pour un sous, juste un peu bizarre ; et il a une vraie force...

Il fut un allier incontournable à une époque où j'aurais pu mal tourner un un clin d'oeil ! (Rien que pour ça il est respectable)

Il était ma bouée au large dans la tempête
Jusqu'au jour où elle a rejoint le fond
Et moi je me suis envolé...

Dam.