Xa (Chap.3, extrait)

' Un jour, dans une petite agence orange, une hôtesse qui ressemblait beaucoup à Drill l'accueillit. Zlatko s'interrogeait sur l'existence d'un moule commun dont sortait toutes les hôtesses du monde, quand elle se décida à dire :

- Votre profil est intéressant. Nous vous proposons un emploi de poseur d'affiches grand format.

- Grand format, dit Zlatko.

- Les affiches qu'on voit de loin, expliquait l'hôtesse. Elle avait un drôle de tic qui lui secouait l'oreille droite en même temps que le nez.

- Il me faudra un scotch grand format, dit Zlatko qui essayait de faire la même chose.

L'hôtesse rougit et toussait.

- Vous pouvez, si vous le souhaitez, cumuler les grandes affiches et les petites afin de vous assurer un gros salaire.

- Je n'ai plus de chat, dit Zlatko.

- Il faut bien manger quand même, disait l'hôtesse, qui avait un chat et militait régulièrement pour la baisse du prix des croquettes. Nous fournissons des colles grand et petit format. Ne vous trompez pas de colle où vous resteriez collé à l'affiche.

Zlatko riait, l'hôtesse aussi, et il signa le contrat avec détermination.

Wim entrait dans la salle verte. Il faisait très chaud, l'air dégoulinait. Il posa son petit sac noir bien fermé sur une chaise et entreprit d'enlever son écharpe violine. Les étudiants, au garde-à-vous, attendaient son signal :

- Rompez.

Wim détestait cette période de début d'été. La foule baissa les bras et s'assit dans un seul son de chaise. Wim, avec douceur, saisit une craie qu'il leva bien haut et écrivit, d'un seul jet:

Ainsi paraphé le tableau avait une toute autre allure. Le professeur de lettres sonda la salle, à grandes enjambées. Il questionnait au hasard quelques têtes de cancres. Il avait du flair.

- Monsieur-cravate-blanche-à-pois peut-il me parler du mouvement pré-raphaélite?
Wim fit d'amples mouvements avec sa craie pour marquer son impatience. Il imitait la queue d'un lion.

- Non, évidemment. Madame-sur-la-droite-près-du-peuplier?

Une fille mince et bien coiffée jeta un oeil effrayé au peuplier.

- Non plus.

- Monsieur, dit quelqu'un, il ne s'agit pas a proprement parler de Lettres.

- Il s'agit d'Art. C'est la même chose.

Bientôt, il commençait l'exposé qu'il avait préparé pendant des heures. Il s'agissait d'expliquer pourquoi l'Art avait mille visages et un seul visage en même temps. Au bout d'une heure, Wim s'impatientait. Son discours s'échauffait, prenait de la hauteur, et pas un oeil ne brillait. Discrètement, il fabriqua un petit avion en papier qu'il jeta par la fenêtre. Lyven enseignait deux étages plus bas, et le reçu avec l'aide du vent qui s'ennuyait :


Elle éclata de rire. Sa collègue philosophe trouvait cela déplacé mais rit aussi, par contagion. En quelques secondes, la classe entière riait comme des brins d'herbes sous une bourrasque. Lyven répondit, profitant d'un courant chaud :


Wim s'assit, la gorge sèche. Il croisa les jambes, releva ses lunettes et articula, au lieu des paragraphes prévus pour conclure :

- Des questions?

La classe manifestait un intérêt général pour la littérature anglaise. Wim soupirait, écrivait "Poe" dans un coin et congédia la classe. A la fenêtre, il aperçut le directeur, dans son bureau, lire une BD en fumant un cigare. '

Une histoire étrange mais plutôt drôle :p
Par contre, la concordance des temps... Disons que moi, ça me gêne à certains endroits, de voir un imparfait en lieu et place d'un passé simple. M'enfin je suis trop classique

Sasvata, à l'ancienne

Je comprends que ça te gêne mais je ne le fait même pas volontairement : le passé simple est un menteur, il donne une impression d'instantanéité de certaines actions qui au contraire se font dans le temps. Je trouve que l'imparfait est souvent plus à sa place!

Z, écrivait.

J'avais déjà lu cet extrait et je le relis avec intêret et j'espère qu'il y aura une suite.

Par contre, je ne vois pas de problème de temps, habitué que je suis à alterner passé simple et imparfait. Sans doute une habitude familiale...

Swann,

Une école transparente, c'est original.
Sinon pour les temps, j'aurais joué avec le présent. Mais c'est que mon avis.

Dam, cours ouverts.

Il questionnait au hasard quelques têtes de cancres. Il avait du flair.
Ca me fait penser à Papy.
Lui il était pas prof de lettres mais de mathématiques, même si y parlait latin dans le texte quand il était jeune.
Mais j'le vois pas expliquer la platitude de l'univers en latin à des cancres qui comprennent déjà rien quand on leur parle dans leur langue vernaculaire.

Dédé.

J'aime bien cette histoire qui semble assez déjantée pour séduire les amateurs de danse à contretemps...

Nilo, passé pas si simple.