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Bandaison de crémaillère
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Macadam :: MacadaTextes :: Textes courts
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Bandaison de crémaillère
Je ne visite pas mes morts. Je ne sacrifie pas mes dimanches de pluie à m'agenouiller devant les plaques de marbre. Je ne suis pas d'un naturel communicant. Je décroche rarement le téléphone pour les vivants, alors les morts, vous pensez... Qu'il reposent en paix, comme le dit la formule, et puis j'en ai peu de morts auxquels je tiens, et ceux-là me visitent sans rendez-vous. Ils apparaissent dans mes tourbillons tristes, en témoins muets, mais aussi parfois en plein bonheur, et dans ces moments-là, je libère un peu d'espace, je balaie l'horizon, pour un partage fugace et simple, muet lui aussi. Je ne pense pas qu'ils veillent sur moi; ils sont là, ils débordent d'une case de mon cerveau, en pièces de puzzle incomplet et se présentent ainsi en un regard, un sourire, une démarche, une attitude, une réflexion ancrée qui n'a pas su se satisfaire del'immédiat...
Et puis aussitôt, renaît la crainte de disposer de moins de matériel encore à la prochaine visite, de les oublier tout à fait. Alors je pars à la chasse, je piste leurs traces. En sortant les albums, je m'irrigue aux photos figées, je plonge dans leurs lettres ou leurs mémoires, j'imprègne à nouveau le buvard des miens.
Je n'irai pas au cimetière encore cette année, me joindre à la foule endeuillée. Mes morts sont intimes. Pour eux, je ne cueille ni ne me recueille à date fixe. Pis, j'ai l'instinct de contradiction développé au point d'avoir rechuté lors d'une journée anti-tabac, de refuser farouchement de tirer à l'arc à la saint Valentin, ainsi que d'être profondément misogyne pour la journée de la femme.
Étrangement,à la Toussaint, je pense au sexe, à la petite mort, surtout en période de jachère quand j'en manque. Là aussi mes souvenirs puzzle, giclent en cascade. Je me fais une bandaison de crémaillère et je plonge dans ma marmite à souvenirs de moments troublants et souples. Ils sont là, mijotants. Je m'immerge au milieu des cuisses croisées, ouvertes, des croupes offertes ou fuyantes, je me fraye un passage ou l'œil et la main jouissent du talent qu'avaient parfois ces femmes pour parer leurs atours. Je passe de l'une à l'autre, glisse sur des seins et des culs de toutes dimensions, . ma langue retrouve le sel de leurs peaux, les soubresauts les plus infimes de leur corps, les quelques millimètres qui se raidissaient à son passage. Je m'abandonne au mammifère fouisseur, olfactif, ivre d'elles, de leurs chevelures humides, de leurs muqueuses, de leurs orifices happeurs. Je retrouve les secousses, le resserrement de leurs chairs sur la mienne, les gémissements, les cris qui jaillissent, les regards qui me cherchent et les ongles qui se plantent, ma queue qui se cogne au feu et qui m'électrise lorsqu'elle abdique d'une douce rage. Je revis les séismes, les basculements, les failles où l'esprit se perd. Je retrouve l'urgence du « là, tout de suite ! », comme si notre vie en dépendait, et le fait est qu'elle en dépend, non pas tout de suite, mais plus tard, quand on est seul et qu'on se questionne, stérile, sur le sens de l'existence. Et puis le mammifère se calme, bercé par la caresse des à-côtés complices, des gestes simples qu'on n'oublie pas, et des silences, oui des silences heureux qu'on revit dans les travées de ses cimetières sentimentaux. Ce sont ces fleurs que je cueille aujourd'hui, et pour lesquelles je me recueille.
Et puis aussitôt, renaît la crainte de disposer de moins de matériel encore à la prochaine visite, de les oublier tout à fait. Alors je pars à la chasse, je piste leurs traces. En sortant les albums, je m'irrigue aux photos figées, je plonge dans leurs lettres ou leurs mémoires, j'imprègne à nouveau le buvard des miens.
Je n'irai pas au cimetière encore cette année, me joindre à la foule endeuillée. Mes morts sont intimes. Pour eux, je ne cueille ni ne me recueille à date fixe. Pis, j'ai l'instinct de contradiction développé au point d'avoir rechuté lors d'une journée anti-tabac, de refuser farouchement de tirer à l'arc à la saint Valentin, ainsi que d'être profondément misogyne pour la journée de la femme.
Étrangement,à la Toussaint, je pense au sexe, à la petite mort, surtout en période de jachère quand j'en manque. Là aussi mes souvenirs puzzle, giclent en cascade. Je me fais une bandaison de crémaillère et je plonge dans ma marmite à souvenirs de moments troublants et souples. Ils sont là, mijotants. Je m'immerge au milieu des cuisses croisées, ouvertes, des croupes offertes ou fuyantes, je me fraye un passage ou l'œil et la main jouissent du talent qu'avaient parfois ces femmes pour parer leurs atours. Je passe de l'une à l'autre, glisse sur des seins et des culs de toutes dimensions, . ma langue retrouve le sel de leurs peaux, les soubresauts les plus infimes de leur corps, les quelques millimètres qui se raidissaient à son passage. Je m'abandonne au mammifère fouisseur, olfactif, ivre d'elles, de leurs chevelures humides, de leurs muqueuses, de leurs orifices happeurs. Je retrouve les secousses, le resserrement de leurs chairs sur la mienne, les gémissements, les cris qui jaillissent, les regards qui me cherchent et les ongles qui se plantent, ma queue qui se cogne au feu et qui m'électrise lorsqu'elle abdique d'une douce rage. Je revis les séismes, les basculements, les failles où l'esprit se perd. Je retrouve l'urgence du « là, tout de suite ! », comme si notre vie en dépendait, et le fait est qu'elle en dépend, non pas tout de suite, mais plus tard, quand on est seul et qu'on se questionne, stérile, sur le sens de l'existence. Et puis le mammifère se calme, bercé par la caresse des à-côtés complices, des gestes simples qu'on n'oublie pas, et des silences, oui des silences heureux qu'on revit dans les travées de ses cimetières sentimentaux. Ce sont ces fleurs que je cueille aujourd'hui, et pour lesquelles je me recueille.
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"Chaque pensée devrait rappeler la ruine d'un sourire." Cioran.
Re: Bandaison de crémaillère
Un contraste évidant qui passe de la mort à la vie.
Il fait toujours bon de se rappeler que l'on est encore en vie surtout que l'on sait tous qu'un jour on nous offrira quelques larmes.( hélas)
Je me retrouve aussi dans ce texte car je sais que je n'ai nullement besoin de publicité ou d'obligations pour me rappeler le bon souvenir de ceux qui nous ont quitté.
Mais à ce jour, je préfère profiter du jour que mes yeux admirent.
Aimons nous vivant.
Sylvie
Il fait toujours bon de se rappeler que l'on est encore en vie surtout que l'on sait tous qu'un jour on nous offrira quelques larmes.( hélas)
Je me retrouve aussi dans ce texte car je sais que je n'ai nullement besoin de publicité ou d'obligations pour me rappeler le bon souvenir de ceux qui nous ont quitté.
Mais à ce jour, je préfère profiter du jour que mes yeux admirent.
Aimons nous vivant.
Sylvie
Re: Bandaison de crémaillère
Encore une belle page.
Ce que j'aime chez toi c'est cette profondeur de narration. Cette façon que tu as de nous emmener là où tu vas sans qu'on s'ennuie une seconde pendant le voyage, qu'il soit bref comme ici ou plus long comme dans tes nouvelles.
Toujours des choses à dire et sous le couvert d'une apparente légèreté des choses lourdes de sens.
Nilo, la bandaison maman, ça ne se commande pas.
Ce que j'aime chez toi c'est cette profondeur de narration. Cette façon que tu as de nous emmener là où tu vas sans qu'on s'ennuie une seconde pendant le voyage, qu'il soit bref comme ici ou plus long comme dans tes nouvelles.
Toujours des choses à dire et sous le couvert d'une apparente légèreté des choses lourdes de sens.
Nilo, la bandaison maman, ça ne se commande pas.
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... Tu lui diras que je m'en fiche. Que je m'en fiche. - Léo Ferré, "La vie d'artiste"
Re: Bandaison de crémaillère
Je partage le commentaire de Nilo et de Sylvie.
Ratoune- MacadAccro
- Messages : 1891
Date d'inscription : 01/09/2009
Re: Bandaison de crémaillère
Vu ainsi, la Toussaint semble moins triste..
Très beau texte à bien des égards selon moi (et mes amis plus haut donc).
Le mammifere est vivant.
Très beau texte à bien des égards selon moi (et mes amis plus haut donc).
Le mammifere est vivant.
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LaLou
Re: Bandaison de crémaillère
J'les ai mes fleurs pour le 1er novembre
En réaction à vos retours, plein de "merci" me viennent, mais je resterai muet comme une tombe.
Vivant, carapace percée, colmate.
En réaction à vos retours, plein de "merci" me viennent, mais je resterai muet comme une tombe.
Vivant, carapace percée, colmate.
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"Chaque pensée devrait rappeler la ruine d'un sourire." Cioran.
Re: Bandaison de crémaillère
La nuit est un succédané de la mort
Les enfants pleurent.
Après, les choses s'accélèrent et s'emballent
On doit apprendre à se consoler seul
Ou réveiller en nous l'enfant qui sommeille
Pour retrouver la paix des braves.
Dam, très beau texte vivant.
Les enfants pleurent.
Après, les choses s'accélèrent et s'emballent
On doit apprendre à se consoler seul
Ou réveiller en nous l'enfant qui sommeille
Pour retrouver la paix des braves.
Dam, très beau texte vivant.
Re: Bandaison de crémaillère
La paix des braves,
le repos du guerrier
qui se complaît
les plaies qu'on lèche,
qu'on panse,
compensent...
Et je tourne l'étalon (conne pensée)
Merci Dam.
le repos du guerrier
qui se complaît
les plaies qu'on lèche,
qu'on panse,
compensent...
Et je tourne l'étalon (conne pensée)
Merci Dam.
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"Chaque pensée devrait rappeler la ruine d'un sourire." Cioran.
Re: Bandaison de crémaillère
Etre Vivant, c'est un état d'esprit... que je partage pleinement ( et sans royalties, si tu m'autorises !)
Ce texte me parle avec légèreté de choses profondes, tristes et joyeuses, j'aime beaucoup ton écriture.
Ce texte me parle avec légèreté de choses profondes, tristes et joyeuses, j'aime beaucoup ton écriture.
D'une mort à l'autre.
La petite mort peut apporter la vie qui s'évaporera dans la grande, la vraie.
capodastre- MacadMalade
- Messages : 204
Date d'inscription : 18/11/2010
Re: Bandaison de crémaillère
Un très beau texte. Des mots simples et justes, et c'est bien comme ça.
Z.
Z.
Zlatko- MacadAccro
- Messages : 1621
Date d'inscription : 30/08/2009
Age : 33
Localisation : Centre
Re: Bandaison de crémaillère
Encore un beau repêchage de Dédé dans son Printemps de la Prose.
Cette histoire est belle, bien écrite et intéressante.
Nilo, ce n'est pas peu dire.
Cette histoire est belle, bien écrite et intéressante.
Nilo, ce n'est pas peu dire.
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... Tu lui diras que je m'en fiche. Que je m'en fiche. - Léo Ferré, "La vie d'artiste"
Re: Bandaison de crémaillère
arrivé ici grâce au dernier commentaire de Nilo,
et à ton titre, vivant, aguichant.
Ce texte m'a remué, marqué. Il est plein.
J'y reviendrai souvent, je sens.
Merci
et à ton titre, vivant, aguichant.
Ce texte m'a remué, marqué. Il est plein.
J'y reviendrai souvent, je sens.
Merci
Re: Bandaison de crémaillère
Je n'ai pas choisi le plus heureux, mais il me sert de pretexte pour te "ranimer" Vivant..
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LaLou
Re: Bandaison de crémaillère
J'ai fait le vœu de mettre mon aumône dans la sébile de tous les mendiants que je trouverai sous toutes les portes cochères qui mènent au Petit Etablissement de Crédit que je viens d'ouvrir au profit de ceux qu'en ont pas besoin. En particulier à la Seizième liste que j'vous ai filée.
Juste histoire de pas avoir bossé pour rien à les chercher pasque si j'compte que sur vous j'crains qu'y en ait qu'entendent pas le son de votre obole tombant dans leur coupelle.
Charité bien ordonnée...
Dédé.
Juste histoire de pas avoir bossé pour rien à les chercher pasque si j'compte que sur vous j'crains qu'y en ait qu'entendent pas le son de votre obole tombant dans leur coupelle.
Charité bien ordonnée...
Dédé.
_________________
Ciao les gonzesses, c'était Dédé.
Dédé- MacaDédé
- Messages : 1885
Date d'inscription : 04/09/2009
Re: Bandaison de crémaillère
heureux celui qui meurt "pour de bon" d'une attaque de petite mort
bravo pour ce texte provoquant à souhait qui nous guide hors des chemins battus
l'iconoclaste
bravo pour ce texte provoquant à souhait qui nous guide hors des chemins battus
l'iconoclaste
iconoclaste- MacadAdo
- Messages : 52
Date d'inscription : 31/01/2012
Macadam :: MacadaTextes :: Textes courts
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