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Mon oiseau
4 participants
Macadam :: MacadaTextes :: Nouvelles
Page 1 sur 1
Mon oiseau
1 - MON OISEAU
Je montre à la fenêtre mes atouts majeurs.
Ma jeunesse.
Mes tâches de rousseur comme autant de bons points qui cachent mon mal-être.
La rondeur de mes joues.
Et j’appuie ma langueur contre l’huis de mon théâtre intime, tandis que mon âtre mime une braise reprenant vigueur, doucement.
Là, au coin de la rue, l’oiseau va apparaître, bien après la cohue.
C’est l’heure.
Lorsque baisse le jour.
Que l’école a fermé ses lourdes portes en bois.
Lorsque mon cœur s’affole.
Et que seuls m’importent les bruits, venus, pareils à une sourde mélodie, de là où les nuées ont disparues, jusqu’à mes oreilles attentives.
Mon oiseau.
À l’allure rétive, pimbêche.
Qui s’esquive revêche, craintive et sans un mot dès qu’a tinté la cloche.
Mon oiseau qui s’approche.
Mon oiseau.
Dont le duvet est rose, noires sont les rémiges.*(et noires les rémiges)
Mon oiseau.
Dont la chevelure promène ses reflets entre l’anthracite et le maïs brûlé.
Dont l’éclat d’ébène qui s’immisce, pur maléfice, dans ses yeux, fige son regard comme une mort soudaine qui s’invite chez moi.
Mon oiseau dont les ailes ne sont plus qu’une image.
Mon oiseau.
Dont la peau du visage, de pâleur maladive, éclaire mes pensées moroses de quelque chose de curieux.
Lumière de crépuscule.
Bulle de malheur.
Mystère ténébreux qui longe la chaussée à petits pas furtifs tel un songe macabre, un esquif où se cabrent des voiles, blanches et naufragées, dans la nuit sans étoile.
Mon oiseau s’accrochant à sa cage, farouche, et dont la bouche, fragile fleur éclose, scelle un bijou précieux, un babil, un tabou.
Elle traverse aux clous.
Prend la ruelle à gauche qui me fauche sa vue.*(la fauche à ma vue)
Mon oiseau, que je berce en mon cœur, a disparu comme un mirage.
2 - MES DEVOIRS
Ayant ouvert mon cartable, je m’attable et m’arrime au bureau de ma chambre.
Laissant, las, les maux dans lesquels je m’abîme, je cambre mes esprits, comme un enfant bien sage, à la résolution de quelques équations.
En moins d’un vers, en moins d’une prière, j’ai vu la solution.
L’inconnue est têtue, rime toujours avec ma vie.
Avec ma poésie.
L’abscisse est ordonnée ainsi qu’aucun amour ne puisse s’y noyer.
L’ordonnée tremble en de profonds abysses.
Et la courbe ressemble à un oiseau blessé, englué dans la tourbe.
Je tourne autour d’une circonférence, toujours affleurant violence et tourment.
Mes pattes d’oie sur le papier font des pâtés, glissent, hors normes, sans loi, prennent la forme et les jambages, courbes et déliés, du chemin de l’allène recousant le saccage des veines et des rus d’une ville incertaine, inconnue, plus qu’humaine et perdue, servile, saignant de haine contenue.
Le trait de ma plume tremblante tentée par l’asymptote, frise, brève, insistante, l’écume sur mes commissures, tant est sotte l’envie qui me gêne, malmène, me brise et qui s’échoue sur la grève de mes sens.
Me laissant en sueur.
Haletant.
Une fièvre à l’haleine brûlante effleure mes tempes et mes lèvres.
Hante mes divisions sur la page en désordre, et froissée de mes mains.
Sur ordre de maman, demain, encore, peut-être, je resterai à la maison.
Dehors, sévit la maladie.
Maman a bien raison de me mettre à l’abri.
Je m’endors.
3 - MAMAN
Maman est bien sévère.
Elle ne voudrait que j’aime une autre qu’elle-même.
Autre prose que celle des mathématiques.
Je lui réponds, pervers, que je n’adore que l’or de l’oiseau mécanique sur mon étagère.
Ainsi que mes leçons rangées dans les armoires cirées de son chiffon.
Les roses du jardin embaumant la maison.
Sa version du latin.
Mes devoirs.
Mes problèmes.
Et la sainte famille.
Et puis un jeu de quille.
Une corde à sauter.
Qu’elle m’accorde.
Gentille.
4 - LE CHANT
Bien des heures derrière les pierres de ma maison.
Bien des soirées à ma fenêtre.
Bien des années à ne pas être.
Toujours auprès de ma maman, qui veille sur les humeurs.
Sur la température.
Sur les peurs, les passions et les désolations de son fiston chéri.
J’ai perdu, bien marri, mes brouillons de calculs, où j’avais autrefois, par malice, ajouté quelques ridicules artifices d’oiseleur.
Des miettes.
Un peu de beurre.
Puis un cœur de poète.
Par une manière de distraction j’ai du laisser la poussière du grenier recouvrir ces pages aux grillages d’écolier.
Maman aime l’ordre et la propreté dans sa propriété.
Maman… Qui veille sur les mœurs.
Les rumeurs de la rue.
Et sur le temps qui passe.
L’école de jadis a laissé place nette aux folles d’aujourd’hui dont les silences, drapés d’indifférence, sécrètent un désert de paroles qui s’envole, éphémère, à travers les grilles, et brille jusqu’aux nues.
De leur chœur en latin, ainsi qu’une douce complainte, me parvient le matin une quinte mineure.
Comme douleur étreinte.
Le chant de mon oiseau
Qui
Chaque jour que fait le Malin
Un peu plus s’éteint
Un peu plus se dilue.
Le chant de mon oiseau qui devient un murmure
Et
- Comme une âme s’évade de son mauvais augure
Une armure de sa prison -
Glisse et bade entre les murs
Se meurt
Et grandit en mon cœur
Ainsi qu’un bonheur parfait
Une félicité.
5 - LE FESTIN
Ce soir là, dans mon assiette, trônait une bête rôtie, dont on avait ôté la tête.
Je glissai vite ma serviette dans mon col, comme il était de mise, afin de ne pas tâcher ma chemise.
Je salivai, malgré le licol.
Empoignai ma fourchette.
Mon couteau.
Croquai l’oiseau.
Même les os.
Me léchai les babines.
Sans un bruit, dans mon dos
Petite et rabougrie dans son tablier de cuisine
Maman fait des mines ravies et attend que je la félicite.
Je montre à la fenêtre mes atouts majeurs.
Ma jeunesse.
Mes tâches de rousseur comme autant de bons points qui cachent mon mal-être.
La rondeur de mes joues.
Et j’appuie ma langueur contre l’huis de mon théâtre intime, tandis que mon âtre mime une braise reprenant vigueur, doucement.
Là, au coin de la rue, l’oiseau va apparaître, bien après la cohue.
C’est l’heure.
Lorsque baisse le jour.
Que l’école a fermé ses lourdes portes en bois.
Lorsque mon cœur s’affole.
Et que seuls m’importent les bruits, venus, pareils à une sourde mélodie, de là où les nuées ont disparues, jusqu’à mes oreilles attentives.
Mon oiseau.
À l’allure rétive, pimbêche.
Qui s’esquive revêche, craintive et sans un mot dès qu’a tinté la cloche.
Mon oiseau qui s’approche.
Mon oiseau.
Dont le duvet est rose, noires sont les rémiges.*(et noires les rémiges)
Mon oiseau.
Dont la chevelure promène ses reflets entre l’anthracite et le maïs brûlé.
Dont l’éclat d’ébène qui s’immisce, pur maléfice, dans ses yeux, fige son regard comme une mort soudaine qui s’invite chez moi.
Mon oiseau dont les ailes ne sont plus qu’une image.
Mon oiseau.
Dont la peau du visage, de pâleur maladive, éclaire mes pensées moroses de quelque chose de curieux.
Lumière de crépuscule.
Bulle de malheur.
Mystère ténébreux qui longe la chaussée à petits pas furtifs tel un songe macabre, un esquif où se cabrent des voiles, blanches et naufragées, dans la nuit sans étoile.
Mon oiseau s’accrochant à sa cage, farouche, et dont la bouche, fragile fleur éclose, scelle un bijou précieux, un babil, un tabou.
Elle traverse aux clous.
Prend la ruelle à gauche qui me fauche sa vue.*(la fauche à ma vue)
Mon oiseau, que je berce en mon cœur, a disparu comme un mirage.
2 - MES DEVOIRS
Ayant ouvert mon cartable, je m’attable et m’arrime au bureau de ma chambre.
Laissant, las, les maux dans lesquels je m’abîme, je cambre mes esprits, comme un enfant bien sage, à la résolution de quelques équations.
En moins d’un vers, en moins d’une prière, j’ai vu la solution.
L’inconnue est têtue, rime toujours avec ma vie.
Avec ma poésie.
L’abscisse est ordonnée ainsi qu’aucun amour ne puisse s’y noyer.
L’ordonnée tremble en de profonds abysses.
Et la courbe ressemble à un oiseau blessé, englué dans la tourbe.
Je tourne autour d’une circonférence, toujours affleurant violence et tourment.
Mes pattes d’oie sur le papier font des pâtés, glissent, hors normes, sans loi, prennent la forme et les jambages, courbes et déliés, du chemin de l’allène recousant le saccage des veines et des rus d’une ville incertaine, inconnue, plus qu’humaine et perdue, servile, saignant de haine contenue.
Le trait de ma plume tremblante tentée par l’asymptote, frise, brève, insistante, l’écume sur mes commissures, tant est sotte l’envie qui me gêne, malmène, me brise et qui s’échoue sur la grève de mes sens.
Me laissant en sueur.
Haletant.
Une fièvre à l’haleine brûlante effleure mes tempes et mes lèvres.
Hante mes divisions sur la page en désordre, et froissée de mes mains.
Sur ordre de maman, demain, encore, peut-être, je resterai à la maison.
Dehors, sévit la maladie.
Maman a bien raison de me mettre à l’abri.
Je m’endors.
3 - MAMAN
Maman est bien sévère.
Elle ne voudrait que j’aime une autre qu’elle-même.
Autre prose que celle des mathématiques.
Je lui réponds, pervers, que je n’adore que l’or de l’oiseau mécanique sur mon étagère.
Ainsi que mes leçons rangées dans les armoires cirées de son chiffon.
Les roses du jardin embaumant la maison.
Sa version du latin.
Mes devoirs.
Mes problèmes.
Et la sainte famille.
Et puis un jeu de quille.
Une corde à sauter.
Qu’elle m’accorde.
Gentille.
4 - LE CHANT
Bien des heures derrière les pierres de ma maison.
Bien des soirées à ma fenêtre.
Bien des années à ne pas être.
Toujours auprès de ma maman, qui veille sur les humeurs.
Sur la température.
Sur les peurs, les passions et les désolations de son fiston chéri.
J’ai perdu, bien marri, mes brouillons de calculs, où j’avais autrefois, par malice, ajouté quelques ridicules artifices d’oiseleur.
Des miettes.
Un peu de beurre.
Puis un cœur de poète.
Par une manière de distraction j’ai du laisser la poussière du grenier recouvrir ces pages aux grillages d’écolier.
Maman aime l’ordre et la propreté dans sa propriété.
Maman… Qui veille sur les mœurs.
Les rumeurs de la rue.
Et sur le temps qui passe.
L’école de jadis a laissé place nette aux folles d’aujourd’hui dont les silences, drapés d’indifférence, sécrètent un désert de paroles qui s’envole, éphémère, à travers les grilles, et brille jusqu’aux nues.
De leur chœur en latin, ainsi qu’une douce complainte, me parvient le matin une quinte mineure.
Comme douleur étreinte.
Le chant de mon oiseau
Qui
Chaque jour que fait le Malin
Un peu plus s’éteint
Un peu plus se dilue.
Le chant de mon oiseau qui devient un murmure
Et
- Comme une âme s’évade de son mauvais augure
Une armure de sa prison -
Glisse et bade entre les murs
Se meurt
Et grandit en mon cœur
Ainsi qu’un bonheur parfait
Une félicité.
5 - LE FESTIN
Ce soir là, dans mon assiette, trônait une bête rôtie, dont on avait ôté la tête.
Je glissai vite ma serviette dans mon col, comme il était de mise, afin de ne pas tâcher ma chemise.
Je salivai, malgré le licol.
Empoignai ma fourchette.
Mon couteau.
Croquai l’oiseau.
Même les os.
Me léchai les babines.
Sans un bruit, dans mon dos
Petite et rabougrie dans son tablier de cuisine
Maman fait des mines ravies et attend que je la félicite.
Messaline- MacadAccro
- Messages : 635
Date d'inscription : 29/08/2009
Age : 66
Localisation : Dans une étagère
Re: Mon oiseau
Cui-là, je le tente ici, parce que "ailleurs" il est passé à peu près inaperçu.
Et je le dédicace à toutes les mères abusives qui couvent au fond de nous les filles, ainsi qu'a tous les garçon qui sont resté comme de grands enfants dans le giron de leur maman (les skizos en quelques sorte )
Messaline
Et je le dédicace à toutes les mères abusives qui couvent au fond de nous les filles, ainsi qu'a tous les garçon qui sont resté comme de grands enfants dans le giron de leur maman (les skizos en quelques sorte )
Messaline
Messaline- MacadAccro
- Messages : 635
Date d'inscription : 29/08/2009
Age : 66
Localisation : Dans une étagère
"Mon oiseau" de Messaline
Comme l'autre m'appelait Dam oiseau, ça devrait m'inspirer, moi le sibyllin à la longue-vue qui scrute sur la dunette l'île de sa prison-passion, pour avoir la paix ! Ton écriture très originale en regard de ta vie qui doit pas être triste ! Une dérision suave et très séduisante ! Une gravité sans fard et sans reproche qui tente un passage à vide peut-être, et ça donne ça, et qui le refuse et s'en offusquerait serait vraiment, vraiment, vraiment koi !
Belle lecture vraiment.
Dam, drôle d'oiseau
Belle lecture vraiment.
Dam, drôle d'oiseau
Re: Mon oiseau
" Mystère ténébreux qui longe la chaussée à petits pas furtifs tel un songe macabre, un esquif où se cabrent des voiles, blanches et naufragées, dans la nuit sans étoile. "
Pour ce passage onirique, pour la phrase qui, en trois virgules, ouvre, explore et clôt, pour la musique, et cette sensation de n'y voir non plus des mots mais des couleurs ; bravo.
Pour le reste, je n'ai pas entendu grand-chose.
Z.
Pour ce passage onirique, pour la phrase qui, en trois virgules, ouvre, explore et clôt, pour la musique, et cette sensation de n'y voir non plus des mots mais des couleurs ; bravo.
Pour le reste, je n'ai pas entendu grand-chose.
Z.
Zlatko- MacadAccro
- Messages : 1621
Date d'inscription : 30/08/2009
Age : 33
Localisation : Centre
Re: Mon oiseau
Normal Zlatko, c'est normal. Nous avons du mal à nous glisser dans la peau du chat messaline ; preuve aussi qu'il est difficile de s'oublier soit-même, se mettre entre-parenthèse, le temps d'un miaulement. Alors cette lecture devient craquante, douce, amère, vive, langoureuse, langoustine, gazouillante et chatouilleuse, chatoyante, larmoyante, poilante, flippante, légère et grave...
Dam gros minet
Dam gros minet
Re: Mon oiseau
Je n'avais pas vu ce texte en son temps. Et je ne suis certainement pas le seul au vu du peu de réactions qu'il a suscitées.
Et pourtant il mérite un meilleur sort.
Oui, j'ai aimé cette lecture, ces à-coups furtifs, ces saccades, ces mots en rafales brèves.
Il n'y a guère que dans [Mes devoirs] que j'ai éprouvé un peu d'ennui à ces jeux de mots prenant appui sur des objets mathématiques et qui me semblent un peu forcés.
Bref, l'opération Missing de Dédé m'a permis d'y venir, de m'y arrêter et d'apprécier.
Nilo, lanceur de bouée.
Et pourtant il mérite un meilleur sort.
Oui, j'ai aimé cette lecture, ces à-coups furtifs, ces saccades, ces mots en rafales brèves.
Il n'y a guère que dans [Mes devoirs] que j'ai éprouvé un peu d'ennui à ces jeux de mots prenant appui sur des objets mathématiques et qui me semblent un peu forcés.
Bref, l'opération Missing de Dédé m'a permis d'y venir, de m'y arrêter et d'apprécier.
Nilo, lanceur de bouée.
_________________
... Tu lui diras que je m'en fiche. Que je m'en fiche. - Léo Ferré, "La vie d'artiste"
Re: Mon oiseau
Le Mur à Dédé permet, comme souvent, une belle remontée pour un texte qui mérite mieux que de rester enfermer dans une cage.
Nilo, ouvreur.
Nilo, ouvreur.
_________________
... Tu lui diras que je m'en fiche. Que je m'en fiche. - Léo Ferré, "La vie d'artiste"
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