Ronds de fumée (2)

Sur fond de musique expérimentale, « Pretium Doloris» d'A.n.K.h., je médite sur mon souffle encore trop saccadé, les dernières particules du brouillard goudronné continuant à remuer mon angoisse diffuse.
Je me prépare à boire l’air pour une inspiration plus profonde, une expiration prolongée, et faire des ronds capables de refléter ce qui s’exprime « là-haut », dans le cerveau, autrement que par les mots.


Un rond de fumée.
Illuminé par les lueurs de la nuit, il est une auréole qu’un ange a perdu dans sa descente aux envers. Ange à la place de l’ange n’étant pas mon ambition, je me garde au préalable de toute réaction. A deux doigts d’user d’un glaive pour briser l’auréole, j’opte au final pour une action plus folle: je sors de nouveau mon spectre, et j’accule sur les ronds d’mes affects. Mais j’entends une voix répugnée: c’est un ange que j’ai dû par mégarde « arroser »… Un rond pair, un rond passe…

Un rond de fumée.
Un œil de Judas. Un œil intrusif, omniprésent. Le vide ambigu du regard, assombrit tout à coup l’air ambiant. Mauvais œil qui me glace le sang, et qui n’a rien à faire là. Sans doute des relents de l’angoisse de carbone, une Figure d’ombre d’antan se cramponne, et j’ai beau me débattre, certaines voix résonnent, et cet œil m’empoisonne… Un couteau sous la main, je le crève et l’éclate, et du rond de fumée coule l’eau écarlate.

Un rond de fumée.
Le contour arrondi d’une Lune sur laquelle je pose mes chagrins. Une lune qui fume, qui hume ma brume, réceptacle de mille soleils restants qui lui gravitent autour. Mille ronds de fumée éclatants, brûlants, éblouissants. Je sais cette lune assez résistante pour ne pas succomber à la combustion immédiate, et je m’arme d’un sang froid vacillant pour y protéger les chagrins déposés. Je ne veux pas qu’ils brûlent, car je compte les enrouler dans une bulle… qu’il me faudra éclater. Obligé!

Un rond de fumée.
Celui-ci est particulièrement réussi! Il se trouve en proue d’un autre rond, et l’air leur permet de se décloisonner, de sorte qu’ils forment un 8 , pour finalement se muer en spirale. Je reste « émerbullé » -clin d’œil à l’Amie Azi- par cette métaphore de ma vie… Une vie en spirale(s), à tenter de redresser tant bien que mal mon « Horizontale » sur une diagonale potable.

Un rond de fumée.
J’y fais passer un doigt, que je commence à faire pivoter. Tentant de manier le rond de fumée comme un cerceau, je finis les yeux en toupie qui me montent au cerveau. Salaud!


Extinction des expirations. Exténuation du souffle. Le sommeil assommant, je repose légèrement ma tête, prenant soin de ne point traverser le traversin que je crois lui aussi de fumée.

(...)
Tof'

Finalement fumer avec toi donne des visions assez angoissantes...
Je me rappelle d'une époque ou je tentais vainement d'exterminer mes crises d'angoisse avec des exercices respiratoires (rires nerveux) Et bien j'aurai peut être du sortir de mon lit et me griller la fin de mon paquet de Malboro sur le balcon en dessinant ses formes et ses ombres à ta façon! Beaucoup plus ludique d'essayer de nommer l'innommable...avec des ronds de fumée.
Et puis j'ai eu un p'tit faible pour cette "descente aux envers"...

Un peu de bad trip mais finalement tu t'en sors bien et redescends dans le calme d'une post-confusion.

Nilo, c'est d'la bonne.

On se tape des petits délires???


J'ai pensé à une musique en lisant ton texte
J'ai aussi eu une question dans ma tête:

" c'est quoi comme marque qui fait partir aussi loin?"

J'ai bien aimé cette poésie qui se faufile tout au long de la lecture.

Sylvie

Merci à vous de supporter ces petits ronds que je sens parfois presque compulsifs (convulsifs).

En plus, y paraît que le tabagisme passif n'est rien d'autre qu'une invention farfelue de l'esprit humain!

Le Printemps de la Prose permettra peut-être de vaincre le signe indien et de remettre en odeur de sainteté les substances qui constituent cette série...

Nilo, fumeur de Havanes.

Je pique à Sylvie "cette poésie qui se faufile". J'ai aimé égrener ces ronds de fumée, sur fond de musique ad hoc. Chorégraphie sensuelle et déjantée (quoique).