Harangue amère.

J’ai voulu vous jouer l’accord en trois nuages
Et je ne savais plus la couleur de mon ciel
J’ai foré le ciment après l’atterrissage
Et la terre pourrie ne portait rien en elle

J’ai quitté le ballet inerte des syllabes
Et cherché dans le son un ailleurs moins frigide
Mais le sourire né aux anciennes balades
Laissait planer trop tôt le silence du vide

J’ai fixé comme un fou les toiles gigantesques
Où poussent les serpents de fleurs et les montagnes
Froides comme les mots les couleurs et les fresques
Ne soignent qu’un instant le trou béant de l’âme

J’ai voulu me nourrir et je n’en gardais rien
Aux gencives au palais qu’un goût de cendres froides
Aux tables de cristal aux gamelles des chiens
La même bile aux dents le même dégoût fade

J’ai serré contre moi des corps et leurs mystères
Pour humer à leur peau des odeurs qui m’apaisent
Et je n’y ai trouvé de sœur d’amie de frère
Qui sente l’horizon le miracle ou le rêve

Je riais de vous dire mes exploits et je gage
Que vous y avez cru le temps qu’ils ont duré
Mais l’heure avance court et mes palais sauvages
Sont comme des bateaux que la mer a brisés

Je pleure maintenant comme pleure le monde
Qui sent sur lui la main hideuse de ses siècles
Galilée la tuait en disant qu’elle est ronde
Car tout ce qui devient n’aspire plus à être

Mais l’autre qui mourait quand il était vingt-sept
Me disait qu’à pourrir autant pourrir heureux
Et l’autre qui n’avait plus qu’un mot dans la tête
Me disait que de dire on aura dit tant mieux

Et l’autre qui fixait ses mots dans le vertige
Soûlé de démons d’anges avait vaincu la mort
Et l’autre qui parlait en silence prodige
Créait dans sa douleur des corps absents de corps

Et c’est au rien vengeur que je lève un drapeau
Je suis mort au cadran je suis vivant ma belle
Et si tes mots boiteux ne restent que des mots
J’aurai vécu d’un feu comme un défi au ciel


Z 09 03 11

Très beau poème. J'aime le rythme, le ton. Si je fais dans le détail, faudrait que je remette tout ici...

Sasvata, touchée ^^

Le pouvoir de défier le ciel ne réside ni dans les mots, ni dans l'esprit, mais dans l'usage que l'esprit fait des mots.

Belles et fortes imprécations...

Très belle fin pour ces mots de dépit tellement marqué d'espoirs à défaut d'espérance.

Une belle construction qui plus est, qui nous mène en bateau sous l'accord des nuages dont on entend bien qu'ils grondent.

Nilo, marne largue.
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PS. Sont comme des bateaux que la mer a briséS

Une construction delicieuse ..et une recherche , une quête de l'absolu que l'on ressent fortement.
Sacré challenge que de retranscrire cela même si on n'en ressent jamais la difficulté tant il coule de source.
Bravo z!

Oui, pour une fois tant la forme que le fond m'ont séduit

Cette sorte de désespérance ombragée par le désir d'être

Et puis ça

Car tout ce qui devient n’aspire plus à être

Ne serait-ce que nos désirs qui nous poussent à ne pas tomber. L'espoir n'est pas une chose vaine tant qu'il ne s'accuse pas d'être Réalité.

J'ai relu plusieurs fois ce poème et chaque fois j'ai ressenti l'ambiance car tes mots sont toujours bien choisis et je voulais être sure d'avoir bien plongée dans ton texte avant de m'y aventurer en com.



Un talent sans aucun doute.

Sylvie

Ton talent nous manque sans aucun doute Z..

TU pourrais quand même nous donner un peu des nouvelles!