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Le petit camion.
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Macadam :: MacadaTextes :: Nouvelles
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Le petit camion.
Il était une fois un petit camion à qui l’on expliqua, très tôt, qu’il n’était rien d’autre qu’un petit camion. Ses parents, des vieux routiers, lui donnèrent vie au bord d’une autoroute, dans un garage clandestin. Il comprit très vite que les camions et les hommes, c’est pareil : ils se démarrent le matin, ils boivent et mangent pour rouler le jour durant et ils s’éteignent, le soir, comme on tourne une clef de contact.
Pourtant, le petit camion n’était pas heureux. Tandis qu’il rêvassait là, le jour, et que les mains noires fouillaient son cerveau pour y connecter les neurones, il regardait l’autoroute. Et tout ce qu’il y voyait, les bolides multicolores, de tailles et formes aussi variées que les clefs à molette, le fascinaient.
Un jour, ses parents installèrent son cœur. Il sentait, heureux, ses vibrations lui chatouiller les côtes, ébranler ses parois de tôles et ses roues. Un homme entrait en lui, de temps en temps, et l’emmenait visiter le parking. Comme il n’avait pas de fenêtres, il s’amusait avec le vent, qui traversait l’habitacle en sifflant du Gainsbourg. Pendant quelques mois de fignolages, il se sentit presque libre.
Bientôt, il comprit que les mains noires installaient le dernier morceau de chair. Il n’en dormit pas de la nuit : il était prêt à visiter le monde. Mais les autres camions se moquaient de lui : il est bien trop petit, disaient-ils, il ne tiendra pas dix kilomètres. Des nouveaux arrivants à la peau claire, au nez doré, pointaient leur chrome et leurs cinq cent chevaux en riant : comme il est maigre, disaient-ils, il ne supportera pas deux tonnes. Le petit camion se taisait. Il attendait son heure.
Un beau matin, il fut réveillé par un bruit anormal : les mains noires chargeaient son dos de lambeaux de ferraille. Le petit camion, tant il était désireux de faire ses preuves, ferma les yeux et supporta le poids. Il fallait leur montrer, à ces idiots de quinze tonnes, ce qu’il avait dans le ventre. Un homme entra en lui, et pour la première fois, se dirigea vers l’autoroute. Le petit camion vrombissait, pétaradait, comme jamais. Il se coula dans le grand ruban et laissa les mains noires le conduire.
Au milieu des bolides, il riait, et saluait les autres camions de la main. Il doubla, en grondant, une arrière-grand-mère : une de ces tractions d’avant-guerre dont il se demandait, à leurs courbes, si elle n’étaient pas sculptées dans du beurre. Il osa même, à un péage, saluer une décapotable qui lui fit comprendre, sans prendre de gants, qu’elle ne faisait pas la charité.
Le soir ils arrivèrent, et il comprit. Il vit les corps de centaines de petits camions, démembrés, agonisants, baigner dans l’huile et l’essence. On le déchargea, on le chargea, et ils repartirent. Le petit camion gardait, dans les narines, une atroce odeur de charogne. Au sortir d’un virage, il laissa ses os se mélanger, contint l’arrivée de son sang, et bloqua la direction. Il partit comme un fou vers la rambarde et se coucha, résigné. Allez, pensait-il, au moins je ne finirais pas là-bas.
Alors, il vit arriver un quinze tonnes, un chromé au nez d’or, dont les cinq cheminées brouillaient le crépuscule. Des mains noires le hissèrent sur son dos, avec un drôle d’engin qui ressemblait à une girafe. Et lorsqu’il fut au cimetière, on le laissa là, agonisant, baigner dans l’huile et l’essence.
Z 31 03 11
Pourtant, le petit camion n’était pas heureux. Tandis qu’il rêvassait là, le jour, et que les mains noires fouillaient son cerveau pour y connecter les neurones, il regardait l’autoroute. Et tout ce qu’il y voyait, les bolides multicolores, de tailles et formes aussi variées que les clefs à molette, le fascinaient.
Un jour, ses parents installèrent son cœur. Il sentait, heureux, ses vibrations lui chatouiller les côtes, ébranler ses parois de tôles et ses roues. Un homme entrait en lui, de temps en temps, et l’emmenait visiter le parking. Comme il n’avait pas de fenêtres, il s’amusait avec le vent, qui traversait l’habitacle en sifflant du Gainsbourg. Pendant quelques mois de fignolages, il se sentit presque libre.
Bientôt, il comprit que les mains noires installaient le dernier morceau de chair. Il n’en dormit pas de la nuit : il était prêt à visiter le monde. Mais les autres camions se moquaient de lui : il est bien trop petit, disaient-ils, il ne tiendra pas dix kilomètres. Des nouveaux arrivants à la peau claire, au nez doré, pointaient leur chrome et leurs cinq cent chevaux en riant : comme il est maigre, disaient-ils, il ne supportera pas deux tonnes. Le petit camion se taisait. Il attendait son heure.
Un beau matin, il fut réveillé par un bruit anormal : les mains noires chargeaient son dos de lambeaux de ferraille. Le petit camion, tant il était désireux de faire ses preuves, ferma les yeux et supporta le poids. Il fallait leur montrer, à ces idiots de quinze tonnes, ce qu’il avait dans le ventre. Un homme entra en lui, et pour la première fois, se dirigea vers l’autoroute. Le petit camion vrombissait, pétaradait, comme jamais. Il se coula dans le grand ruban et laissa les mains noires le conduire.
Au milieu des bolides, il riait, et saluait les autres camions de la main. Il doubla, en grondant, une arrière-grand-mère : une de ces tractions d’avant-guerre dont il se demandait, à leurs courbes, si elle n’étaient pas sculptées dans du beurre. Il osa même, à un péage, saluer une décapotable qui lui fit comprendre, sans prendre de gants, qu’elle ne faisait pas la charité.
Le soir ils arrivèrent, et il comprit. Il vit les corps de centaines de petits camions, démembrés, agonisants, baigner dans l’huile et l’essence. On le déchargea, on le chargea, et ils repartirent. Le petit camion gardait, dans les narines, une atroce odeur de charogne. Au sortir d’un virage, il laissa ses os se mélanger, contint l’arrivée de son sang, et bloqua la direction. Il partit comme un fou vers la rambarde et se coucha, résigné. Allez, pensait-il, au moins je ne finirais pas là-bas.
Alors, il vit arriver un quinze tonnes, un chromé au nez d’or, dont les cinq cheminées brouillaient le crépuscule. Des mains noires le hissèrent sur son dos, avec un drôle d’engin qui ressemblait à une girafe. Et lorsqu’il fut au cimetière, on le laissa là, agonisant, baigner dans l’huile et l’essence.
Z 31 03 11
Zlatko- MacadAccro
- Messages : 1621
Date d'inscription : 30/08/2009
Age : 33
Localisation : Centre
Re: Le petit camion.
Boudi que c 'est triste! Bien conté évidemment, mais si triste! Y'a pas de place pour les petits?
Sasvata, petite fleur
Sasvata, petite fleur
sasvata- MacadMalade
- Messages : 495
Date d'inscription : 31/08/2009
Re: Le petit camion.
Une fable à raconter aux mômes le soir pour leur raconter un peu le monde, un peu la folie du monde, ses faiblesses, ses fiertés, et quelque part la beauté du petit camion qui sommeille en eux.
C'est bien dit tout ça Zlatko.
J'enlèverais juste ça :
C'est bien dit tout ça Zlatko.
J'enlèverais juste ça :
On n'en a pas besoin pour comprendre la métaphore.Il comprit très vite que les camions et les hommes, c’est pareil : ils se démarrent le matin, ils boivent et mangent pour rouler le jour durant et ils s’éteignent, le soir, comme on tourne une clef de contact.
Re: Le petit camion.
On dirait bien que non, Sasvata =/
Merci LC! Je suis d'accord avec toi, non seulement à la relecture ce matin j'ai trouvé que c'était en surplus mais en plus y'a quelque chose pas loin du cliché. Après, ça risque de déséquilibrer le texte.. Enfin j'y reviendrais.
Merci d'être passés si vite!
Z.
Merci LC! Je suis d'accord avec toi, non seulement à la relecture ce matin j'ai trouvé que c'était en surplus mais en plus y'a quelque chose pas loin du cliché. Après, ça risque de déséquilibrer le texte.. Enfin j'y reviendrais.
Merci d'être passés si vite!
Z.
Zlatko- MacadAccro
- Messages : 1621
Date d'inscription : 30/08/2009
Age : 33
Localisation : Centre
Re: Le petit camion.
bou !!!!!!!!
Jolie histoire triste.
Moi j'veux pas qu'elle finisse comme ça : Pauvre petit camion! Faut le sauver!
Jolie histoire triste.
Moi j'veux pas qu'elle finisse comme ça : Pauvre petit camion! Faut le sauver!
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LaLou
Re: Le petit camion.
Oui, sans doute une belle histoire triste, mais pour une fois je n'ai pas accroché. Sans doute que je suis trop conservateur et que j'aime retrouver le style des auteurs que j'aime lire.
Et ici, je n'ai pas trouvé le style du Z. que j'aime lire.
Nilo, ça arrive.
Et ici, je n'ai pas trouvé le style du Z. que j'aime lire.
Nilo, ça arrive.
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... Tu lui diras que je m'en fiche. Que je m'en fiche. - Léo Ferré, "La vie d'artiste"
Re: Le petit camion.
Je ne suis pas surpris qu'il finisse comme ça, (ou qu'elle finisse comme ça) ton histoire.
Tu t'inscris dans la tradition des contes... pour enfants.
Dam, Perrault - Zlatko/ perd et gagne.
Tu t'inscris dans la tradition des contes... pour enfants.
Dam, Perrault - Zlatko/ perd et gagne.
Re: Le petit camion.
lu... Des passages intéressants, mais je me suis dit que tu hésitais entre la fable et le conte... le format fait plutôt conte, mais le contenu évoque plus une fable. Je ne sais pas si je suis très clair ? en tout cas il y a de bons passages qui mériteraient d'être un peu plus développés pour que le conte prenne corps, car les images sont déjà là pour ma part.
_________________
"Chaque pensée devrait rappeler la ruine d'un sourire." Cioran.
Re: Le petit camion.
Un vaillant petit camion à qui on vole sa mort.
franskey- MacadAccro
- Messages : 599
Date d'inscription : 23/03/2011
Re: Le petit camion.
J'ai fait le vœu de mettre mon aumône dans la sébile de tous les mendiants que je trouverai sous toutes les portes cochères qui mènent au Petit Etablissement de Crédit que je viens d'ouvrir au profit de ceux qu'en ont pas besoin. En particulier à la Troisième liste que j'vous ai filée.
Juste histoire de pas avoir bossé pour rien à les chercher pasque si j'compte que sur vous j'crains qu'y en ait qu'entendent pas le son de votre obole tombant sans leur coupelle.
Charité bien ordonnée...
Dédé.
Juste histoire de pas avoir bossé pour rien à les chercher pasque si j'compte que sur vous j'crains qu'y en ait qu'entendent pas le son de votre obole tombant sans leur coupelle.
Charité bien ordonnée...
Dédé.
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Ciao les gonzesses, c'était Dédé.
Dédé- MacaDédé
- Messages : 1885
Date d'inscription : 04/09/2009
Macadam :: MacadaTextes :: Nouvelles
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