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Extérieur
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Macadam :: MacadaTextes :: Vide-Poche
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Extérieur
Dans le silence de la nuit, et d’une solitude entendue, l’artiste fait son oeuvre, aussi pour fuir les dures paroles redondentes du jour passé. Blessantes, dures, d’une mère à son fils. Mais c’était une chûte normale, évidente, même si... Alors il se recueillait seul, pour faire taire l’eccho pénible de ces voix. Bientôt, elles se fondraient dans le paysage livresque qui se réclamait du rêve. Bientôt, corps et âme, il serait aux anges.
Loin, très loin du tumulte quotidien.
Laissé pour compte pour le meilleur
Le mal oublié, endormi, anéanti,
Le temps d’un récit.
Et la douleur oubliée.
Dehors, il neigeait.
Je la regardait tomber par une fenêtre de l’atelier, avant de vaquer à mes occupations nocturnes ; le tiquetis sur la vitre, comme des millions d’insectes sur un pare-brise à cent à l’heure, me rappelait qu’elle était là, la neige, qu’il était bien là, l’hiver ; mais c’était devenu assez rare pour ne pas l’oublier de toute façon ; le blanc manteau recouvrait déjà les voitures, les toits et la route bitumée. Curieusement, le dessin des pavés ressortait, là où il y en avait encore. Magie la neige ! Ils semblaient si près sous le goudron, mais je savais que c’était une illusion. Tout comme cette neige qui bientôt aura fondu.
On voyait très nettement la rupture au beau milieu de la route, sur une largeur de deux mètres, là où des travaux bruyants au marteau-piqueur avaient eu raison de la pierre. Cette rupture, pour moi, c’était comme une rupture amoureuse, pire que la mort, pire que la vie. Cette rupture était tout et n’importe quoi, la preuve de la folie des hommes et de la connerie du modernisme à la machine à la gomme - vas-y machin, gomme-moi cette saleté : tu ne vas pas rendre un torchon pareil ! Assis à son bureau, le maître gardera son air serein entrecoupé de sourires en coins accusateurs et victorieux. Parce qu’il savait, lui, le maître, que ces tâches ne partiraient pas. Pire, elles seraient d’autant plus grosses qu’on tenterait de les sortir ! Il connaissait déjà la note pour cet élève, et la sanction à la fin du trimestre. La p’tite phrase assassine sur le carnet jauni pour Noël. Mais il ne se faisait pas trop d’illusion sur la suite des opérations. Il aurait ses cadeaux et ces festins animés ne lui donneront jamais la chaire de dinde ! Où est l’erreur, se demandait le professeur : ici ? ou bien là-bas, dehors, chez lui... Dehors dehors ! Ces mots hantaient son esprit, sa conscience, si bien qu’il se leva. Arrivé à hauteur du gommeur fou, il stoppa net et dit : “T’as pas bientôt fini de pourrir le pupitre avec tes pelures de gomme ! ça ne te suffit déjà pas de me rendre un torchon, il faut en plus que tu salisses ma classe ! Derrière la porte, sous l’extincteur, il y a un sceau et une pelle... Et les autres éclatèrent de rire.
Qu’aurait-il pu faire qui le sauvât de cette injustice ? S’il était sorti dans le dos du professeur, il aurait sans doute gagné le respect voire l’estime de ses camarades ; il n’aurait pas eu besoin de s’expliquer, car il était assez clair (pour des jeunes) que le respect d’un élève pour un prof n’allait pas sans réciprocité. Mais la fuite d’un autre côté, même après l’injure, méritée ou non, n’était pas une victoire, acte héroïque encore moins. Ca, le professeur le savait, car lui, il était toujours bien présent. Trop peut-être. Mais cet élève, au début du cour, il avait bien répondu présent à l’appel, non ? Alors pourquoi est-il parti en cours de cour ? Quelle guêpe l’a piqué, mouche, quelle mouche... élève, tu irais faire le mouchard... et bien peut-être ? On verra ça, on verra ça.
Et c’est ainsi qu’on perdait son temps à moraliser et faire entendre raison pour se placer toujours en tête des sondages ! Pendant ce temps là, dehors, justement, rien n’allait plus comme avant. On regarde le passé avec méfiance et tristesse, en noir et gris, parce qu’on lui connait des accents Boshs et des dérapages dramatiques. Mais c’est faux. Pas la guerre, bien sûr... disons que c’est une erreur malheureusement nécessaire. Malheureusement. Mais c’est une erreur de vouloir enterrer le passé, bitumer l’héritage granitique de nos ancêtres. Dire qu’on ne doit jamais regarder en arrière mais devant soi est un parti pris égoïste et complètement idiot, car ne puise-t-on pas sans arrêt dans le passé de l’expérience pour soigner nos tares présentes ? Ne sommes-nous pas sans arrêt en train d’agir, consciemment ou inconsciemment, en fonction de nos erreurs passées pour ne pas les répéter ? Ne sommes-nous pas simplement devenus complètement fou...
Dam.
Loin, très loin du tumulte quotidien.
Laissé pour compte pour le meilleur
Le mal oublié, endormi, anéanti,
Le temps d’un récit.
Et la douleur oubliée.
Dehors, il neigeait.
Je la regardait tomber par une fenêtre de l’atelier, avant de vaquer à mes occupations nocturnes ; le tiquetis sur la vitre, comme des millions d’insectes sur un pare-brise à cent à l’heure, me rappelait qu’elle était là, la neige, qu’il était bien là, l’hiver ; mais c’était devenu assez rare pour ne pas l’oublier de toute façon ; le blanc manteau recouvrait déjà les voitures, les toits et la route bitumée. Curieusement, le dessin des pavés ressortait, là où il y en avait encore. Magie la neige ! Ils semblaient si près sous le goudron, mais je savais que c’était une illusion. Tout comme cette neige qui bientôt aura fondu.
On voyait très nettement la rupture au beau milieu de la route, sur une largeur de deux mètres, là où des travaux bruyants au marteau-piqueur avaient eu raison de la pierre. Cette rupture, pour moi, c’était comme une rupture amoureuse, pire que la mort, pire que la vie. Cette rupture était tout et n’importe quoi, la preuve de la folie des hommes et de la connerie du modernisme à la machine à la gomme - vas-y machin, gomme-moi cette saleté : tu ne vas pas rendre un torchon pareil ! Assis à son bureau, le maître gardera son air serein entrecoupé de sourires en coins accusateurs et victorieux. Parce qu’il savait, lui, le maître, que ces tâches ne partiraient pas. Pire, elles seraient d’autant plus grosses qu’on tenterait de les sortir ! Il connaissait déjà la note pour cet élève, et la sanction à la fin du trimestre. La p’tite phrase assassine sur le carnet jauni pour Noël. Mais il ne se faisait pas trop d’illusion sur la suite des opérations. Il aurait ses cadeaux et ces festins animés ne lui donneront jamais la chaire de dinde ! Où est l’erreur, se demandait le professeur : ici ? ou bien là-bas, dehors, chez lui... Dehors dehors ! Ces mots hantaient son esprit, sa conscience, si bien qu’il se leva. Arrivé à hauteur du gommeur fou, il stoppa net et dit : “T’as pas bientôt fini de pourrir le pupitre avec tes pelures de gomme ! ça ne te suffit déjà pas de me rendre un torchon, il faut en plus que tu salisses ma classe ! Derrière la porte, sous l’extincteur, il y a un sceau et une pelle... Et les autres éclatèrent de rire.
Qu’aurait-il pu faire qui le sauvât de cette injustice ? S’il était sorti dans le dos du professeur, il aurait sans doute gagné le respect voire l’estime de ses camarades ; il n’aurait pas eu besoin de s’expliquer, car il était assez clair (pour des jeunes) que le respect d’un élève pour un prof n’allait pas sans réciprocité. Mais la fuite d’un autre côté, même après l’injure, méritée ou non, n’était pas une victoire, acte héroïque encore moins. Ca, le professeur le savait, car lui, il était toujours bien présent. Trop peut-être. Mais cet élève, au début du cour, il avait bien répondu présent à l’appel, non ? Alors pourquoi est-il parti en cours de cour ? Quelle guêpe l’a piqué, mouche, quelle mouche... élève, tu irais faire le mouchard... et bien peut-être ? On verra ça, on verra ça.
Et c’est ainsi qu’on perdait son temps à moraliser et faire entendre raison pour se placer toujours en tête des sondages ! Pendant ce temps là, dehors, justement, rien n’allait plus comme avant. On regarde le passé avec méfiance et tristesse, en noir et gris, parce qu’on lui connait des accents Boshs et des dérapages dramatiques. Mais c’est faux. Pas la guerre, bien sûr... disons que c’est une erreur malheureusement nécessaire. Malheureusement. Mais c’est une erreur de vouloir enterrer le passé, bitumer l’héritage granitique de nos ancêtres. Dire qu’on ne doit jamais regarder en arrière mais devant soi est un parti pris égoïste et complètement idiot, car ne puise-t-on pas sans arrêt dans le passé de l’expérience pour soigner nos tares présentes ? Ne sommes-nous pas sans arrêt en train d’agir, consciemment ou inconsciemment, en fonction de nos erreurs passées pour ne pas les répéter ? Ne sommes-nous pas simplement devenus complètement fou...
Dam.
Re: Extérieur
Un peu tiraillé, à la lecture, entre l'émotion et le rire, dans une nuance bien menée.
Sensible au sujet et aux interrogations en fin de texte, je verrais bien davantage de détours concernant le "gommeur fou" (qui me parle bien et qui me rappelle l'image des spirales de cahiers en guise de menottes)...
Sensible au sujet et aux interrogations en fin de texte, je verrais bien davantage de détours concernant le "gommeur fou" (qui me parle bien et qui me rappelle l'image des spirales de cahiers en guise de menottes)...
Re: Extérieur
Concernant "le gommeur fou", tu en trouveras des traces ailleurs, au hasard de tes lectures.
Dam, et si on a raté, on repasse en blanc - Tu sais, la vérité dans la bouche des enfants.
* Joyeux Noël à toi, enfantdenovembre.
Dam, et si on a raté, on repasse en blanc - Tu sais, la vérité dans la bouche des enfants.
* Joyeux Noël à toi, enfantdenovembre.
Re: Extérieur
Une chose est claire dans ce texte, c'est le mot "disparition" qui peut être attribué à bien des choses
- pavés de rue
- écrit artistique
- vie
- histoire
Mais un tout qui va sans hésitation avec "passé" que l'on tente toujours de gommer de nos mémoires.
Et bien sur : "regret"
Sylvie
- pavés de rue
- écrit artistique
- vie
- histoire
Mais un tout qui va sans hésitation avec "passé" que l'on tente toujours de gommer de nos mémoires.
Et bien sur : "regret"
Sylvie
Re: Extérieur
Coup d'mur à Dédé et là aussi je tombe ou plutôt je retombe sur une personne qui j'espère va vite retrouver l'outil pour venir nous offrir encore de très beaux textes.
Sylvie
Sylvie
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