Il tombait des néons dans nos tasses à café

Il tombait des néons dans nos tasses à café
tu semblais absente, mais c'est simplement,
dis-tu pour me rassurer, que tu avalais
nos derniers instants, nos derniers souvenirs
j'embrassais du regard ton regard et la cigarette
au pli nord de tes lèvres

Tu me disais que tout feu finit par s'éteindre
ce n'est pas comme le fleuve, ce n'est pas
comme le ciel ni l'eau du fleuve
mes ongles rayaient le bois du comptoir
j'essayai vainement d'y graver ton prénom
tu vas t'abîmer les mains, me murmuras-tu
j'avais laissé quelques marbrures brisées sur le comptoir
mais ton prénom n'apparaissait nulle part

Je suis fou, te dis-je, je suis sentimental et romantique
ta voix me parvint comme une douleur sur un mur blanc*
quand avons-nous fait l'amour pour la dernière fois
je ne savais plus, je te répondis que je ne savais plus
à quand remontait notre dernière étreinte
était-ce hier, était-ce demain, serait-ce une douleur
que de faire l'amour cette nuit

La pluie s'écroulait sur la bâche, il n'y avait plus
que le bruit de la pluie sur la bâche et le cliquètement
de tes boucles d'oreilles, à l'intérieur du bar
les musiciens rangeaient leurs instruments
ils étaient silencieux comme un silence bleu
je gardais pour moi mes sombres pensées
si nous devons mourir un jour, que ce soit aujourd'hui

Tu as pris ma main, je me souviens encore
de la pression de ta main sur ma main endolorie
c'était comme un cœur frotté contre une pierre chaude
les néons chevrotaient dans tes yeux
le temps éternuait ses dernières amours dérisoires
je me trouvais bien ridicule, plein de mes sentiments
et de mon romantisme furtif
à débroussailler tes yeux d'un regard que je souhaitais définitif
je me noyai à marée montante, et je savais que
les migrations du jazz accompagneraient nos itinéraires

*Sylvie Girardot, Le chant de mes clochers

Une main sur une main comme un coeur sur une pierre...

J'aime cette image, simple et tragique.

Tu n'as pas la séparation morbide ni gnagnan. Et ça c'est fortement appréciable.
D'autant plus que tu l'écris bien, très bien.
Cette première strophe
Il tombait des néons dans nos tasses à café
tu semblais absente, mais c'est simplement,
dis-tu pour me rassurer, que tu avalais
nos derniers instants, nos derniers souvenirs
j'embrassais du regard ton regard et la cigarette
au pli nord de tes lèvres
est une merveille, et les autres à l'avenant.
Et ce titre, tout un poème.
Vraiment j'aime ça.

Nilo, seulitude en domineur.

Les éloges ont déjà été faits, je ne peux que me joindre à eux. C'est bien conté, poétique à souhait, sans eau de rose ni chichi. C'est beau quoi

Sasvata, "si nous devons mourir un jour, que ce soit aujourd'hui"

Un poème urbain au rythme chaloupé. Lyrique. Fort bien mené. Des vers gravés pour longtemps sur le Macadam !

Oui , elle est belle ta rupture.

Belle lecture pour moi aussi, le souffle court (je ne suis pas saxophoniste)

Dam.

le regard qui s'accroche à des détails, des éléments de décor, désespérément...

La Résistance est une illusion.


Merci à vous de vos lectures.

Touchée mais aussi émerveillée par tes mots métaphoriques, magiques, magnifiques...


c'était comme un cœur frotté contre une pierre chaude
les néons chevrotaient dans tes yeux
le temps éternuait ses dernières amours dérisoires

Chantal

Le sourire dévasté
emportant des remords
sur un drap vide de l'odeur
que l'on recherche à pas de géant.

Tu rêves de ces jours qui voudraient être futur
à coup d'ombres sur le mur
un bain de fête sans confettis
où la mémoire est encore vierge

Et d'un revers de rature
tu glisses dans la poche aux souvenirs.

Sylvie

je souhaite écrire de ta manière un jour....

Oulala!!

c'est vraiment beau " Je suis fou, te dis-je, je suis sentimental et romantique"
Mais bon comme quoi tous les cafés finissent par refroidir si on les oublient!!

Histoire que le mur à Dédé continue son oeuvre.