Les bulles noires.

Inlassable, inépuisable, il faut continuer à chercher, aligner d’autres mots encore, trouver les issues de la citadelle, hors de la pièce lugubre où, posés là sur des bancs de remords, appellent les enfants-ombres. Chaque nuit leur tenir la main. Voilà que je ne pouvais plus écrire. Leur peine me coupe le souffle. Il est, parfois, de brusques montées de larmes pour une peur sans nom. J’ai vu de grands et petits cadavres, ils cherchent, ils se tournent autour. Les âmes se décomposent. Les corps s’affaissent. Faut-il, dans ce déclin inexorable, oublier la lune et ses confidences? Je garde au-dedans les mots-lumières, comme un secret. A ceux qui n’en dorment plus, je cherche leurs oreilles. J’aime à penser qu’ils m’écoutent. Je grave mes terreurs au couteau. Au fond, la peine est avare de paroles. Un jour de conscience, les vannes s’ouvraient grandes : l’âme gémit de tous ses pores, à grands fracas, à gros bouillons. Être de toutes les cloques, de toutes les bulles noires. Respirer l’air puant de ses angoisses : les cauchemars à six bras. Chercher les mots du repentir. Un autre jour, lassée de vomir, la poésie cherche les fenêtres du bunker. Elle s’accroche au moindre rayon comme une friandise. Elle renie l’indécence des fous. Garder l’ailleurs même aux tranchées ? Je n’ai plus rien à dire. Les canons désaccordés fument. Les baïonnettes gisent dans les haillons. Ne reste qu’un tas de mots cassés, et les oreilles qui sifflent. Pour quel dieu serons-nous moins ridicule? Les requiems bigleux des fous de vivre? Les râles pathétiques des faux-damnés? Voilà qu’ils font tous semblant ! Les ampoulés de la formule ! Les amputés du savoir-vivre ! Les éboueurs de religion ! Ils viennent vous mentir d’autres éclats de monde. D’autres fins de partie heureuses. Baudelaire mourait aphasique et Artaud, muré dans ses élans de mutisme, mordait la queue de son chien-muse. Écrire, alors, non plus pour des idéaux, ni des chimères; ni d’espoir, ni de souffrance. Écrire pour une hypnose, s’ôter la douleur du dos, comme on ôte une veste : déserter.


Z 21 11 10

Les mots-compagnons de route, d'infortune ou pas, les mots sont là.

Ton texte est un champ de bataille , noir et terrifiant mais toujours en toile de fond, toujours au bout, il y a..les mots comme lumière.

Et si ils peuvent aider à déserter en effet , n'est ce pas déjà une chance?

Ne reste qu’un tas de mots cassés, et les oreilles qui sifflent. Pour quel dieu serons-nous moins ridicule? Les requiems bigleux des fous de vivre? Les râles pathétiques des faux-damnés? Voilà qu’ils font tous semblant ! Les ampoulés de la formule ! Les amputés du savoir-vivre ! Les éboueurs de religion ! Ils viennent vous mentir d’autres éclats de monde. D’autres fins de partie heureuses. Baudelaire mourait aphasique et Artaud, muré dans ses élans de mutisme, mordait la queue de son chien-muse.

Que dire ?
Que tant est dit ici que les fouteurs de mots en vrac n'ont qu'à en prendre de la graine.
L'inspiration est souvent plus une sale pute qu'une douce muse et les chiens qui se mordent la queue le temps de l'électrochoc s'en retournent après baiser les chiennes qu'ils trouvent entre les poubelles alignées sous les portes cochères.

J'aime lire des choses pareilles.

Nilo, comme des bulles de champagne.

...

Quelle claque!
Je vais éviter d'en dire trop...

Ainsi parlait Zlatkothoustra.

Les bulles noires sont le champagne mélancolique des poètes et des écrivains.
Et tu crèves bien l'abcès des artistes maudits et des religions

Merci tous, d'être passés

Z.

Appeler un chat un chat, quand on sait, et tu sais ; ça s'entend, ça se voit, ça se sent. Et ce réalisme t'honore. Tu as les mots, tu es les mots. Bravo Zlatko.

Dam

La poésie cherche les fenêtres du bunker...

ceux qui percent le sol de leur soc en prose cherchent à extraire le reflet de la lune. à ces jours embourbés pour un peu d'éclat...

Ah ces chemins circulaires entre balbutiements et palilalie... je m'y perds souvent... Très beau texte.

J'ai fait le vœu de mettre mon aumône dans la sébile de tous les mendiants que je trouverai sous toutes les portes cochères qui mènent au Petit Etablissement de Crédit que je viens d'ouvrir au profit de ceux qu'en ont pas besoin. En particulier à la Huitième liste que j'vous ai filée.
Juste histoire de pas avoir bossé pour rien à les chercher pasque si j'compte que sur vous j'crains qu'y en ait qu'entendent pas le son de votre obole tombant dans leur coupelle.
Charité bien ordonnée...

Dédé.