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Laurent Frison. Un truc à suivre, peut-être...
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Macadam :: MacadaTextes :: Nouvelles
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Laurent Frison. Un truc à suivre, peut-être...
1.
Toutes les demi-heures l’interphone vibrait et l’appartement se vidait de sa substance, sacrifié à l’autel Ebay pour une somme dérisoire et le sourire de la bonne affaire. Deux jours de brassage en échange de quelques dizaines d’euros…
Laurent accueillait, serviable, proposait son aide lorsque les acheteurs n’avaient pas été assez prévoyants, donnait volontiers le vieux linge de sa mère pour protéger les objets fragiles et souriait à s’en décrocher la mâchoire. Il s’improvisait serveur, offrait le café, le thé dans un service qui finirait à la poubelle si personne ne venait l’en débarrasser.
Les meubles connaîtraient une nouvelle vie. L’armoire par exemple reflèterait le corps de cette charmante métis répondant au nom de Marjolaine. Laurent pensa à l’émission de télé-réalité où une autre eurasienne portant le même patronyme s’était illustrée par son côté vénal. Le poids avait dû être lourd à porter. Et quand le lit dans lequel n’était mort personne fut démonté, une pointe de cynisme le titilla. Il songea que ce dernier aurait peut-être l’occasion de se rattraper avec la petite vieille qui venait de l’acquérir pour un euro symbolique.
Le dernier acheteur se présenta vers dix-huit heures. Un dernier geste serviable, un dernier sourire aimable avant de claquer la porte blindée. Laurent se jeta sur le vieux matelas au sol et compta deux cent trente euros _ le prix du viol de sa mère _ et il allait dépenser cela en quelques jours dans des produits sans âme. C’était la vie, absurde e impitoyable qui ébranlait sa logique d’une main sûre jusqu’à la rendre flaccide, recroquevillée sur elle-même. C’était à cette vie que Laurent venait de sourire une dernière fois avec naïveté et soumission. Désormais, il ne la subirait plus. C’en était terminé également des intrusions maternelles. Plus personne ne se souciait de lui, de ses choix. Plus de rêves par procuration à concrétiser. La liberté ; Lumière crue, éblouissante et dangereuse. Voilà de quoi il était question. Exploser un à un tous les paravents, vivre au plus près de son désir, être à l’écoute de chacun de ses sens.
Il parcourut chaque pièce de l’appartement en poussant des hurlements gutturaux en se percutant le poitrail, à la manière des grands primates, comme lorsqu’il était enfant. Les voisins donnaient déjà des coups de balais contre leur plafond, mais Laurent poursuivait, écarlate, en exécutant des sauts de crapaud et en s’époumonant :
_ La tiédeur, je l’emmerde ! la discrétion, je l’emmerde ! La bienséance, je l’encule ! Terminé tout ça, vous m’entendez ? Ter-mi-né ! Bande de cons ! Demain je débarrasse le plancher, je dépends la crémaillère. Vos condoléances, vous pouvez vous les foutre au cul et reprendre votre minable couronne mortuaire pour l’utiliser comme anneau pénien. Ma mère n’aimait personne ici, et elle avait du goût, bande de poivrots illettrés !
Laurent s’agitait et se déhanchait à la manière d’un Iggy Pop des grands jours. Il dégoulinait de sueur et sentait sa graisse vibrer. Il se pinça l’abdomen et décida qu’il s’occuperait de son corps en priorité dans un monde où l’emballage prévalait sur le contenu. Dans la foulée il exécuta quinze pompes et s’explosa les bras en tentant de maintenir ses cent kilos en traction sur des pistons mollassons. Il aimait déjà cette douleur orientée vers un but.
Toutes les demi-heures l’interphone vibrait et l’appartement se vidait de sa substance, sacrifié à l’autel Ebay pour une somme dérisoire et le sourire de la bonne affaire. Deux jours de brassage en échange de quelques dizaines d’euros…
Laurent accueillait, serviable, proposait son aide lorsque les acheteurs n’avaient pas été assez prévoyants, donnait volontiers le vieux linge de sa mère pour protéger les objets fragiles et souriait à s’en décrocher la mâchoire. Il s’improvisait serveur, offrait le café, le thé dans un service qui finirait à la poubelle si personne ne venait l’en débarrasser.
Les meubles connaîtraient une nouvelle vie. L’armoire par exemple reflèterait le corps de cette charmante métis répondant au nom de Marjolaine. Laurent pensa à l’émission de télé-réalité où une autre eurasienne portant le même patronyme s’était illustrée par son côté vénal. Le poids avait dû être lourd à porter. Et quand le lit dans lequel n’était mort personne fut démonté, une pointe de cynisme le titilla. Il songea que ce dernier aurait peut-être l’occasion de se rattraper avec la petite vieille qui venait de l’acquérir pour un euro symbolique.
Le dernier acheteur se présenta vers dix-huit heures. Un dernier geste serviable, un dernier sourire aimable avant de claquer la porte blindée. Laurent se jeta sur le vieux matelas au sol et compta deux cent trente euros _ le prix du viol de sa mère _ et il allait dépenser cela en quelques jours dans des produits sans âme. C’était la vie, absurde e impitoyable qui ébranlait sa logique d’une main sûre jusqu’à la rendre flaccide, recroquevillée sur elle-même. C’était à cette vie que Laurent venait de sourire une dernière fois avec naïveté et soumission. Désormais, il ne la subirait plus. C’en était terminé également des intrusions maternelles. Plus personne ne se souciait de lui, de ses choix. Plus de rêves par procuration à concrétiser. La liberté ; Lumière crue, éblouissante et dangereuse. Voilà de quoi il était question. Exploser un à un tous les paravents, vivre au plus près de son désir, être à l’écoute de chacun de ses sens.
Il parcourut chaque pièce de l’appartement en poussant des hurlements gutturaux en se percutant le poitrail, à la manière des grands primates, comme lorsqu’il était enfant. Les voisins donnaient déjà des coups de balais contre leur plafond, mais Laurent poursuivait, écarlate, en exécutant des sauts de crapaud et en s’époumonant :
_ La tiédeur, je l’emmerde ! la discrétion, je l’emmerde ! La bienséance, je l’encule ! Terminé tout ça, vous m’entendez ? Ter-mi-né ! Bande de cons ! Demain je débarrasse le plancher, je dépends la crémaillère. Vos condoléances, vous pouvez vous les foutre au cul et reprendre votre minable couronne mortuaire pour l’utiliser comme anneau pénien. Ma mère n’aimait personne ici, et elle avait du goût, bande de poivrots illettrés !
Laurent s’agitait et se déhanchait à la manière d’un Iggy Pop des grands jours. Il dégoulinait de sueur et sentait sa graisse vibrer. Il se pinça l’abdomen et décida qu’il s’occuperait de son corps en priorité dans un monde où l’emballage prévalait sur le contenu. Dans la foulée il exécuta quinze pompes et s’explosa les bras en tentant de maintenir ses cent kilos en traction sur des pistons mollassons. Il aimait déjà cette douleur orientée vers un but.
2.
Laurent savoura sa douche, jeta un œil critique sur ses habits en songeant que l’argent des meubles pourrait servir à les renouveler, mais il balaya l’idée qu’il trouva prématurée au regard de sa surcharge pondérale. Il attendrait. Au final, il décida que ces deux-cents trente euros entreraient dans la même ligne comptable et seraient consacrés à l’amélioration de son intérieur. Changer de lit, par exemple. Oui, bien dormir, voilà qui était important quand on ne souhaitait plus se traîner comme une ombre grasse. Laurent aurait une hygiène de vie correcte avec de gros écarts de temps en temps, histoire de ne pas sombrer par lassitude. Il rassembla les albums photos. La vie de sa mère tenait dans une valise et une urne. Il referma la porte et descendit l’escalier sans croiser de voisin belliqueux.
Il relativisa le peu d’importance que représentait désormais sa mère en considérant le poids de sa valise. Les muscles, déjà peu accoutumés à exécuter des pompes menaçaient de s’effilocher au moindre pas de trop. Il peinait, progressait d’un lampadaire à l’autre en ahanant. Fort heureusement, son appartement n’était pas très éloigné. Jacqueline Frison n’aurait pas supporté qu’il habitât une autre ville, ni même un autre quartier que le sien. Il devait respirer le même air qu’elle, connaître les mêmes écarts de température, fréquenter les mêmes magasins et être aguiché par les mêmes promotions. Il devait être là en cas de besoin, mais elle n’exigeait rien d’autre que cette disponibilité et se targuait, auprès de ses amies, de ne jamais en profiter. Une petite visite à la quinzaine. Rien de pathologique en somme.
Laurent entreposa la valise dans l’entrée déjà bien encombrée, avec une tout autre vision de sa mère. Chaque coup de téléphone le renvoyait au statut incommode de gamin fade, un peu décevant, qu’elle aimait par défaut, l’autre moitié de sa famille ayant fini en sandwich au milieu de la tôle d’une Renault cinq bleue peu après les six ans de Laurent. S’il ne prenait pas l’initiative d’appeler sa mère régulièrement, il devait en prime supporter l’aigreur de cette dernière et l’étalage commenté de son ingratitude. Aussi s’astreignait-il chaque soir à appeler après le repas en prenant soin de se servir un grand verre de whisky et d’avoir ses cigarettes à portée de main. En mélangeant les toxiques, il identifiait moins le mal et se soustrayait plus facilement au poids d’un père et d’un frère fantômes. Il ne parvenait cependant pas à évacuer l’amertume d’une vie passée à tenter de satisfaire sa mère. Elle l’avait lesté de rêves de gloire et de fortune quand d’autres souhaitaient juste que leurs enfants trouvent leur propre voie. Aujourd’hui qu’elle n’était plus là, Laurent ne représentait plus un échec. Il écrivit « Ne plus jamais agir en fonction de ce que penserait ma mère » et le colla sur le frigo. Plus de lest, juste lui, Laurent Frison, et la vie comme terrain de jouissance. Il se coucha, sans whisky ni amertume.
Il relativisa le peu d’importance que représentait désormais sa mère en considérant le poids de sa valise. Les muscles, déjà peu accoutumés à exécuter des pompes menaçaient de s’effilocher au moindre pas de trop. Il peinait, progressait d’un lampadaire à l’autre en ahanant. Fort heureusement, son appartement n’était pas très éloigné. Jacqueline Frison n’aurait pas supporté qu’il habitât une autre ville, ni même un autre quartier que le sien. Il devait respirer le même air qu’elle, connaître les mêmes écarts de température, fréquenter les mêmes magasins et être aguiché par les mêmes promotions. Il devait être là en cas de besoin, mais elle n’exigeait rien d’autre que cette disponibilité et se targuait, auprès de ses amies, de ne jamais en profiter. Une petite visite à la quinzaine. Rien de pathologique en somme.
Laurent entreposa la valise dans l’entrée déjà bien encombrée, avec une tout autre vision de sa mère. Chaque coup de téléphone le renvoyait au statut incommode de gamin fade, un peu décevant, qu’elle aimait par défaut, l’autre moitié de sa famille ayant fini en sandwich au milieu de la tôle d’une Renault cinq bleue peu après les six ans de Laurent. S’il ne prenait pas l’initiative d’appeler sa mère régulièrement, il devait en prime supporter l’aigreur de cette dernière et l’étalage commenté de son ingratitude. Aussi s’astreignait-il chaque soir à appeler après le repas en prenant soin de se servir un grand verre de whisky et d’avoir ses cigarettes à portée de main. En mélangeant les toxiques, il identifiait moins le mal et se soustrayait plus facilement au poids d’un père et d’un frère fantômes. Il ne parvenait cependant pas à évacuer l’amertume d’une vie passée à tenter de satisfaire sa mère. Elle l’avait lesté de rêves de gloire et de fortune quand d’autres souhaitaient juste que leurs enfants trouvent leur propre voie. Aujourd’hui qu’elle n’était plus là, Laurent ne représentait plus un échec. Il écrivit « Ne plus jamais agir en fonction de ce que penserait ma mère » et le colla sur le frigo. Plus de lest, juste lui, Laurent Frison, et la vie comme terrain de jouissance. Il se coucha, sans whisky ni amertume.
3
Sybil, la comptable callipyge l’ignorait comme d’habitude et accaparait la machine à café, entourée de sa petite cour de prétendants. Laurent trouva là un premier terrain d’action sur son lieu professionnel. Juste avant d’agir, il se répéta : « ma satisfaction avant tout, à tout prix. » Il écarta Sybil et son supérieur comme les deux battants d’entrée d’un saloon, et se servit un chocolat. Il capta le regard offusqué de la comptable, celui, chafouin, de son chef, et leur opposa un large sourire satisfait. Le vrai Laurent Frison était en route, et cet insignifiant fait d’arme serait suivi de centaines d’autres au service de sa cause. Pas de bouclier, le poitrail à l’air et les poumons gonflés ; un guerrier sans ordre ni bannière sur les chemins de la reconquête.
Quelques jours plus tard, on s’écartait à son approche. Il toisait, inquisiteur, les habitués du café-clope, et sentait qu’il avait marqué cet espace restreint de sa présence. On se mit à le craindre légèrement, à sourire, amusé, ou à marquer sa désapprobation par des grimaces entendues. Peu lui importait la nature des manifestations. Il existait et marquait la vie de son empreinte. On était loin du premier pas sur la lune, certes, mais il fallait bien commencer quelque part.
En quinze jours, Laurent Frison avait perdu trois kilos à force de suer sur un vélo d’appartement et d’effectuer des pompes à s’en scier le ventre. Il avait réduit sa consommation de cigarettes à cinq par jour. Il aimait malmener son corps, repousser les limites de la souffrance, sentir résonner ses tempes de l’emballement cardiaque. Ce corps , comme engoncé dans une armure rouillée dont il fallait s’extraire… Personne ne l’avait remarqué au boulot, mais il avait resserré sa ceinture d’un cran.
Jacqueline Frison avait voulu qu’il devienne écrivain. Elle avait choisi ce destin pour Laurent après avoir lu « la promesse de l’aube.» Elle s’était entichée de la mère de Romain Gary et s’était appuyée sur les encouragements des professeurs de français du collège puis du lycée. Il lui fallut des années pour renoncer à ce rêve. Son fils n’était qu’un minable employé de bureau boulimique, un courbeur d’échine, un bouffeur de quotidien comme des millions d’autres. Elle avait engendré l’ordinaire, et cela la renvoyait à sa propre condition, une vie qu’elle trouvait trop étriquée, insipide et morne.
Quelques jours plus tard, on s’écartait à son approche. Il toisait, inquisiteur, les habitués du café-clope, et sentait qu’il avait marqué cet espace restreint de sa présence. On se mit à le craindre légèrement, à sourire, amusé, ou à marquer sa désapprobation par des grimaces entendues. Peu lui importait la nature des manifestations. Il existait et marquait la vie de son empreinte. On était loin du premier pas sur la lune, certes, mais il fallait bien commencer quelque part.
En quinze jours, Laurent Frison avait perdu trois kilos à force de suer sur un vélo d’appartement et d’effectuer des pompes à s’en scier le ventre. Il avait réduit sa consommation de cigarettes à cinq par jour. Il aimait malmener son corps, repousser les limites de la souffrance, sentir résonner ses tempes de l’emballement cardiaque. Ce corps , comme engoncé dans une armure rouillée dont il fallait s’extraire… Personne ne l’avait remarqué au boulot, mais il avait resserré sa ceinture d’un cran.
Jacqueline Frison avait voulu qu’il devienne écrivain. Elle avait choisi ce destin pour Laurent après avoir lu « la promesse de l’aube.» Elle s’était entichée de la mère de Romain Gary et s’était appuyée sur les encouragements des professeurs de français du collège puis du lycée. Il lui fallut des années pour renoncer à ce rêve. Son fils n’était qu’un minable employé de bureau boulimique, un courbeur d’échine, un bouffeur de quotidien comme des millions d’autres. Elle avait engendré l’ordinaire, et cela la renvoyait à sa propre condition, une vie qu’elle trouvait trop étriquée, insipide et morne.
4.
Laurent avait jeté tout le contenu de la bibliothèque dans de grands sacs poubelle spécial gravats, comme autant de briques d’un mur qui l’avait toujours séparé de sa mère. À vingt-deux ans, Il avait été jusqu’à se pourrir un été entier afin d'écrire un roman, mais le retour des éditeurs fut sans appel. Le rêve de Jacqueline n’était pas à sa portée. Peu à peu, elle cessa de le promener en laisse dans les salons littéraires, aux séances de dédicaces, et ne lui offrit plus de romans.
Sa mère était morte depuis quelques mois déjà, mais chaque soir, Laurent Frison décrochait le téléphone avant de se raccrocher au réel. Des débris de rêves traînaient aux quatre coins de son cerveau. La colère monta. Non, il n’était en rien responsable de la mort de sa mère ! Il fixa la note sur le frigo et pédala de plus belle, jusqu’à en avoir des fourmis dans l’entrejambe. Ne pas se laisser atteindre par les remous sombres ; utiliser la rage pour atteindre ses objectifs.
_ Il faudrait surtout arrêter de s’écouter parler et se discipliner pour ne prendre la parole que lorsqu’on pense pouvoir enrichir le débat.
Pour sa première intervention, Laurent avait réussi son coup. Sa phrase avait fendu le silence survenu après la lénifiante tirade de Georges Saintonge. Tous les regards encore éveillés avaient convergé vers lui. Il les affronta en masquant tant bien que mal, le pieu fiché dans son plexus solaire. Il avait puisé dans ses dernières ressources pour enchaîner :
_ Non, mais c’est vrai ; nous passons un temps fou en gargarismes. Tout le monde y va de sa petite vantardise pour montrer à quel point il est formidable et indispensable à la boîte, et l’essentiel, je veux dire, les problèmes réels qui devraient trouver leur place ici, sont débattus entre deux portes, par petits groupes où la connivence et l’esprit de clocher l’emportent sur la prise de recul. Une réunion, ce devrait être autre chose qu’une séance de congratulations et de remise de médailles. Sur ce, j’ai assez perdu mon temps dans cette pièce surchauffée. Je ne remettrai les pieds en réunion que lorsqu’on en aura redéfini la nature et les objectifs.
Laurent avait quitté sobrement la pièce et croquait maintenant une pomme dans son bureau déserté. Son plexus rayonnait. Une tiédeur nouvelle, un accord intime, une caresse du corps à l’esprit. On ne tarda pas à pousser la porte du bureau pour lui serrer la main ou lui donner l’accolade. Surprenante engeance que la race humaine. Laurent qui se muselait pour plaire, constatait que rien ne le servait mieux que les éclats de voix. Il pesta d’avoir attendu si longtemps, mais cessa rapidement car désormais il ne s’appesantirait plus sur le passé ; il laisserait tranquille le révolu au profit de sa révolution. Peu à peu, on l’étiqueta « grande gueule » et l’on se mit à le respecter.
Sa mère était morte depuis quelques mois déjà, mais chaque soir, Laurent Frison décrochait le téléphone avant de se raccrocher au réel. Des débris de rêves traînaient aux quatre coins de son cerveau. La colère monta. Non, il n’était en rien responsable de la mort de sa mère ! Il fixa la note sur le frigo et pédala de plus belle, jusqu’à en avoir des fourmis dans l’entrejambe. Ne pas se laisser atteindre par les remous sombres ; utiliser la rage pour atteindre ses objectifs.
_ Il faudrait surtout arrêter de s’écouter parler et se discipliner pour ne prendre la parole que lorsqu’on pense pouvoir enrichir le débat.
Pour sa première intervention, Laurent avait réussi son coup. Sa phrase avait fendu le silence survenu après la lénifiante tirade de Georges Saintonge. Tous les regards encore éveillés avaient convergé vers lui. Il les affronta en masquant tant bien que mal, le pieu fiché dans son plexus solaire. Il avait puisé dans ses dernières ressources pour enchaîner :
_ Non, mais c’est vrai ; nous passons un temps fou en gargarismes. Tout le monde y va de sa petite vantardise pour montrer à quel point il est formidable et indispensable à la boîte, et l’essentiel, je veux dire, les problèmes réels qui devraient trouver leur place ici, sont débattus entre deux portes, par petits groupes où la connivence et l’esprit de clocher l’emportent sur la prise de recul. Une réunion, ce devrait être autre chose qu’une séance de congratulations et de remise de médailles. Sur ce, j’ai assez perdu mon temps dans cette pièce surchauffée. Je ne remettrai les pieds en réunion que lorsqu’on en aura redéfini la nature et les objectifs.
Laurent avait quitté sobrement la pièce et croquait maintenant une pomme dans son bureau déserté. Son plexus rayonnait. Une tiédeur nouvelle, un accord intime, une caresse du corps à l’esprit. On ne tarda pas à pousser la porte du bureau pour lui serrer la main ou lui donner l’accolade. Surprenante engeance que la race humaine. Laurent qui se muselait pour plaire, constatait que rien ne le servait mieux que les éclats de voix. Il pesta d’avoir attendu si longtemps, mais cessa rapidement car désormais il ne s’appesantirait plus sur le passé ; il laisserait tranquille le révolu au profit de sa révolution. Peu à peu, on l’étiqueta « grande gueule » et l’on se mit à le respecter.
5.
Sous la couche adipeuse, Laurent palpait ses muscles. Il avait perdu presque deux tailles de pantalon et s’habillait avec des vêtements vieux de cinq ans. Il les enfilait avec délice avec la sensation de remonter le temps. Il laissait pousser ses cheveux et s’astreignait à un gommage de peau régulier, suivi d’un baume apaisant et hydratant. On commençait à le complimenter sur son apparence, à lui trouver meilleure mine, mais de tous les employés, Müller, son supérieur immédiat, était le plus attentif aux changements qui s’opéraient. Frison commençait à lui porter ombrage et ses diverses tentatives d’autorité n’avaient pas eu l’effet escompté. Pis, il sentait qu’il perdait toute emprise sur Laurent. Ce dernier arborait un sourire exagéré dès qu’il le croisait et Müller finit par exploser.
_ J’ai comme l’impression que vous vous foutez de ma gueule, Frison.
_ Pas le moins du monde, monsieur. Je prends de plus en plus de plaisir à accomplir ma tâche. J’imagine simplement le bonheur qui sera le mien quand j’aurai pris votre place.
_ Vous ? Vous ne parlez pas sérieusement ?
_ Oh que si, mais ne vous inquiétez pas. Je vous rendrai vite votre dû pour grimper plus haut encore. Vous allez sans doute être fortement contrarié, mais promettez-moi d’être patient. Dans quelque temps, vous ne serez plus que du menu fretin pour moi.
_ Continuez à vous foutre de ma gueule, nous verrons bien ce qu’il en ressortira.
_ Je peux vous en donner la primeur : Ce sera à votre tour de me servir du « Monsieur » avec la majuscule et l’intonation. J’y tiendrai, sinon mon plaisir ne serait pas entier. Vous allez craindre mes sautes d’humeur, mes petites injustices, et croyez-moi, j’en aurai. Je saurais me souvenir de vos agissements.
_ En attendant, vous allez rester un peu : Deux dossiers en souffrance qui doivent être traités avant demain matin. Je compte sur votre nouvelle ambition pour faire un peu de zèle…
Laurent n’opposa aucune résistance et s’exécuta, docile et appliqué, sans se départir de son sourire en coin. Il aborda ce surcroît de travail de ma même façon que son exercice physique quotidien : une énergie déployée et canalisée au service d’un but. Il existait aux yeux de Müller ; il avait même l’intention de devenir son obsession, son gravier sous le talon. Déjà il réfléchissait au moyen de tourner l’acharnement de son supérieur à son avantage et ne doutait pas une seconde d’y parvenir.
Les jours suivants se déroulèrent à l’identique : Müller avait fait irruption quelques minutes avant la fin de son service, avait déposé d’autres dossiers à traiter en urgence et avait subi l’ironie amusée de Laurent. Ce dernier s’inquiétait de sa mauvaise mine, de son manque d’entrain général, de sa qualité de sommeil ou de tout autre détail susceptible d’affecter son efficience professionnelle. Laurent ne sentait aucune satisfaction chez Müller. Il persistait dans ses brimades, mais devenait chaque jour plus friable. Un étrange phénomène osmotique se produisait, plus vorace qu’une succion de vampire et qui faisait de Müller une proie vulnérable et exsangue.
_ J’ai comme l’impression que vous vous foutez de ma gueule, Frison.
_ Pas le moins du monde, monsieur. Je prends de plus en plus de plaisir à accomplir ma tâche. J’imagine simplement le bonheur qui sera le mien quand j’aurai pris votre place.
_ Vous ? Vous ne parlez pas sérieusement ?
_ Oh que si, mais ne vous inquiétez pas. Je vous rendrai vite votre dû pour grimper plus haut encore. Vous allez sans doute être fortement contrarié, mais promettez-moi d’être patient. Dans quelque temps, vous ne serez plus que du menu fretin pour moi.
_ Continuez à vous foutre de ma gueule, nous verrons bien ce qu’il en ressortira.
_ Je peux vous en donner la primeur : Ce sera à votre tour de me servir du « Monsieur » avec la majuscule et l’intonation. J’y tiendrai, sinon mon plaisir ne serait pas entier. Vous allez craindre mes sautes d’humeur, mes petites injustices, et croyez-moi, j’en aurai. Je saurais me souvenir de vos agissements.
_ En attendant, vous allez rester un peu : Deux dossiers en souffrance qui doivent être traités avant demain matin. Je compte sur votre nouvelle ambition pour faire un peu de zèle…
Laurent n’opposa aucune résistance et s’exécuta, docile et appliqué, sans se départir de son sourire en coin. Il aborda ce surcroît de travail de ma même façon que son exercice physique quotidien : une énergie déployée et canalisée au service d’un but. Il existait aux yeux de Müller ; il avait même l’intention de devenir son obsession, son gravier sous le talon. Déjà il réfléchissait au moyen de tourner l’acharnement de son supérieur à son avantage et ne doutait pas une seconde d’y parvenir.
Les jours suivants se déroulèrent à l’identique : Müller avait fait irruption quelques minutes avant la fin de son service, avait déposé d’autres dossiers à traiter en urgence et avait subi l’ironie amusée de Laurent. Ce dernier s’inquiétait de sa mauvaise mine, de son manque d’entrain général, de sa qualité de sommeil ou de tout autre détail susceptible d’affecter son efficience professionnelle. Laurent ne sentait aucune satisfaction chez Müller. Il persistait dans ses brimades, mais devenait chaque jour plus friable. Un étrange phénomène osmotique se produisait, plus vorace qu’une succion de vampire et qui faisait de Müller une proie vulnérable et exsangue.
6.
Müller se mit à dépérir plus rapidement encore quand il constata que Frison plaisantait de plus en plus ouvertement avec Chopinet aux abords de la machine à café. S’il était une personne qui pouvait à loisir appuyer sur le bouton de l’ascenseur promotionnel, c’était bien Chopinet. Il avait ses entrées chez les pontes, et ses conseils s’évanouissaient rarement dans l’air. Müller assistait à la parade de Laurent, impuissant. Ses rapports avec Chopinet étaient par trop distants pour la contrecarrer sans passer pour un médisant ou un jaloux primaire.
Laurent avait senti le terrain et maniait son nouvel interlocuteur, non comme un pion d’échec, mais comme un cavalier : Il se réservait toujours une porte de sortie sur le côté sans perdre de vue la direction finale. Laurent connaissait l’existence d’une courte relation entre Sybil et Chopinet. Il avait avancé sur le terrain avec la prudence calculée du démineur alors qu’elle était entourée de sa clique d’admirateurs habituels, et Chopinet avait embrayé naturellement en glissant deux propos salaces dont s’était emparé Laurent. Il tournait autour, dégoisait sur d’autres rumeurs fondées ou non et vit que le sujet passionnait Chopinet. Peu à peu, il ajoutait ses préoccupations personnelles, saupoudrait son discours de plaintes légères concernant Müller et son incompétence, et comptait sur le pouvoir subliminal pour faire le reste.
Les dossiers en contentieux de dernière minute retardaient de moins en moins Laurent. Il avait pris le rythme et travaillait avec une rapidité et une concision qui furent bientôt remarquées. Miller tenta bien de tirer à couverture à lui, mais Chopinet le brisa dans son élan pour le contraindre au silence contrit. Au terme de cette réunion, Chopinet glissa à Laurent qu’il lui avait obtenu une entrevue éclair avec madame Joux et qu’il valait mieux la jouer « corporate » et affirmée s’il voulait gravir l’échelle sociale.
_ Et n’arrive pas les mains vides. Elle attend des idées, des projets.
_ Dans le service contentieux ? Difficile d’être vraiment original.
_ On ne te demande pas d’être excentrique, mais si tu as repéré quelques manquements dans l’organisation, une ambiance à améliorer ou n’importe quel petit détail qui pourrait permettre à la boîte de gagner un peu plus de fric, n’hésite pas à broder et à saupoudrer le tout de lyrisme, tout en argumentant de façon réaliste.
_ Mouais… Et j’ai combien de temps pour faire rêver la mère Joux ?
_ Plus qu’il n’en faut. Elle te verra pendant la pause déjeuner.
_ Dans une heure ? J’espère qu’elle aime la spontanéité ?
_ Elle a horreur de ça. Pose tes jalons. C’est une chance unique.
7.
Bernadette Joux avait encore sa chemise immaculée. Ses énormes seins torturaient les boutons du haut et ne tarderaient pas à recevoir la coutumière projection de sauce tomate ou de graisse pour les punir de se trouver si présents entre l’assiette et la bouche. Laurent ne s’attarda pas sur la dentelle florale qui transparaissait légèrement du tissu et fixa le front de Madame Joux, enfoncé dans son siège, les jambes écartées et les mains bien à plat sur le bureau.
_ Vous sortez de l’anonymat, monsieur Frison, et quand je dis cela, c’est un euphémisme. Je n’entends parler que de vous alors qu’il y a seulement un mois, j’ignorais quasiment votre existence. Vos frasques en réunion, votre énergie au travail, votre ambition nouvelle… Tout cela est si soudain. Je ne sais pas quoi en penser. Vous allez m’aider n’est-ce pas ?
_ C'est tout simple, vous savez ? Ma mère aurait aimé que je m’investisse plus dans ma vie professionnelle. C’est un hommage posthume que je lui rends en donnant le meilleur de moi-même. Je n’ai plus de famille, maintenant. Ici, c’est un peu mon foyer, vous comprenez ? Cela dit, je commence à me sentir un peu à l’étroit dans ma fonction actuelle. Il est vrai que je nourris d’autres ambitions.
_ J’ai crû comprendre cela. Monsieur Müller ne cesse de se plaindre de vos écarts de discipline.
_ Madame Joux, l’autorité doit se mériter et je me considère plus compétent qu’un Müller en fin de course. Donnez-nous deux dossiers identiques ; j’aurai achevé le mien quand il n’aura pas terminé de déchiffrer le sien. Müller est démotivé et rétif au moindre signe d’innovation. Les psychorigides de son acabit sont parfaits pour exécuter des tâches répétitives, mais d’une incompétence crasse pour remuer une équipe. Je n’ai rien de personnel contre lui, comprenez-moi bien…
_ Et que pensez-vous pouvoir apporter de plus que monsieur Müller qui vous considère, quant à lui comme un élément perturbateur et prétentieux ?
_ Monsieur Müller confond sans doute ambition et prétention. Le nombre accru de dossier que j’ai dû boucler en dehors de mes horaires de travail ne m’a pas permis de rédiger un projet digne de ce nom, mais je peux d’ores et déjà vous parler des outils dont nous disposons et dont nous n’exploitons pas correctement les possibilités. La supervision, les temps de réunion, l’incohérence des plannings des secrétaires. Laissez-moi plancher là-dessus un week-end et vous aurez un rapport contenant les problèmes soulevés et mes suggestions destinées à les pallier.
_ Je vous laisse jusqu’à demain matin, neuf heures, histoire de tester votre réactivité. Bon courage et bon déjeuner.
À neuf heures moins dix, Laurent déposa son rapport dans le bureau de Bernadette Joux. À Midi, il reçut un mail émanant de cette dernière. Les problèmes soulevés lui paraissaient intéressants à étudier, mais pas les propositions qu’elle jugea fantaisistes et en inadéquation avec une réalité de terrain. Elle promettait néanmoins d’étudier attentivement la candidature de Laurent dans un avenir proche pour le poste convoité.
Le reste de la journée glissa entre les doigts de Frison. Chaque heure se fracassa comme une assiette sur le carrelage. Il avait relu le mail une centaine de fois, mais avec toute la volonté du monde, il ne pouvait en gommer le contenu pour le tourner à sa manière. Le message restait identique, imperturbable et marquait un coup cinglant à sa volonté ascensionnelle. Avant de quitter le bureau, Laurent cliqua encore sur sa boite de réception, reçut une dernière fois la gifle de Bernadette Joux, et sortit, les épaules tombantes, épuisé et amer.
8.
Une fois chez lui, il décrocha le téléphone et se frappa le front en pestant contre cette habitude qui le tenait toujours viscéralement accroché à sa mère. Il continua cependant le rituel en attrapant la bouteille de whisky et fuma cigarette sur cigarette en mangeant liquide. Le gros Frison n’était pas loin. À la moindre peau de banane, il pointait son nez. Cela le rendit plus amer encore à mesure que le niveau de la bouteille baissait. Il était tellement ardu de grimper dans sa propre estime et si aisé d’en dégringoler… Comment pouvait-on avoir tant de volonté, déployer tant d’opiniâtreté, pour finir par se trouver soudainement friable et faible, soumis au caprice d’un autre être humain. Cela le dépassait. Il se sentait seul face aux moulins à vents. L’alcool nuisant, il s’apitoya sur son sort, pleura et s’endormit habillé en omettant de régler son réveil pour le lendemain.
Panique et gueule de bois. Laurent jurait dans le vide, se cognait aux meubles, mais toute sa précipitation n’y ferait rien : Il s’était éveillé une heure trop tard et la personne qu’il devait convaincre, c’était Müller. Autant dire qu’il avait plus de chance de gravir l’Everest en tongs. Il écoperait d’un blâme même si son médecin traitant lui délivrait un arrêt de complaisance. Son haleine était encore alcoolisée malgré deux brossages minutieux et son cerveau baignait dans le vinaigre. Alors Laurent jurait, s’auto flagellait, hurlait son impuissance, comme avant, comme si tous ses efforts étaient anéantis. L’aiguille continuait de tourner ; il en avait des maux d’estomac. Et puis il pensa à Chopinet. Voilà le type qui ressemblait le plus à un ami et qui pouvait peut-être faire quelque chose pour lui. Il se précipita sur le téléphone de peur de renoncer à cette éventuelle issue. Il raconta son entrevue avec Bernadette Joux, le whisky, la panne d’oreiller…
_ En gros, t’es dans la merde, quoi ! Müller ne va pas te rater.
_ Je sais. J’ai réagi comme un imbécile.
_ Tu veux que je te sorte de là ?
_ Je suis un peu mal à l’aise. Je n’ai pas l’habitude de demander ce genre de services…
_ Oui, je vois… Tu essaies de coller à l’image du type qui ne doit rien à personne. Ça c’est valable uniquement sur une île déserte. En société, on compose, on négocie, on tend la main ou l’on en rattrape une qui réclame de l’aide. Je vais te bidouiller un ordre de mission pour la journée, mais dès demain tu te pointes au boulot et tu travailles d’arrache-pied.
_ Je te remercie.
_ Entre potes, on peut se rendre ce genre de services de temps en temps.
Panique et gueule de bois. Laurent jurait dans le vide, se cognait aux meubles, mais toute sa précipitation n’y ferait rien : Il s’était éveillé une heure trop tard et la personne qu’il devait convaincre, c’était Müller. Autant dire qu’il avait plus de chance de gravir l’Everest en tongs. Il écoperait d’un blâme même si son médecin traitant lui délivrait un arrêt de complaisance. Son haleine était encore alcoolisée malgré deux brossages minutieux et son cerveau baignait dans le vinaigre. Alors Laurent jurait, s’auto flagellait, hurlait son impuissance, comme avant, comme si tous ses efforts étaient anéantis. L’aiguille continuait de tourner ; il en avait des maux d’estomac. Et puis il pensa à Chopinet. Voilà le type qui ressemblait le plus à un ami et qui pouvait peut-être faire quelque chose pour lui. Il se précipita sur le téléphone de peur de renoncer à cette éventuelle issue. Il raconta son entrevue avec Bernadette Joux, le whisky, la panne d’oreiller…
_ En gros, t’es dans la merde, quoi ! Müller ne va pas te rater.
_ Je sais. J’ai réagi comme un imbécile.
_ Tu veux que je te sorte de là ?
_ Je suis un peu mal à l’aise. Je n’ai pas l’habitude de demander ce genre de services…
_ Oui, je vois… Tu essaies de coller à l’image du type qui ne doit rien à personne. Ça c’est valable uniquement sur une île déserte. En société, on compose, on négocie, on tend la main ou l’on en rattrape une qui réclame de l’aide. Je vais te bidouiller un ordre de mission pour la journée, mais dès demain tu te pointes au boulot et tu travailles d’arrache-pied.
_ Je te remercie.
_ Entre potes, on peut se rendre ce genre de services de temps en temps.
9.
Laurent se remit au lit juste après avoir raccroché. Il était détendu. Avoir un pote comme Chopinet, ce n’était pas rien. Non, tous ses efforts portaient leurs fruits. Il s’agissait de ne plus déraper, de garder le but en tête et d’avancer jusqu’à récolter la récompense de son labeur.
Lorsqu’il s’éveilla, il but beaucoup d’eau et s’astreignit à deux heures de sport en écoutant de la musique. Il déjeuna en milieu d’après-midi de crudités et d’une boîte de maquereaux au vin blanc, puis décida de mettre de l’ordre dans son appartement. La journée fila comme une feuille d’arbre sur une rivière tranquille et le lendemain, Laurent était d’attaque pour travailler toute la journée sans la moindre interruption. Il avait encore suffisamment d’énergie pour sourire aux bassesses de Müller.
Quinze kilos. « Encore une dizaine à perdre pour satisfaire les normes, mais je sors de l’énorme ». Ce qui n’avait, dans un premier temps, que frustration et douleur, se muait en plaisir nécessaire. Laurent reprenait le contrôle sur son corps. Il s’observa, ruisselant dans la salle de bain et commençait enfin à s’accepter, à reconnaître l’image qu’il renvoyait. Il pouvait envisager de se rendre à la piscine sans craindre la moquerie. Il décida de fêter ça par une après-midi shopping, histoire de mettre ce nouveau corps en valeur. Deux pantalons à sa taille, des tee-shirts mieux ajustés. Il roula les bas de pantalons en ourlets, remisa ses vieux habits dans son sac d’emplettes et admira sa nouvelle silhouette dans le reflet des vitrines. « Oui, tu es sur la bonne voie… » Voilà ce qu’il aimait s’entendre penser. Au boulot, on remarqua immédiatement ce changement. « Ça sent l’amour, tout ça » avait glissé Stéphane Weber, un comptable à qui il n’avait jamais adressé la parole. L’amour, non, mais le sexe, ça commençait à le travailler. Il n’y avait plus le barrage de son corps et Laurent se sentait en droit de jouir. Cependant, il craignait la dispersion et plaçait la conquête de Bernadette Joux en objectif prioritaire. Depuis le refus de sa promotion, il avait consacré chacun de ses week-ends à peaufiner son rapport en l’ancrant dans la réalité de l’entreprise. Il l’avait illustré de nombreux exemples qu’il jugeait parlants. Enfin, il s’était décidé à montrer le tout à Chopinet qu’il retrouvait maintenant une fois par semaine dans un petit restaurant à deux cent mètres des bureaux. Ce sont des choses qui se font entre potes.
_ Alors ?
_ T’as bossé dur, ça se voit. Rien à voir avec le semblant de projet de la fois précédente, mais je ne pourrai pas te négocier un second rendez-vous. Ça jaserait et ce serait contre-productif pour toi d’être considéré comme mon protégé.
_ Je ne comptais pas te demander cela. C’est ton regard de professionnel que je sollicite.
_ Fonce alors ! La mère Joux est coriace, mais elle sait reconnaître du bon boulot.
_ Le hic, c’est qu’elle a Müller à la bonne.
_ Dans ce cas, pourquoi as-tu réalisé ce dossier si tu penses que ta démarche est vouée à l’échec ?
_ Le goût du défi. J’ai envie de la retourner comme une crêpe, la mère Joux, et d’apercevoir la couleur de sa gaine.
_ Dis, tu ne te serais pas encore affiné ? Fais gaffe, tu risques d’entrer dans le club des beaux gosses à ce rythme.
_ C’est prévu au programme. Je veux tout, tu comprends, et assez rapidement. J’ai trop végété pour ne pas avoir un appétit d’ogre.
_ Tu cherches quoi ? le bonheur ?
_ Je veux jouir, je veux profiter, repousser les murs de ma prison, les exploser, comme dans cette chanson de brel, avec des tas d’fenêtres, avec presque pas d’murs… J’veux bouffer du monde, voir d’autres pays, me frotter à d’autres corps…
_ Vaste programme !
_ Et toi, qu’est-ce qui te motive chaque matin ?
_ Ça va te paraître étrange… ce qui me motive, c’est l’après. En un sens, je te rejoins. J’ai un but précis, identifié. Je veux partir à la retraite quinze ans avant tout le monde. Je veux être débarrassé au plus tôt de la notion de travail.
_ En effet, c’est particulier. Tu sacrifies tes meilleures années à ton objectif… Je ne suis pas sûr que ce soit un aussi bon calcul que ça.
_ On peut être heureux avec peu. J’ai appris cela ; c’est même ce qui m’a convaincu d’emprunter ce chemin depuis des années. Je ne sacrifie rien. Je fais des choix et celui qui choisit a bien plus de chances d’accéder au bonheur. C’est subtil, le bonheur, ça ne se déterre pas à la pelleteuse. C’est un angle de vue, un parfum qui s’estompe si l’on ne respire pas au bon moment. C’est un trésor fragile à caresser plutôt qu’à empoigner au risque de le voir broyé.
_ Autrement dit, selon toi je fais fausse route ?
_ Tu es dans une démarche de choix, non ? Je pense que tu devras affiner tout ça une fois que tu seras passé du « rien » pour toi au « tout ».
_ J’aurai le temps d’y penser d’ici là.
Lorsqu’il s’éveilla, il but beaucoup d’eau et s’astreignit à deux heures de sport en écoutant de la musique. Il déjeuna en milieu d’après-midi de crudités et d’une boîte de maquereaux au vin blanc, puis décida de mettre de l’ordre dans son appartement. La journée fila comme une feuille d’arbre sur une rivière tranquille et le lendemain, Laurent était d’attaque pour travailler toute la journée sans la moindre interruption. Il avait encore suffisamment d’énergie pour sourire aux bassesses de Müller.
Quinze kilos. « Encore une dizaine à perdre pour satisfaire les normes, mais je sors de l’énorme ». Ce qui n’avait, dans un premier temps, que frustration et douleur, se muait en plaisir nécessaire. Laurent reprenait le contrôle sur son corps. Il s’observa, ruisselant dans la salle de bain et commençait enfin à s’accepter, à reconnaître l’image qu’il renvoyait. Il pouvait envisager de se rendre à la piscine sans craindre la moquerie. Il décida de fêter ça par une après-midi shopping, histoire de mettre ce nouveau corps en valeur. Deux pantalons à sa taille, des tee-shirts mieux ajustés. Il roula les bas de pantalons en ourlets, remisa ses vieux habits dans son sac d’emplettes et admira sa nouvelle silhouette dans le reflet des vitrines. « Oui, tu es sur la bonne voie… » Voilà ce qu’il aimait s’entendre penser. Au boulot, on remarqua immédiatement ce changement. « Ça sent l’amour, tout ça » avait glissé Stéphane Weber, un comptable à qui il n’avait jamais adressé la parole. L’amour, non, mais le sexe, ça commençait à le travailler. Il n’y avait plus le barrage de son corps et Laurent se sentait en droit de jouir. Cependant, il craignait la dispersion et plaçait la conquête de Bernadette Joux en objectif prioritaire. Depuis le refus de sa promotion, il avait consacré chacun de ses week-ends à peaufiner son rapport en l’ancrant dans la réalité de l’entreprise. Il l’avait illustré de nombreux exemples qu’il jugeait parlants. Enfin, il s’était décidé à montrer le tout à Chopinet qu’il retrouvait maintenant une fois par semaine dans un petit restaurant à deux cent mètres des bureaux. Ce sont des choses qui se font entre potes.
_ Alors ?
_ T’as bossé dur, ça se voit. Rien à voir avec le semblant de projet de la fois précédente, mais je ne pourrai pas te négocier un second rendez-vous. Ça jaserait et ce serait contre-productif pour toi d’être considéré comme mon protégé.
_ Je ne comptais pas te demander cela. C’est ton regard de professionnel que je sollicite.
_ Fonce alors ! La mère Joux est coriace, mais elle sait reconnaître du bon boulot.
_ Le hic, c’est qu’elle a Müller à la bonne.
_ Dans ce cas, pourquoi as-tu réalisé ce dossier si tu penses que ta démarche est vouée à l’échec ?
_ Le goût du défi. J’ai envie de la retourner comme une crêpe, la mère Joux, et d’apercevoir la couleur de sa gaine.
_ Dis, tu ne te serais pas encore affiné ? Fais gaffe, tu risques d’entrer dans le club des beaux gosses à ce rythme.
_ C’est prévu au programme. Je veux tout, tu comprends, et assez rapidement. J’ai trop végété pour ne pas avoir un appétit d’ogre.
_ Tu cherches quoi ? le bonheur ?
_ Je veux jouir, je veux profiter, repousser les murs de ma prison, les exploser, comme dans cette chanson de brel, avec des tas d’fenêtres, avec presque pas d’murs… J’veux bouffer du monde, voir d’autres pays, me frotter à d’autres corps…
_ Vaste programme !
_ Et toi, qu’est-ce qui te motive chaque matin ?
_ Ça va te paraître étrange… ce qui me motive, c’est l’après. En un sens, je te rejoins. J’ai un but précis, identifié. Je veux partir à la retraite quinze ans avant tout le monde. Je veux être débarrassé au plus tôt de la notion de travail.
_ En effet, c’est particulier. Tu sacrifies tes meilleures années à ton objectif… Je ne suis pas sûr que ce soit un aussi bon calcul que ça.
_ On peut être heureux avec peu. J’ai appris cela ; c’est même ce qui m’a convaincu d’emprunter ce chemin depuis des années. Je ne sacrifie rien. Je fais des choix et celui qui choisit a bien plus de chances d’accéder au bonheur. C’est subtil, le bonheur, ça ne se déterre pas à la pelleteuse. C’est un angle de vue, un parfum qui s’estompe si l’on ne respire pas au bon moment. C’est un trésor fragile à caresser plutôt qu’à empoigner au risque de le voir broyé.
_ Autrement dit, selon toi je fais fausse route ?
_ Tu es dans une démarche de choix, non ? Je pense que tu devras affiner tout ça une fois que tu seras passé du « rien » pour toi au « tout ».
_ J’aurai le temps d’y penser d’ici là.
10.
La secrétaire de Bernadette Joux approchait de la quarantaine, conservait en toute occasion un sourire volontaire, gâché par deux bajoues encombrantes. Divorcée de longue date, un garçon de treize ans qu’elle élevait seule, elle semblait maîtriser les rênes de sa vie, ou du moins, savait parfaitement sauver les apparences.
Depuis deux semaines, Laurent multipliait les approches courtoises devant la machine à café, au self, au hasard provoqué d’un couloir. La jovialité de Noémie lui avait grandement facilité la tâche. De sourires en petites phrases, il graissait la serrure de la porte dont il pensait détenir la clef. Lorsqu’il entra dans le bureau de Noémie pour la saluer, elle lui rendit un sourire tout aussi naturel que sa démarche était factice.
_ Ce n’est pas encore l’heure de la pause déjeuner monsieur frison.
_ Bah, j’ai bien avancé ce matin et je ne viens pas seulement vous dire bonjour. Je comptais avoir une entrevue avec madame Joux. Je sais qu’elle est très prise, mais je me suis dit que vous pourriez peut-être me dégotter un créneau dans son emploi du temps.
_ En effet, c’est loin d’être simple.
_ Je pourrais lui envoyer un mail directement, mais avec le risque qu’il se noie parmi une centaine d’autres…
_ Et si je vous trouve ça, vous m’invitez à déjeuner ?
_ Avec grand plaisir !
_ Alors, mardi onze heures vingt. Donnez-moi dix minutes pour terminer ce que j’ai à faire et je vous rejoins en bas de l’immeuble.
Enfantin. Laurent souriait et Noémie rayonnait. Elle n’était pas insensible à son charme. Il accueillait les signes de rapprochement avec une fausse naïveté. C’est Noémie qui déployait son attirail tandis qu’il se contentait d’écouter et de sourire. Il se laissa enrober par le désir de l’autre. C’était bon d’être convoité, de mesurer l’effet de son potentiel de séduction. Une voie à creuser de plus en plus, sans s’embourber. Très peu d’efforts à fournir, et la satisfaction qu’il en retirait était tout bénéfice.
_ Il faudra que l’on remette ça. C’était très agréable de sortir un peu de nos murs. Qu’en pensez-vous, Laurent ?
_ En fin de semaine, ce devrait être possible si ça vous convient.
_ Vendredi ?
_ C’est noté.
Rasage méticuleux, chemise neuve et parfum discret. Laurent avait mis tous les atouts de son côté pour persuader Bernadette Joux qu’elle avait un autre homme en face d’elle.
_ Que vous est-il arrivé ? Vous êtes resté coincé trois semaines dans un sauna ?
_ Juste un peu de discipline personnelle et d’entretien. J’en avais besoin.
_ Félicitations, le résultat est impressionnant. Bon, j’ai très peu de temps à vous accorder. Je suppose que vous revenez à la charge pour votre promotion ?
_ On ne peut rien vous cacher. J’ai entendu vos remarques et les ai mises à profit pour repartir sur de nouvelles bases. J’ai un dossier à vous soumettre.
_ Vous pouviez vous contenter de laisser cela à ma secrétaire. Nous aurions tous deux gagné du temps.
_ Je voulais également vous entretenir au sujet de monsieur Müller. Je n’ai pas pour habitude de créer des problèmes inutilement, mais il se trouve qu’il continue de me persécuter en me jetant des dossiers urgents sur la table, dix minutes avant la fin de mon service. Je ne voudrais pas être amené à saisir les prud’hommes et j’aimerais que ce dysfonctionnement soit résolu en interne.
_ À ses dires, vous ne cessez de le provoquer. Il s’est encore plaint de votre arrogance la semaine dernière.
_ C’est un grand malade, si vous voulez mon avis. Vous véhiculez une image de professionnelle impartiale. Je vous demande de sonder le personnel de notre service. Vous constaterez rapidement que la vision de monsieur Müller est franchement singulière. Lorsque j’ai un grief à formuler, j’utilise les lieux de réunion, mais j’entretiens des rapports professionnels et courtois avec tout le monde.
_ monsieur Müller a vingt ans de maison, et c’est la première fois qu’il se plaint de l’un de ses subordonnés. C’est une variable que je me dois de considérer pour continuer de rester impartiale, comme vous dites.
_ Vingt ans peuvent également conduire à l’usure, à la dépression. La fidélité n’est pas nécessairement un gage de réussite. Regardez tous les couples qui s’enlisent dans la médiocrité au nom de cette sacro-sainte fidélité, mais je m’égare. Je ne vous retiendrais pas plus longtemps. J’ai travaillé longuement sur ces propositions et je reste à votre disposition pour en discuter si vous le souhaitez.
_ Très bien, monsieur Frison. Je lirai cela quand j’aurai une minute à moi. Pour le climat hostile, je vais voir rapidement ce que je peux faire. Et maintenant, si vous retourniez à votre travail ?
Depuis deux semaines, Laurent multipliait les approches courtoises devant la machine à café, au self, au hasard provoqué d’un couloir. La jovialité de Noémie lui avait grandement facilité la tâche. De sourires en petites phrases, il graissait la serrure de la porte dont il pensait détenir la clef. Lorsqu’il entra dans le bureau de Noémie pour la saluer, elle lui rendit un sourire tout aussi naturel que sa démarche était factice.
_ Ce n’est pas encore l’heure de la pause déjeuner monsieur frison.
_ Bah, j’ai bien avancé ce matin et je ne viens pas seulement vous dire bonjour. Je comptais avoir une entrevue avec madame Joux. Je sais qu’elle est très prise, mais je me suis dit que vous pourriez peut-être me dégotter un créneau dans son emploi du temps.
_ En effet, c’est loin d’être simple.
_ Je pourrais lui envoyer un mail directement, mais avec le risque qu’il se noie parmi une centaine d’autres…
_ Et si je vous trouve ça, vous m’invitez à déjeuner ?
_ Avec grand plaisir !
_ Alors, mardi onze heures vingt. Donnez-moi dix minutes pour terminer ce que j’ai à faire et je vous rejoins en bas de l’immeuble.
Enfantin. Laurent souriait et Noémie rayonnait. Elle n’était pas insensible à son charme. Il accueillait les signes de rapprochement avec une fausse naïveté. C’est Noémie qui déployait son attirail tandis qu’il se contentait d’écouter et de sourire. Il se laissa enrober par le désir de l’autre. C’était bon d’être convoité, de mesurer l’effet de son potentiel de séduction. Une voie à creuser de plus en plus, sans s’embourber. Très peu d’efforts à fournir, et la satisfaction qu’il en retirait était tout bénéfice.
_ Il faudra que l’on remette ça. C’était très agréable de sortir un peu de nos murs. Qu’en pensez-vous, Laurent ?
_ En fin de semaine, ce devrait être possible si ça vous convient.
_ Vendredi ?
_ C’est noté.
Rasage méticuleux, chemise neuve et parfum discret. Laurent avait mis tous les atouts de son côté pour persuader Bernadette Joux qu’elle avait un autre homme en face d’elle.
_ Que vous est-il arrivé ? Vous êtes resté coincé trois semaines dans un sauna ?
_ Juste un peu de discipline personnelle et d’entretien. J’en avais besoin.
_ Félicitations, le résultat est impressionnant. Bon, j’ai très peu de temps à vous accorder. Je suppose que vous revenez à la charge pour votre promotion ?
_ On ne peut rien vous cacher. J’ai entendu vos remarques et les ai mises à profit pour repartir sur de nouvelles bases. J’ai un dossier à vous soumettre.
_ Vous pouviez vous contenter de laisser cela à ma secrétaire. Nous aurions tous deux gagné du temps.
_ Je voulais également vous entretenir au sujet de monsieur Müller. Je n’ai pas pour habitude de créer des problèmes inutilement, mais il se trouve qu’il continue de me persécuter en me jetant des dossiers urgents sur la table, dix minutes avant la fin de mon service. Je ne voudrais pas être amené à saisir les prud’hommes et j’aimerais que ce dysfonctionnement soit résolu en interne.
_ À ses dires, vous ne cessez de le provoquer. Il s’est encore plaint de votre arrogance la semaine dernière.
_ C’est un grand malade, si vous voulez mon avis. Vous véhiculez une image de professionnelle impartiale. Je vous demande de sonder le personnel de notre service. Vous constaterez rapidement que la vision de monsieur Müller est franchement singulière. Lorsque j’ai un grief à formuler, j’utilise les lieux de réunion, mais j’entretiens des rapports professionnels et courtois avec tout le monde.
_ monsieur Müller a vingt ans de maison, et c’est la première fois qu’il se plaint de l’un de ses subordonnés. C’est une variable que je me dois de considérer pour continuer de rester impartiale, comme vous dites.
_ Vingt ans peuvent également conduire à l’usure, à la dépression. La fidélité n’est pas nécessairement un gage de réussite. Regardez tous les couples qui s’enlisent dans la médiocrité au nom de cette sacro-sainte fidélité, mais je m’égare. Je ne vous retiendrais pas plus longtemps. J’ai travaillé longuement sur ces propositions et je reste à votre disposition pour en discuter si vous le souhaitez.
_ Très bien, monsieur Frison. Je lirai cela quand j’aurai une minute à moi. Pour le climat hostile, je vais voir rapidement ce que je peux faire. Et maintenant, si vous retourniez à votre travail ?
11.
Noémie était passée chez le coiffeur et avait soigné son maquillage. Elle avait hésité, nerveuse entre ses différentes tenues avant d’opter finalement pour un jean ajusté et un haut de couleur taupe, sobre, mais dont la coupe mettait en valeur sa poitrine et son cou. Un collier de pierres fantaisie complétait l’ensemble en tombant au niveau du décolleté pour piéger le regard.
Bernadette Joux la fit rougir dès qu’elle franchit la porte de son bureau en lui demandant si elle était en chasse. C’était donc si évident ?
Noémie passa le reste de la matinée entre traitement de texte et tableur, en essayant de chasser sa gêne. Laurent se moquerait-il de cela, lui aussi ? Elle se sentait ridicule, percée à jour en pleine parade amoureuse, mais sa boule au ventre disparut dans le sourire de Laurent. Elle remisa tous ses doutes pour se couler dans le moule de l’espoir. Comment se faisait-il qu’elle ne l’ait pas remarqué plus tôt ? Elle aimait son regard, ses pattes d’oie, sa voix calme, son sourire ambiguë. Elle s’imaginait nue sur lui, en cris étouffés et soupirs, tandis qu’ils devisaient sur la qualité de l’Osso bucco .
Lorsqu’ils se séparèrent dans le couloir, elle flotta, rêveuse. Il l’avait trouvée très en beauté. Elle interrogea son reflet dans l’écran ; un sourire nouveau s’épanouissait. Plairait-il à Romain ? Supporterait-il la colère rentrée de son fils à l’égard d’un père fantôme ? La voix tonitruante de Bernadette Joux mit un terme à sa rêverie. Le travail, oui, le travail. Se recentrer et attendre d’être sous sa couette pour faire mijoter tout cela et s’en délecter. La vie est pleine de surprises.
Une semaine tout juste après son entrevue, Laurent reçut un mail encourageant de Bernadette Joux. Elle avait parcouru l’ensemble et disait être favorablement impressionnée par la richesse et la pertinence des propositions… Parcouru… était-ce une attention polie ? Laurent restait perplexe. Aucune question, aucune allusion à sa demande de promotion… Le seul effet notable était qu’aucun dossier n’atterrissait plus désormais sur le coin de son bureau après quinze heures trente. Mieux encore, Müller dépérissait au point de négliger dans les grandes largeurs sa part de travail, et d’autres personnes du service commençaient à s’en plaindre de plus en plus ouvertement. Laurent restait en retrait ; le ver était dans le fruit, il suffisait de le laisser pourrir. Tout n’arriverait peut-être pas aussi rapidement qu’il le souhaitait, mais les deux sillons qu’il avait creusés débouchaient sur l’objectif.
Il pouvait se laisser aller à envisager Noémie comme un terrain d’entraînement à de futurs sommets dans le domaine. Il donnerait un peu pour avoir tout d’elle, jusqu’à ce qu’elle finisse par lui manger dans la main. Utiliser le désir que l’on suscite pour asservir… Voilà qui promettait d’être jouissif autant qu’instructif. Et puis, une Noémie, en sa qualité de secrétaire de Bernadette Joux, pouvait se révéler d’un précieux secours s’il prenait soin de la circonscrire dans la dépendance en jouant sur la distance nécessaire. L’idée l’excitait, mais il n’était pas question d’improviser là non plus. Il fallait concevoir un plan, définir une conduite, délimiter son domaine d’intervention. Laurent n’était pas certain d’y parvenir, mais l’échec ne porterait pas à conséquence, alors il allait jouer.
Encore un kilo de perdu sur la balance. Les pantalons achetés récemment nécessitaient maintenant le port d’une ceinture pour ne pas glisser sur sa taille. Laurent resta un temps devant le miroir de la salle de bain pour admirer le changement dû à sa seule volonté. La perte de son double menton le réconciliait avec son image. Son vélo d’appartement grinçait de plus en plus, érodé par l’effort et les coulées de sueur. Il ne tarderait pas à en changer pour un plus perfectionné, elliptique, afin de muscler l’ensemble de son corps. Des vergetures apparaissaient au niveau de la taille et à l’intérieur des cuisses. Il pinça son surplus de peau entre le pouce et l’index sans savoir s’il parviendrait à retendre tout cela. Le poissonnier souriait à son approche et lui offrait parfois de belles pièces en fin de journée en supplément de ses emplettes pour le remercier de sa fidélité. Des crudités, du poisson en papillote, Laurent s’alimentait comme s’il vivait sur une île. C’était plaisant d’en sortir chaque matin pour côtoyer la civilisation en masquant sa singularité. Il continuait de soigner son approvisionnement, sa logistique et ses escarmouches mueraient bientôt en actes de piraterie. Jouir, oui, par tous les moyens, griffer et s’enduire de sève, masquer sa voracité derrière un voile de douceur pour mieux troubler les pistes… Un loup déguisé en agneau pour piller cette société d’apparences. Son objectif principal s’affinait. Laurent souhaitait devenir un sur adapté pour piller ce qui pouvait l’être. Toutes ses contraintes, tous ses efforts, chaque échelon gravi le conduiraient à porter un regard plongeant sur le monde, un regard d’aigle, impitoyable et perçant, intransigeant. Non, rien ni personne ne résisterait bientôt à la pression de ses serres.
Il était passé à trois cigarettes par jour, une après chaque repas, et avait l’impression qu’elles étaient devenues plus dépendantes de lui que lui d’elles. Idée saugrenue qui le fit sourire. Son nouveau mode de vie lui permettait d’économiser sans peine quelques centaines d’euros chaque mois qui venaient alimenter son livret A. Un filet de liquide qui attendait sagement la fonte des neiges pour grossir.
Il prit une douche après l’effort, puis se toisa de nouveau dans le miroir.
- Suis-je une ordure ou est-ce la vie qui s’est comportée avec moi comme une petite salope ? Oui la vie est une salope qui frétille devant vous pour mieux se refuser et vous noyer dans la frustration. Je vais la prendre telle qu’elle est, par tous les trous, en usant de tous les moyens. Trente quatre années à m’excuser de vivre, à respecter tout ce qui peut l’être, à me fondre dans le moule, n’ont fait qu’accroître ma peine. Alors jouir, oui, du plaisir en toutes choses, et enfin ensevelir ma mère et ses conseils sous des sourires en cascades, et des soupirs de bonheur.
12.
_ Laurent, vous en avez encore pour longtemps ?
_ J’ai quasiment terminé pourquoi ?
_ Parce que vous allez devoir m’inviter à déjeuner !
_ C’est que je n’ai pas particulièrement faim aujourd’hui…
_ Alors vous boirez un verre. Allez, venez, j’ai un truc privé à vous confier.
C’est trop tôt pensa Laurent comment vais-je bien pouvoir retarder l’échéance ? comment lui faire ressentir que le moment n’est pas opportun ?
Un problème familial… paraître préoccupé, se prendre la tête à deux mains, se mordre la lèvre inférieure. Il saurait interpréter ce rôle.
Noémie portait encore une nouvelle tenue. Laurent lui adressa un regard de chien battu et dût rapidement s’expliquer, pressé de questions. Le miracle, avec les problèmes familiaux, c’est que tout le monde en a, ou en a eu, si bien que personne n’insiste. Nous avons tous le sentiment de savoir vaguement de quoi il retourne et qu’il est des sphères intimes qu’il vaut mieux ne pas pénétrer. Noémie se tenait, silencieuse, à côté de Laurent. Elle sentait bon.
Il murmura, contrit, qu’il était désolé et elle répondit qu’elle comprenait. Il étouffa de justesse une envie de rire en se mouchant et en détournant le visage.
_ Si je peux faire quelque chose, Laurent ? N’hésitez pas…
_ Non merci, je dois accueillir la tristesse comme on accueille la joie, en me disant qu’elle sera passagère et sans influence définitive sur le cours de mon existence.
_ Vraiment ? Et ça ne vous empêche pas de vivre pleinement vos émotions ?
_ Absolument pas. Je les laisse venir, je m’en imprègne, et comme on le ferait avec une crème hydratante, je me contente d’ôter le surplus.. .
_ Il faudra me dire comment vous faites. Je risque d’être tentée.
_ Vous aviez quelque chose à me dire, Noémie ?
_ Oui, votre promotion… Madame Joux m’a demandé de préparer les documents. Vous allez intégrer notre service sous peu, dans moins de deux semaine si la procédure suit son cours normal. Bien entendu, je ne vous ai rien dit.
_ Je vous remercie, Noémie. Je suis bien évidemment ravi, mais vous comprendrez que je ne saute pas au plafond…
_ Oui, bien sûr. C’est parfaitement naturel. Au risque de me répéter, si vous avez besoin de parler, vous connaissez mon numéro. N’hésitez pas, même en soirée : je suis une couche-tard.
Laurent croisa Müller comme une histoire ancienne et sans intérêt. Il sentait son regard fiché entre ses omoplates, mais retourna à son bureau, tranquillement. La joie sourde tapissait son estomac, ses poumons. Il ne prendrait pas le poste de Müller, Bernadette Joux avait dû composer avec les susceptibilités, mais il bénéficierait au moins du même statut. Entre deux dossiers, Laurent émettait des hypothèses quant à ses nouvelles attributions. Il appellerait Noémie en soirée, jouerait la carte de la distraction triste « ce midi, j’étais ailleurs, Noémie. Quel poste compte-t-on m’attribuer déjà ? » et si Noémie n’en savait rien, elle le lui dirait puis se renseignerait sans doute pour apporter une réponse plus complète à Laurent. Surtout ne pas céder à l’euphorie montante et continuer sur le même rythme, tant que rien ne serait signé.
Les objectifs de Laurent allaient évoluer. Professionnellement, on l’attendrait au tournant. Il creuserait son trou, acharné, serait suffisamment proche de ses collègues pour mieux repérer ceux qui lui serviraient de piédestal. Il ne s’arrêterait pas au milieu de l’échelle. Il identifierait les personnes influentes et celles, ayant déjà une fesse sur un siège éjectable, tout cela sous le nez de la mère Joux. Pour l’amadouer celle-là, il faudrait redoubler de travail et conserver un profil bas.
De retour chez lui, il commanda un superbe vélo elliptique et des tenues de sport à sa taille sur le site de Décathlon. Il fut également tenté par un banc de musculation, mais l’exiguïté de son appartement le stoppa. En attendant mieux, il ajouterait des pompes et des abdos sur un tapis de sol.
Noémie n’écoutait pas Romain qui s’enervait dans le vide sidéral.
_ M’man ! y a plus d’Nutella. T’en as pas racheté ?
_ Quoi ? Non, je n’ai pas eu le temps.
_ Pfff ! tu oublies tout en ce moment.
_ Comme de te punir pour être insolent avec ta mère qui t’aime.
_ Je suis le plus gentil fils du collège ! Tu verrais comment les autres parlent à leurs vieux. Je passe carrément pour un extra terrestre avec ma politesse du vingtième siècle.
_ Bon, je suis fière d’être la seule mère de la ville à n’avoir pas engendré de petit con macho, mais cela dit, rien ne t’empêche d’utiliser ton corps en pleine croissance pour te déplacer et acheter ton pot de Nutella si c’est tellement vital.
_ T’as un nouveau mec ?
_ Quoi ? Qu’est-ce que tu racontes ?
_ Ben t’es bizarre en ce moment, je trouve. Et puis t’as plein de nouvelles fringues, tu chantes au réveil, enfin tu vois, ces trucs qu’on fait quand on est amoureux, quoi…
_ Et toi, t’as quelqu’un en vue ?
_ Ça ne te regarde pas !
_ Parfait. Je fais un copier-coller de ta réponse.
_ C’est de l’humour de secrétaire ?
_ Si tu veux, mon merdeux adoré. Bon, tu m’excuses, mais je suis épuisée. Je vais prendre une douche et me glisser dans mon lit.
Une fois seule, Noémie frissonna dans son lit, pensa que tout se voyait sur son visage, qu’elle était un livre ouvert. Et Laurent qui débarquerait sous peu dans le service… Mais elle s’emballait, rien ne disait qu’il était en quête d’une relation amoureuse. L’était-elle elle-même ? Elle qui s’était organisée pour n’avoir besoin de personne. Bah, il fallait cesser de réfléchir, et prendre la vie comme elle venait, sans l’anticiper. C’était encore le meilleur moyen de ne pas se planter.
_ J’ai quasiment terminé pourquoi ?
_ Parce que vous allez devoir m’inviter à déjeuner !
_ C’est que je n’ai pas particulièrement faim aujourd’hui…
_ Alors vous boirez un verre. Allez, venez, j’ai un truc privé à vous confier.
C’est trop tôt pensa Laurent comment vais-je bien pouvoir retarder l’échéance ? comment lui faire ressentir que le moment n’est pas opportun ?
Un problème familial… paraître préoccupé, se prendre la tête à deux mains, se mordre la lèvre inférieure. Il saurait interpréter ce rôle.
Noémie portait encore une nouvelle tenue. Laurent lui adressa un regard de chien battu et dût rapidement s’expliquer, pressé de questions. Le miracle, avec les problèmes familiaux, c’est que tout le monde en a, ou en a eu, si bien que personne n’insiste. Nous avons tous le sentiment de savoir vaguement de quoi il retourne et qu’il est des sphères intimes qu’il vaut mieux ne pas pénétrer. Noémie se tenait, silencieuse, à côté de Laurent. Elle sentait bon.
Il murmura, contrit, qu’il était désolé et elle répondit qu’elle comprenait. Il étouffa de justesse une envie de rire en se mouchant et en détournant le visage.
_ Si je peux faire quelque chose, Laurent ? N’hésitez pas…
_ Non merci, je dois accueillir la tristesse comme on accueille la joie, en me disant qu’elle sera passagère et sans influence définitive sur le cours de mon existence.
_ Vraiment ? Et ça ne vous empêche pas de vivre pleinement vos émotions ?
_ Absolument pas. Je les laisse venir, je m’en imprègne, et comme on le ferait avec une crème hydratante, je me contente d’ôter le surplus.. .
_ Il faudra me dire comment vous faites. Je risque d’être tentée.
_ Vous aviez quelque chose à me dire, Noémie ?
_ Oui, votre promotion… Madame Joux m’a demandé de préparer les documents. Vous allez intégrer notre service sous peu, dans moins de deux semaine si la procédure suit son cours normal. Bien entendu, je ne vous ai rien dit.
_ Je vous remercie, Noémie. Je suis bien évidemment ravi, mais vous comprendrez que je ne saute pas au plafond…
_ Oui, bien sûr. C’est parfaitement naturel. Au risque de me répéter, si vous avez besoin de parler, vous connaissez mon numéro. N’hésitez pas, même en soirée : je suis une couche-tard.
Laurent croisa Müller comme une histoire ancienne et sans intérêt. Il sentait son regard fiché entre ses omoplates, mais retourna à son bureau, tranquillement. La joie sourde tapissait son estomac, ses poumons. Il ne prendrait pas le poste de Müller, Bernadette Joux avait dû composer avec les susceptibilités, mais il bénéficierait au moins du même statut. Entre deux dossiers, Laurent émettait des hypothèses quant à ses nouvelles attributions. Il appellerait Noémie en soirée, jouerait la carte de la distraction triste « ce midi, j’étais ailleurs, Noémie. Quel poste compte-t-on m’attribuer déjà ? » et si Noémie n’en savait rien, elle le lui dirait puis se renseignerait sans doute pour apporter une réponse plus complète à Laurent. Surtout ne pas céder à l’euphorie montante et continuer sur le même rythme, tant que rien ne serait signé.
Les objectifs de Laurent allaient évoluer. Professionnellement, on l’attendrait au tournant. Il creuserait son trou, acharné, serait suffisamment proche de ses collègues pour mieux repérer ceux qui lui serviraient de piédestal. Il ne s’arrêterait pas au milieu de l’échelle. Il identifierait les personnes influentes et celles, ayant déjà une fesse sur un siège éjectable, tout cela sous le nez de la mère Joux. Pour l’amadouer celle-là, il faudrait redoubler de travail et conserver un profil bas.
De retour chez lui, il commanda un superbe vélo elliptique et des tenues de sport à sa taille sur le site de Décathlon. Il fut également tenté par un banc de musculation, mais l’exiguïté de son appartement le stoppa. En attendant mieux, il ajouterait des pompes et des abdos sur un tapis de sol.
Noémie n’écoutait pas Romain qui s’enervait dans le vide sidéral.
_ M’man ! y a plus d’Nutella. T’en as pas racheté ?
_ Quoi ? Non, je n’ai pas eu le temps.
_ Pfff ! tu oublies tout en ce moment.
_ Comme de te punir pour être insolent avec ta mère qui t’aime.
_ Je suis le plus gentil fils du collège ! Tu verrais comment les autres parlent à leurs vieux. Je passe carrément pour un extra terrestre avec ma politesse du vingtième siècle.
_ Bon, je suis fière d’être la seule mère de la ville à n’avoir pas engendré de petit con macho, mais cela dit, rien ne t’empêche d’utiliser ton corps en pleine croissance pour te déplacer et acheter ton pot de Nutella si c’est tellement vital.
_ T’as un nouveau mec ?
_ Quoi ? Qu’est-ce que tu racontes ?
_ Ben t’es bizarre en ce moment, je trouve. Et puis t’as plein de nouvelles fringues, tu chantes au réveil, enfin tu vois, ces trucs qu’on fait quand on est amoureux, quoi…
_ Et toi, t’as quelqu’un en vue ?
_ Ça ne te regarde pas !
_ Parfait. Je fais un copier-coller de ta réponse.
_ C’est de l’humour de secrétaire ?
_ Si tu veux, mon merdeux adoré. Bon, tu m’excuses, mais je suis épuisée. Je vais prendre une douche et me glisser dans mon lit.
Une fois seule, Noémie frissonna dans son lit, pensa que tout se voyait sur son visage, qu’elle était un livre ouvert. Et Laurent qui débarquerait sous peu dans le service… Mais elle s’emballait, rien ne disait qu’il était en quête d’une relation amoureuse. L’était-elle elle-même ? Elle qui s’était organisée pour n’avoir besoin de personne. Bah, il fallait cesser de réfléchir, et prendre la vie comme elle venait, sans l’anticiper. C’était encore le meilleur moyen de ne pas se planter.
Dernière édition par vivant le Mer 20 Avr - 21:20, édité 16 fois
_________________
"Chaque pensée devrait rappeler la ruine d'un sourire." Cioran.
Re: Laurent Frison. Un truc à suivre, peut-être...
J'espère qu'il y aura une suite
J'ai bien aimé la façon dont "la solitude", " la colère" la rancœur et tous les qualificatifs d'un homme qui souffre et qui essaye d'exorciser sa peine car à mes yeux, il est clair que cet homme en veut à la planète entière.
Sans ce passage:
"_ La tiédeur, je l’emmerde ! la discrétion, je l’emmerde ! La bienséance, je l’encule ! Terminé tout ça, vous m’entendez ? Ter-mi-né ! Bande de cons ! Demain je débarrasse le plancher, je dépends la crémaillère. Vos condoléances, vous pouvez vous les foutre au cul et reprendre votre minable couronne mortuaire pour l’utiliser comme anneau pénien. Ma mère n’aimait personne ici, et elle avait du goût, bande de poivrots illettrés !"
Aussi fou que cela puisse paraitre, j'ai déjà eu ce genre de langage quand j'en avais + que marre! ( tiens ce texte devrait plaire à Dédé)
J'attends donc la suite si il y en a une à espérer.
Sylvie
J'ai bien aimé la façon dont "la solitude", " la colère" la rancœur et tous les qualificatifs d'un homme qui souffre et qui essaye d'exorciser sa peine car à mes yeux, il est clair que cet homme en veut à la planète entière.
Sans ce passage:
"_ La tiédeur, je l’emmerde ! la discrétion, je l’emmerde ! La bienséance, je l’encule ! Terminé tout ça, vous m’entendez ? Ter-mi-né ! Bande de cons ! Demain je débarrasse le plancher, je dépends la crémaillère. Vos condoléances, vous pouvez vous les foutre au cul et reprendre votre minable couronne mortuaire pour l’utiliser comme anneau pénien. Ma mère n’aimait personne ici, et elle avait du goût, bande de poivrots illettrés !"
Aussi fou que cela puisse paraitre, j'ai déjà eu ce genre de langage quand j'en avais + que marre! ( tiens ce texte devrait plaire à Dédé)
J'attends donc la suite si il y en a une à espérer.
Sylvie
Re: Laurent Frison. Un truc à suivre, peut-être...
merci. La suite existe déjà. C'est un peu long, mais pour l'instant, rien n'est achevé. je pense que j'éditerai au fur et à mesure ce post pour ne pas encombrer la section. (mais je ne connais pas la taille maximale d'un post, enfin, je verrai bien, au pire j'en lancerai un second)
_________________
"Chaque pensée devrait rappeler la ruine d'un sourire." Cioran.
Re: Laurent Frison. Un truc à suivre, peut-être...
On va dire un peu plus de 60000 caractères...
Alors disons 60000 par sécurité.
Nilo, péagiste.
Alors disons 60000 par sécurité.
Nilo, péagiste.
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... Tu lui diras que je m'en fiche. Que je m'en fiche. - Léo Ferré, "La vie d'artiste"
Re: Laurent Frison. Un truc à suivre, peut-être...
Lu & apprécié, j'attends une suite!
Z.
Z.
Zlatko- MacadAccro
- Messages : 1621
Date d'inscription : 30/08/2009
Age : 33
Localisation : Centre
Re: Laurent Frison. Un truc à suivre, peut-être...
Il suffisait de demander
_________________
"Chaque pensée devrait rappeler la ruine d'un sourire." Cioran.
Re: Laurent Frison. Un truc à suivre, peut-être...
Moi aussi j'attends la suite avec impatience, j'ai aimé vraiment.
Meg- MacadAdo
- Messages : 64
Date d'inscription : 19/10/2010
Re: Laurent Frison. Un truc à suivre, peut-être...
Un peu brutal, mais sans doute n'y avait-il rien à faire pour l'éviter. Texte fort et direct. L'intérêt sera de voir si la suite tient toutes ses promesses...
Dam.
Dam.
Re: Laurent Frison. Un truc à suivre, peut-être...
la suite, donc...
je bataille entre des restes de fichiers et surtout des notes manuscrites suite à la perte de pas mal de données cet été... finalement ça m'oblige à revisiter et l'exercice est intéressant.
je bataille entre des restes de fichiers et surtout des notes manuscrites suite à la perte de pas mal de données cet été... finalement ça m'oblige à revisiter et l'exercice est intéressant.
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"Chaque pensée devrait rappeler la ruine d'un sourire." Cioran.
Re: Laurent Frison. Un truc à suivre, peut-être...
ça suit son cours...
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"Chaque pensée devrait rappeler la ruine d'un sourire." Cioran.
Re: Laurent Frison. Un truc à suivre, peut-être...
Et ça sera encore meilleur que le dernier jet que tu pensais être, à juste titre, le dernier.
Dam, Cent fois sur le métier remettre son ouvrage...
Dam, Cent fois sur le métier remettre son ouvrage...
Re: Laurent Frison. Un truc à suivre, peut-être...
y en a un qui suit prochain jet au milieu de la nuit ou demain...
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"Chaque pensée devrait rappeler la ruine d'un sourire." Cioran.
Re: Laurent Frison. Un truc à suivre, peut-être...
J'ai beaucoup aimé. J'ai eu une réaction un peu curieuse en début de lecture : au premier paragraphe, j'ai pensé que le personnage était un sombre serial killer qui avait tué entre autres sa mère. Est-ce voulu ou est-ce un effet de ma subjectivité ? Est-ce un indice pour la suite....????
Moi aussi j'attends la suite. Je me demande bien ce que va devenir ton personnage. J'ai comme l'impression qu'il n'a pas tant de choix finalement. C'est un bel exercice périlleux que tu nous offres là.
Moi aussi j'attends la suite. Je me demande bien ce que va devenir ton personnage. J'ai comme l'impression qu'il n'a pas tant de choix finalement. C'est un bel exercice périlleux que tu nous offres là.
Babylon5- MacadMalade
- Messages : 407
Date d'inscription : 13/06/2010
Re: Laurent Frison. Un truc à suivre, peut-être...
Merci Non, non, pas de serial killer en vue... juste un type revanchard qui veut rattraper le temps et coller à un modèle... il m'est difficile d'en dire plus pour le moment.
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"Chaque pensée devrait rappeler la ruine d'un sourire." Cioran.
Re: Laurent Frison. Un truc à suivre, peut-être...
Mais oui, je savais bien, juste une impression au début. Peut-être as-tu voulu (et très bien réussi) à faire ressentir le côté haineux et antipathique de ce type.
Je ferai comme tout le monde, j'attendrai (pas de "spoiler", hein ?)
Mais à mon avis, c'est lui qui va déguster, hé! hé ! (enfin, c'est comme ça que je vois les choses, je me trompe surement).
Je ferai comme tout le monde, j'attendrai (pas de "spoiler", hein ?)
Mais à mon avis, c'est lui qui va déguster, hé! hé ! (enfin, c'est comme ça que je vois les choses, je me trompe surement).
Babylon5- MacadMalade
- Messages : 407
Date d'inscription : 13/06/2010
Re: Laurent Frison. Un truc à suivre, peut-être...
oui c'est ça ! mes personnages attirent souvent la sympathie. J'ai voulu que celui-là soit de l'autre bord, tout en tentant de préserver un plaisir de lecture... quant à l'évolution et les retombées, je n'ai pas encore suffisamment avancé, même si j'ai plusieurs idées qui dansent...
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"Chaque pensée devrait rappeler la ruine d'un sourire." Cioran.
Re: Laurent Frison. Un truc à suivre, peut-être...
Oh ! Je trouve que c'est souvent les personnages antipathiques qui accrochent le plus. Par exemple, j'aime bien les romans de Patricia Highsmith.
Babylon5- MacadMalade
- Messages : 407
Date d'inscription : 13/06/2010
Re: Laurent Frison. Un truc à suivre, peut-être...
j'aime aussi. Une description très fine et psychologique de ses personnages. On entre dans leur logique, leur obsession, mais ils ne sont pas tous antipathiques. Cela dit, c'est vrai qu'il existe pas mal d'exemple de personnages qu'on adore détester.
_________________
"Chaque pensée devrait rappeler la ruine d'un sourire." Cioran.
Re: Laurent Frison. Un truc à suivre, peut-être...
le tien de personnage n'est pas entièrement antipathique, on le sent victime (de sa mère, déjà) : cela lui donne plus de profondeur.
Ce que j'aime bien, ce sont les personnages qui sont à la fois antipathiques et un peu sympathiques ; en bref, les personnages qui correspondent à l'humain ordinaire.... Nous tous, quoi ! C'est à l'auteur de faire ressortir ces divers traits ("le miroir déformant", etc...).
Ce que j'aime bien, ce sont les personnages qui sont à la fois antipathiques et un peu sympathiques ; en bref, les personnages qui correspondent à l'humain ordinaire.... Nous tous, quoi ! C'est à l'auteur de faire ressortir ces divers traits ("le miroir déformant", etc...).
Babylon5- MacadMalade
- Messages : 407
Date d'inscription : 13/06/2010
Re: Laurent Frison. Un truc à suivre, peut-être...
Laurent Frison N°6
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"Chaque pensée devrait rappeler la ruine d'un sourire." Cioran.
Re: Laurent Frison. Un truc à suivre, peut-être...
Ah ! Le monde sans pitié et complètement dingue de l'entreprise ! J'espère bien qu'il y aura du sang...
Babylon5- MacadMalade
- Messages : 407
Date d'inscription : 13/06/2010
Re: Laurent Frison. Un truc à suivre, peut-être...
Une histoire menée tambour battant que je lis avec plaisir.
Dam.
Dam.
Re: Laurent Frison. Un truc à suivre, peut-être...
merci la suite très bientôt, je pense...
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"Chaque pensée devrait rappeler la ruine d'un sourire." Cioran.
Re: Laurent Frison. Un truc à suivre, peut-être...
Lu avec intéret... A quand la suite?
Swann,
Swann,
Swann- MacadAccro
- Messages : 1023
Date d'inscription : 31/08/2009
Age : 72
Localisation : entre deux cafés
Re: Laurent Frison. Un truc à suivre, peut-être...
ce soir
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