Se coucher chaque soir des veilles suicidaires

Se coucher chaque soir des veilles suicidaires


Découvrir à quinze ans la froideur de ce monde
Après trop peu d'années dans le chaud de l'enfance,
C'est un peu se jeter du haut des hautes tours
Pour voir de quoi est faite l'herbe au pied des murs
Au sol de ces cités que l'avenir dérange.

Avoir vingt ans de trop le jour de ses vingt ans.
Quand l'espoir se décline en espérance vaine
A l'âge des amours sous des toits de bohème,
Se coucher chaque soir des veilles suicidaires
Avec le rouge au cœur des froides engelures.

Et puis voir à trente ans, les yeux cernés de haine,
Les jeunes souvenirs de ces temps de galères.
Se demander pourquoi, devant les portes closes,
On n'a pas pris le temps de bien apprendre à lire,
A la virgule près, le code du travail.

Attendre quarante ans pour résilier le bail.
Divorcer de soi même avant de se voir pire
Que tous ceux qui s'offusquent aux statues qu'on dépose,
Dressées à la gloire d'idoles mortifères
Qui ont couvert leurs dos de nos panurge laines.

Hisser à cinquante ans aux toits des préfectures
Le drapeau noir du deuil de nos vieilles colères,
Celles des prières déguisées en blasphèmes
Qu'on disait au troquet abritant nos fredaines
Quand on croyait si fort aux lendemains chantant.

Ne pas partir avant l'envol du dernier ange
Qui viendra étouffer sous le cri des murmures
Les silences brûlant des appels au secours.
…
Et avant le lancer de la dernière chance
Relire tous les noms sur les pierres des tombes.


Nilo.

Que d'émotion(s) ici; bien sûr, je ressens les deux premières strophes de plein fouet, la troisième commençant à venir s'insinuer...
Magnifique poème qui peut parler à chacun, et qui vient à la rencontre de mes interrogations incessantes.

oui superbe. Il parle à ma colère,et à mes marées noires.

Nilo a écrit:


Découvrir à quinze ans la froideur de ce monde
Après trop peu d'années dans le chaud de l'enfance,
C'est un peu se jeter du haut des hautes tours
Pour voir de quoi est faite l'herbe au pied des murs
Au sol de ces cités que l'avenir dérange.

Tu frappes en plein coeur, Nilo. Je suis émue par ton texte. Il me parle de moi, il me parle de toi, il me parle de nous.... Que faisons-nous ?

De longues années où par diverses voies on recherche un sens à la vie.
Des questionnements universels...et on s'aperçoit que seule la chaleur de l'amitié était importante, même si notre présence n'était pas "enitère", la plupart du temps.

vraiment magnifique poéme.

La poésie se lit dans les coeurs en premier.

Quelle force encore dans ce texte que je viendrai lire et relire...
Toujours dans la même émotion !

H.

J'y ai retrouvé une partie de moi dans ce poème fortement habile, gracieux malgré le sujet et il peut rappeler à certains que la vie n'est qu'un passage très modeste dans l'univers.

Sachons la fleurir et oublier que parfois on rencontre des vers de pomme.

Sylvie

Je ne pensais pas que ce texte assez ancien aurait pu avoir un tel écho.
Mais sincèrement ça me fait plaisir.
Merci à tous.

Nilo, dans l'arrière boutique.

Quand les vins sont bons, ils vieillissent bien.

Un beau texte pour moi aussi même si j'ai un peu senti qu'il était "ancien", justement.

Deux vers m'ont arrêté : "Dressées à la gloire d'idoles mortifères" et "Celles des prières déguisées en blasphèmes", que je n'ai pas trop su comment lire. Et j'ai trouvé la dernière strophe un peu en surplus.

Pour le sens et la musique générale du poème, ils y sont, évidemment. Et je m'y habitue, à force de te lire !

Z.

Le sens, la profondeur de ton poème me touche, sincèrement, mais beaucoup moins la longueur (mais ça c'est uniquement ma fainéantise)