Lettre à un frère

Le 21 Septembre 2009


Cher Gaël,

 Maman m’a prévenue ce matin de ce qui t’es arrivé, ça calme ! Elle m’a dit que tu étais actuellement en soins intensifs, qu’elle t’avais eu au téléphone mais que tu lui semblais très fatigué. Tu n’as pas le droit aux visites parce qu’ils disent que tu dois te reposer, je viendrais quand même te voir cet après-midi et si je ne peux vraiment pas te voir, je remettrai cette lettre aux infirmières.
 Tu nous as bien fait peur quand même, j’ai été choqué, je t’ai imaginé mort mais tu as su passer à côté, je sais que tu es tout seul dans ta chambre d’hôpital, n’oublies pas que l’on est dehors mais que l’on pense tous à toi.
 Voilà longtemps que l’on ne s’est pas vus, pourtant nous habitons à côtés, mais le quotidien nous accroche et peut-être que parfois nous ne faisons pas d’efforts pour se rapprocher, la communication n’a jamais été le fort de notre famille et je le regrette, je sais qu’au fond on se comprend sans se parler mais de non-dits en retenue, peut-être que les sentiments finiront par s’éteindre, tristes, délaissés de leurs maîtres comme des chiens malheureux.
 Je t’aime Gaël, c’est la première fois que je te le dis, tu le sais. Habituellement je te fais une tape sur l’épaule ou je te tends une cigarette de mon paquet entrouvert comme mon cœur et nous fumons dans le silence des banalités, au soleil couchant, l’esprit rempli de douces phrases inédites et secrètes, interdites. Mais aujourd’hui tu dois te reposer, et tu ne peux pas fumer où tu es alors je te le dis encore : Je t’aime.
 J’espère que tu vas bientôt pouvoir sortir, alors on se verra, je te demanderai comment ça va, tu me diras bien et tu me paiera une clope comme unique réponse à cette lettre. Je l’accepterai, silencieux, soulagé.
 A bientôt Gaël.
                             
                                                        ton frèro.


 Comme le destin nous connaît, les infirmières m’ont laissées passer, je ne t’ai pas remis cette lettre, je suis resté avec toi dans ta chambre à prendre des nouvelles, parler de la vie, de maman et papa qui s’inquiètent, de nos enfants. Je suis allé te chercher un magazine de foot, je sais que tu aimes ça et je suis reparti avec ma lettre et la quiétude de t’avoir entendu me dire que là-bas les gens s’occupaient bien de toi.

Oui, si on doit lire des choses telles que celle-ci sur se forum ça valait vraiment le coup de le créer.
Merci de cette initiative Spandrell, et aussi pour ce beau premier envoi.

Nilo, longue vie au MacadEpitres.

"Say what you need to say"
..on ne dit jamais assez les choses essentielles, comme si la routine de la vie nous rendait pudique , et l'on s'aperçoit souvent trop tard de "tout ce que l'on n'a pas dit".
Belle lettre oui..dommage qu'elle ne soit jamais arrivée à son destinataire.

Oui, c'est un beau moment, touchant.

Un ami me disait récemment "dans le rapport à l'autre, on édulcore, on a peur de la profondeur" ; dire "je t'aime", c'est aller chercher cette profondeur.

Même s'il y a un feu d'artifice(s) en page d'acceuil, ici il n'y en a pas.

Z.

Pour ça surtout :

Je t’aime Gaël, c’est la première fois que je te le dis, tu le sais. Habituellement je te fais une tape sur l’épaule ou je te tends une cigarette de mon paquet entrouvert comme mon cœur et nous fumons dans le silence des banalités, au soleil couchant, l’esprit rempli de douces phrases inédites et secrètes, interdites.

Vos messages me touchent beaucoup, j'avais un peu peur d'inaugurer ce forum.
Parfois ça fait du bien d'être épaulé s'agissant des sentiments, il faut juste être entouré des bonnes personnes.
Merci à vous.

je passe par là, je n'avais pas lu ta lettre si touchante ...
dis-lui, à ton frère, que tu l'aimes !
donne-lui cette lettre !
moi aussi, je les aime mes frères et je le dis !
Yzaé, frangine comblée

bin en fait, mon frère va mieux et du coup je l'aime moins, alors je vais pas lui dire...^^
Merci de ton passage Yzaé.

mon frère va mieux et du coup je l'aime moins
quand il va mieux, tu l'aimes moins ...
quand il va mal, tu l'aimes ...
mais, bien ou mal, tu l'aimes, ça se sent ...
tu n'arrives peut-être pas à le lui dire pour l'instant mais tu pourras le faire un jour ...
j'en suis sûre !
Yzaé

oui

Missing

Dédé.

Une lettre c'est toujours de la prose. Alors il n'y avait pas de raison que celle-ci échappe au Printemps de la Prose, d'autant plus qu'elle est belle et bien écrite.

Nilo, poste restante.

C'est bien écrit, et je m'y retrouve, c'est drôle...
C'est généralement dans les temps de crise qu'on voit les liens réels qui lient les gens...

Sasvata, coudes serrés

Je l'avais lue en son temps et elle ne m'avait pas laissé de marbre, évidemment. La pudeur aidant, je n'avais rien dit, attendant peut-être la suite pour dire quelque chose.

Maintenant je peux te dire mon sentiment. Sur la lettre qui est très bien tournée, rien (j'ai déjà dit pourquoi et c'est toujours vrai).
Mais suite à ton commentaire de "fin de crise", je tiens à réagir, parce que j'en ai envie (et aussi parce que ça me parle). Les rapports "vrais" sont toujours plus forts en terme de respect que toute autres politesses et faux semblants. D'un côté il y a l'honnêteté, de l'autre la méchanceté bête et méchante, la bêtise quoi. Bien sûr, les frontières ne sont pas hermétiques. C'est peut-être la cause de ces rapports "singuliers" en fin de compte, comme un vieux contentieux qui tarde à se faire oublier. Mais qu'importe. Le pire, c'est de couper les ponts.
Tu parles de communication (difficultés) ; en la postant ici, tu fais un effort dans ce sens, en tendant une perche. (Centres d'intérêts différents ?) Bah… assez de curiosité.

Dam, j'aurais pu laisser "..." pour dire que je t'avais lu. Vade mecum Vade recom'…

J'ai fait le vœu de mettre mon aumône dans la sébile de tous les mendiants que je trouverai sous toutes les portes cochères qui mènent au Petit Etablissement de Crédit que je viens d'ouvrir au profit de ceux qu'en ont pas besoin. En particulier à la Quatorzième liste que j'vous ai filée.
Juste histoire de pas avoir bossé pour rien à les chercher pasque si j'compte que sur vous j'crains qu'y en ait qu'entendent pas le son de votre obole tombant dans leur coupelle.
Charité bien ordonnée...

Dédé.