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Ses mains

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Zlatko
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Nilo
Laetitia
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Message  Laetitia Lun 6 Sep - 10:12

J’entre alors, à petit pas dans ce lieu chargé d’émotion mais disons-le, surtout rempli de psychopathes et de névrosés en tout genre. Je prends mon premier poste de psychothérapeute, un fauteuil, un stylo, le soleil quelque part et le tour des chambres ensuite. Une femme cabossée et tatouée entre sans frapper, elle s’approche de plus en plus prés, presque collée maintenant…au bureau. Elle se met à sourire à pleine dent, un énorme sourire, poli mais inquiétant et laid, je n’ai toujours pas mis en pratique les conseils de mes professeurs, compassion et tolérance.

- Vous n’auriez pas une cigarette mam’selle? Juste une petite parce que c’est l’heure de fumer…
Mon cœur s’emballe à la vue de ce phénomène. Je lui donne soixante cinq ans environ, elle en a cinquante. Je me prépare à la renvoyer poliment quand, je rembobine l’histoire. En feuilletant mon agenda, elle est effectivement une pensionnaire du cinquième étage mais surtout, mon premier rendez-vous de la matinée.

- Non, pas de cigarette ! Mais asseyez-vous madame…Praton. Je me présente Marine Gossey, psychologue du service.

De retour dans les couloirs et le nez collé dans mes dossiers, je dévale les escaliers, il me semble alors avoir renversé quelque chose qui se relève néanmoins, péniblement. Une sonde rentrée dans le nez, des yeux gros comme deux gallos sortis d’un sac de bille. Elle doit avoir mon âge, elle sourit. Elle, c’est Soraya. Anorexique, adepte du pro ana sur internet et pensionnaire depuis trois mois maintenant. Je m’excuse rapidement, je n’ai pas le temps. Je ne veux pas trainer dans les parages, aussi Soraya me propose d’entrer dans sa chambre parce que le temps est long. Mon esprit de contradiction me pousse très naturellement à accepter.

-Tu viens souvent ici, il me semble que cela fait deux fois que je te vois passer devant ma chambre me dit-elle.
-Oui l’ascenseur se bloque souvent alors…mais je vais au cinquième étage.
Je suis quelque peu désarçonnée par le ton qu’elle emploie. Visiblement j’ai toujours autant l’allure d’une étudiante même avec ce foutu diplôme en poche.

-le cinquième! L’étage des fous, t’as de la famille ici…
-Non, je suis ….disons plutôt que je rends visite à des patients là haut, je dois rendre un travail bientôt…

Au troisième étage, le travail des patients justement, consiste à arpenter discrètement les couloirs de l’hôpital. Objectif de Soraya: se débarrasser de ce foutu kilos qu’elle a repris depuis une semaine. Elle, aimerait avoir des amies mais les jeunes d’aujourd’hui, ne pensent qu’à bouffer et boire, se remplir de nourriture au lieu de respirer, de regarder autour. Soraya est très intelligente mais il me semble quelque peu utopiste et maniérée. Le lendemain, elle m’invite dans sa chambre quelques minutes encore. Je crains de devoir refuser mais la jeune fille semble plus détendue et insiste posément. Trois mois déjà, quarante deux kilos, un mètre soixante dix! Annoncé fièrement, je lui dis que c’est peu, rien d’autre de disponible. Elle me dit sans blagues et sourit. Sur le lit, des carnets de voyages, Maroc, Canada, Roumanie, Australie, Espagne…des photos orphelines, détachées, éparpillées. Soraya est voyageuse, elle a vingt cinq ans et elle est en transit. Elle me raconte, passionnée, les voyages, les odeurs et les gens là bas. Elle me tend fièrement ses photos, beaucoup de paysages, peu sont marqués de son visage encore émouvant à cet époque. J’imagine les lieux désertiques, les oasis, le soleil écrasant, les tentes piquées à même le sable et la poussière, beaucoup de poussière me dit-elle. Les nuits fraîches, silencieuses, happées par l’insomnie. Je vois toute cette liberté gagnée et regarde furtivement ses jolies yeux aujourd’hui, emprisonnés dans ce corps anorexique.
Elle me demande si j’ai pris un abonnement à l’année et qui je viens voir trois fois par semaine. Je ne réponds pas. Elle me sourit toujours et me propose de venir lui rendre visite de temps à autre. Je suis étonnée de sa proposition très solennelle mais une fois encore accepte. A l’heure dite, je retourne dans la chambre. Soraya est allongée en travers du lit, une image assez dure. Ma grand-mère s’écroulait de la sorte après avoir compris qu’on peut très bien faire le tour de sa prison couché sur un lit. Quelle différence cela fait!
Dehors le soleil brille, aucune raison pour se recroqueviller. Je me sens ridicule, trop en bonne santé pour venir troubler son heure de replis. Doucement je m’approche et vois qu’elle ne dort pas. Je compare nos peaux, nos bras, je semble énorme, presque difforme. Tu ne dors pas, je le sais. Un long moment immobile, aucun mot ne sort de sa bouche. Je reste, je vis sa solitude comme on partage un bon repas. Je pose ma main sur un pic à glace, son épaule, un frisson me parcourt mais il est trop tard, je ne peux plus me retirer et puis après tout, nous sommes fait de chairs et de sang mais aussi d’os. Mes yeux s’emparent de son corps, la photographie et se désolent de voir à quel point cette jeune fille était belle. Ces images là ne vous laissent jamais en paix, il y a trop d’instants insaisissables, loin de la vraie vie, proche de la mort. Soraya a choisi, elle a pris sa vie en main, elle ne mangera plus, elle restera là, posée comme un symbole pour qui pense que l’on a jamais le choix. Quand tout est dit, sans ouvrir une seul fois la bouche.

- Ne fais pas ça me dit-elle, toujours la tête enfoncée au creux de l’oreiller. Ne fais pas ça!

- Faire quoi Soraya, je croyais que tu dormais!

- ça fait un bail que je ne dors plus et je ne veux pas que l’on me touche, je sais à quel point mon corps est repoussant, j’ai fini par le comprendre sur les visages. Je fais peur mais ce qu’ils ne savent pas c’est que moi aussi j’ai la trouille parce que je n’ai aucune envie de leur ressembler. Et la seule façon d’y parvenir c’est de rester le corps petit. Je ne peux plus revenir, tu comprends? Cela ferait trop mal de redevenir transparente.

- Mais tu ne seras jamais transparente, tu brilleras par tes voyages Soraya, tu raconteras aux autres tes terres de Maroc et d’Andalousie. Tu sais, tu m’as fait rêver la dernière fois et beaucoup impressionnée, je serais incapable de partir seule comme toi! Ce n’est pas rien! Il faut que tu repartes.

Mes mots n’avaient aucun poids face à ce corps mangeur de rêve. Il avait bouffé la chair et les rêves de Soraya, il était tout puissant.
Par goût, par besoin, je ne ratais jamais un moment avec elle. Malgré sa maigreur, je percevais un espoir, une porte prête à s’ouvrir. Pour la première fois, je me sentais proche, disponible pour quelqu’un et prête pour deux. Parfois il existe des phrases, des mots à dire plutôt que d’autres, on ne sait pas pourquoi mais on le sent. Celui là, il faut le sortir puisqu’il attend là, tapis entre mes lèvres.

- Tu as de belles mains Soraya.

Je suis fascinée par les mains, elles sont faites pour tant de bonheur. Les mains sont le plus bel instrument capable de donner du plaisir, elles agissent directement sur les corps, de l’instantanée. J’aime les mains, il m’arrive même de les sentir sans qu’elles ne me touchent. Je réussie alors à deviner leur goût et leur texture, rien qu’en y jetant un œil. Je m’amuse à les deviner. Comment trouvent-elles leur repos? Restent-elles ballantes, solidaires, indépendantes ou désireuses de toucher? Sont-elles curieuses, intelligentes…? Certaines mains sauvent de loin le quotidien pitoyable que l’on s’offre. Quand elles glissent lentement sous mon pull, et déplacent leur chaleur sur chaque centimètre carré de peau. Les mains sont des jouisseuses, j’en suis certaine. J’en reviens aux mains de Soraya. J’ai dit : tu as de belles mains quand le mieux aurait été: tu pourrais avoir de si jolies mains! Tu pourrais redevenir tellement belle. Parce qu’en réalité, ses mains étaient translucides, dépourvues de vie, comme ignorantes du bien qu’elles pourraient offrir. Elles ont finalement abandonné l’incessante course au plaisir. Elles ne veulent plus, ni goûter ni donner. Depuis quelques semaines que nous nous voyons, je me sens un peu moins gênée, mon esprit à enregistrer l’anormalité de ses mensurations, il la reconnaît comme différente non plus comme effrayante. Aussi, Soraya me parle parfois de cet homme, son père qu’elle admire et qu’elle déteste, elle me parle de ces mains à lui qui, il y a vingt ans lui racontait des histoires pour l’endormir, quand ces mains d’homme, effrayantes venaient finir de détruire sa vie de petite fille. Les mains ne sont pas toujours douces et c’est pour cela que Soraya veut mourir.

- tu as de belles mains Soraya!

Cette phrase tenait dès le départ un faux rythme, ridicule même, pourtant elle sonnait bien dans mon esprit. Elle se mit à sourire, encore, posa sa main dans la mienne et plongea son regard enfin malicieux dans le mien. Cette main je le savais, je ne la lâcherais plus désormais.



Dernière édition par Laetitia le Lun 6 Sep - 16:33, édité 1 fois
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Message  Nilo Lun 6 Sep - 16:16

J'ai lu ces pages sans m'arrêter. Curieux de savoir.
Je n'ai qu'un petit regret, ces quelques fautes que tu pourrais facilement corriger ce qui rendrait la lecture encore plus agréable.
Ce thème que tu abordes ici à nouveau, passe pour moi beaucoup mieux noyé dans l'histoire de Soraya qui finalement est plutôt "belle" malgré la dureté du propos.

Nilo, je te suivrai.


Dernière édition par Nilo le Mer 8 Sep - 9:15, édité 1 fois

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Message  Laetitia Lun 6 Sep - 16:35

Merci Nilo pour les fautes, effectivement, je me suis corrigée et je dois dire que c'est impardonnable, je serais plus vigilante à l'avenir...Soraya est belle oui, sans aucun doute!
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Message  Comateen Mer 8 Sep - 6:19

en effet, pas mal de fautes.

Ce texte montre le dédain, le sentiment de supériorité du psy qui est souvent bien plus tordu que ses patients, ce qui enlève du sentiment et rend le texte peu profond. Mais peut-être est-ce le désir de l'auteur de montrer l'attitude misanthrope du psy?

Le style n'a rien de particulier ce qui peut sembler être plat mais qui le met à l'abri aussi des fautes de goûts.
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Message  Laetitia Mer 8 Sep - 8:31

Ce texte est en effet assez simple dans le style, j'ai voulu tout simplement aborder plusieurs thèmes. D'une part comme tu le précises, sans aucun doute, le dédain de certains psy envers leurs patients et de l'autre le sentiment que fait naître cette jeune patiente anorexique chez la psy...qui peut être va changer son regard sur la place qu'elle accorde à ses patients. Je n'ai pas voulu aller trop en profondeur, juste effleurer le sujet. Une ouverture sur un sentiment de compassion et peut être même d'amour...
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Message  Zlatko Mer 8 Sep - 8:45

J'ai aimé te lire (encore une petite faute : au paragraphe "Je suis fascinée par les mains", ligne 4, "Je réussie").

L'histoire accroche, les personnages ne demandent qu'à vivre, et la plume est agréable (sans être particulièrement marquante comme le dit Coma, mais toujours juste, toujours présente). On ne s'ennuie pas, on en redemande - en tout cas comme Nilo je te suivrai.

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Message  Lalou Mer 8 Sep - 14:19

En effet, agréable lecture ou l'on ne s'ennuie pas et étant moi même une "fan" des mains, tout cela m'a intéréssé.

A te relire,

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Dernière édition par Lalou le Mer 8 Sep - 18:48, édité 1 fois

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Message  Sylvie Mer 8 Sep - 17:34

Avec cette façon que tu as de décrire les instants importants, et bien j'ai vu, je pouvais voir cette jeune fille en détresse, cette psy qui a oublié son métier et qui, (vu sa jeunesse, )a su choisir les mots qu'il fallait pour décrocher un sourire.

En une phrase, tu as résumé l'horreur qui a plongé cette jeune fille dans le but unique: devenir transparente pour qu'on ne puisse pas voir ce qui l'a sali.

J'aime vraiment ta façon de présenter les évènements" simple mais astucieuse"

Je continue donc de te suivre

Merci

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Message  LauraDavies Mer 8 Sep - 17:59

Les yeux et les mains.

Rien n'est aussi véridique.
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Message  Nilo Dim 3 Oct - 9:09

Missing

Nilo, ce qui est fait n'est plus à faire.

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Message  Dédé Jeu 9 Fév - 17:41

J'ai fait le vœu de mettre mon aumône dans la sébile de tous les mendiants que je trouverai sous toutes les portes cochères qui mènent au Petit Etablissement de Crédit que je viens d'ouvrir au profit de ceux qu'en ont pas besoin. En particulier à la Six-septième liste que j'vous ai filée.
Juste histoire de pas avoir bossé pour rien à les chercher pasque si j'compte que sur vous j'crains qu'y en ait qu'entendent pas le son de votre obole tombant dans leur coupelle.
Charité bien ordonnée...

Dédé.

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Ciao les gonzesses, c'était Dédé. Cool
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