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Gaspard et le loup rose.
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Swann
Lalou
Zlatko
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Macadam :: MacadaTextes :: Nouvelles
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Gaspard et le loup rose.
Dès sa naissance, Gaspard fut un petit garçon bien étrange. A peine sorti, il cria un peu, pour la forme, se roula en boule et s’endormit. Chose plus étrange encore, ses jambes s’agitaient, dans son sommeil, sans interruption. Les médecins s’interrogèrent longtemps sur cette étrange mécanique. On lui parlait, on le remuait, on le frictionnait au whisky. Rien à faire. Le plus ancien médecin du service, un vieil énergumène aux yeux bleus, diagnostiqua qu’il avait la Bougeotte.
Gaspard ne grandissait pas très vite. Il mangeait peu et, lorsqu’il fut en âge de parler, ne sut pas comment il fallait faire. Il se contenta de faire comprendre à ses parents qu’il voulait des chaussures. Qu’est-ce qu’on y peut, dit son père, et il sortit lui acheter une paire de bottes violettes. Le petit garçon les enfila et, dans un grand éclat de rire, déclama dans sa première phrase qu’il ne les quitterait plus. On était au printemps.
Une nuit, les parents du petit garçon se ruèrent dans sa chambre, affolés par des bruits sonores. Ils constatèrent avec stupéfaction qu’il courait. Horizontalement, d’un coin de sa chambre à l’autre, il parcourait les distances avec la même joie terrible. Qu’est-ce qu’on y peut, dit son père, et il abattit un mur de la chambre le lendemain matin. Comme Gaspard ne s’arrêtait pas, il abattit un à un tous les murs de la maison. Peine perdue. Le bruit des courses de l’enfant leur cassait les oreilles et le manque de sommeil leur faisait d’horribles cernes.
Une autre nuit, la mère de Gaspard se fâcha rouge. Elle prit le gamin sous les bras, ouvrit la porte d’entrée et repartit dormir. Il fit ce qu’il savait faire : il courut. Il traversa toute la ville, bravant les grosses voitures, les chats errants, fauchant les ivrognes comme des quilles. Il traversa des champs de blé, de coquelicots et de colza. Et puis il parvint à la mer. On était en été.
Alors qu’il entamait sa course dans les vagues, un bruit lui fit tourner la tête : il y avait là un vieillard, roulé en boule sous une tente, qui dormait. Gaspard courut à lui et, pour la première fois de sa vie, s’arrêta net : les jambes du vieillard s’agitaient sans cesse, creusant sous lui des ornières dans le sable. Le gamin, stupéfait, lui secoua l’épaule. Le vieux s’éveilla et lui jeta un drôle d’œil. Il dit qu’il savait une histoire.
Je suis né avec la Bougeotte, dit-il. A quatorze ans, j’ai construit une montgolfière. J’ai mis dedans tout ce que je possédais, des tas de couleurs, des ombres du soir, un nounours et un piano. Je me suis envolé vers la mer. C’est évident, disait le vieux, quand on ne sait que courir, on veut courir sur la mer. Mais j’ai eu gros temps, et je me suis écrasé ici. Depuis, je peins les montagnes.
Et comme le matin venait, et que l’été changeait le visage du soleil, il emmena Gaspard sur sa montagne. Elle était de toutes les couleurs. Sur les murs, il avait écrit l’histoire de l’homme qui court. Il expliqua à Gaspard que l’homme qui court avait cherché pourquoi il courait, et comme il n’y arrivait pas, il avait inventé l’Arbitre. Et l’Arbitre était une sorte de grand bonhomme qui n’avait qu’une réponse : l’amour.
Gaspard laissa le vieux sur sa montagne et repartit. Il longea la côte et, tout au fond d’un canyon, se rendit compte qu’il était suivi : un loup rose le suivait, langue pendante. Ils furent amis sans se parler. Ils coururent longtemps, dans les paumes rouges de l’Amérique, les cheveux verts de la Grèce, et les omoplates blanches de l’Alaska. Et lorsqu’ils arrivèrent au carrefour, on était en Hiver.
Pour la seconde fois de sa vie, Gaspard dût s’arrêter, et avec lui le loup rose. Une hôtesse bleue leur barrait le passage et parlait d’une voix douce. Vous êtes au carrefour, dit-elle. Comme si on ne l’avait pas remarqué, grogna le loup, qui sauf avec Gaspard n’était pas très aimable. A droite, elle montrait un écriteau plein d’ampoules et de signes compliqués, vous pouvez vous rendre à Grandir. C’est une chouette ville brillante avec des tas d’hommes responsables. On y meurt très bien. A gauche, elle montrait un vieil écriteau plein de forêts et de vent, ça ne va Nulle Part. Un jour on tombe dans une cascade et on meurt bêtement.
Gaspard lui dit d’arrêter de raconter des blagues, monta sur le dos du loup rose et ils prirent à gauche, sans faire d’histoire. Tout le monde sait que les cascades mènent aux rivières, les rivières à la mer et quand on ne sait que courir, on veut courir sur la mer.
Z 28 05 11
Gaspard ne grandissait pas très vite. Il mangeait peu et, lorsqu’il fut en âge de parler, ne sut pas comment il fallait faire. Il se contenta de faire comprendre à ses parents qu’il voulait des chaussures. Qu’est-ce qu’on y peut, dit son père, et il sortit lui acheter une paire de bottes violettes. Le petit garçon les enfila et, dans un grand éclat de rire, déclama dans sa première phrase qu’il ne les quitterait plus. On était au printemps.
Une nuit, les parents du petit garçon se ruèrent dans sa chambre, affolés par des bruits sonores. Ils constatèrent avec stupéfaction qu’il courait. Horizontalement, d’un coin de sa chambre à l’autre, il parcourait les distances avec la même joie terrible. Qu’est-ce qu’on y peut, dit son père, et il abattit un mur de la chambre le lendemain matin. Comme Gaspard ne s’arrêtait pas, il abattit un à un tous les murs de la maison. Peine perdue. Le bruit des courses de l’enfant leur cassait les oreilles et le manque de sommeil leur faisait d’horribles cernes.
Une autre nuit, la mère de Gaspard se fâcha rouge. Elle prit le gamin sous les bras, ouvrit la porte d’entrée et repartit dormir. Il fit ce qu’il savait faire : il courut. Il traversa toute la ville, bravant les grosses voitures, les chats errants, fauchant les ivrognes comme des quilles. Il traversa des champs de blé, de coquelicots et de colza. Et puis il parvint à la mer. On était en été.
Alors qu’il entamait sa course dans les vagues, un bruit lui fit tourner la tête : il y avait là un vieillard, roulé en boule sous une tente, qui dormait. Gaspard courut à lui et, pour la première fois de sa vie, s’arrêta net : les jambes du vieillard s’agitaient sans cesse, creusant sous lui des ornières dans le sable. Le gamin, stupéfait, lui secoua l’épaule. Le vieux s’éveilla et lui jeta un drôle d’œil. Il dit qu’il savait une histoire.
Je suis né avec la Bougeotte, dit-il. A quatorze ans, j’ai construit une montgolfière. J’ai mis dedans tout ce que je possédais, des tas de couleurs, des ombres du soir, un nounours et un piano. Je me suis envolé vers la mer. C’est évident, disait le vieux, quand on ne sait que courir, on veut courir sur la mer. Mais j’ai eu gros temps, et je me suis écrasé ici. Depuis, je peins les montagnes.
Et comme le matin venait, et que l’été changeait le visage du soleil, il emmena Gaspard sur sa montagne. Elle était de toutes les couleurs. Sur les murs, il avait écrit l’histoire de l’homme qui court. Il expliqua à Gaspard que l’homme qui court avait cherché pourquoi il courait, et comme il n’y arrivait pas, il avait inventé l’Arbitre. Et l’Arbitre était une sorte de grand bonhomme qui n’avait qu’une réponse : l’amour.
Gaspard laissa le vieux sur sa montagne et repartit. Il longea la côte et, tout au fond d’un canyon, se rendit compte qu’il était suivi : un loup rose le suivait, langue pendante. Ils furent amis sans se parler. Ils coururent longtemps, dans les paumes rouges de l’Amérique, les cheveux verts de la Grèce, et les omoplates blanches de l’Alaska. Et lorsqu’ils arrivèrent au carrefour, on était en Hiver.
Pour la seconde fois de sa vie, Gaspard dût s’arrêter, et avec lui le loup rose. Une hôtesse bleue leur barrait le passage et parlait d’une voix douce. Vous êtes au carrefour, dit-elle. Comme si on ne l’avait pas remarqué, grogna le loup, qui sauf avec Gaspard n’était pas très aimable. A droite, elle montrait un écriteau plein d’ampoules et de signes compliqués, vous pouvez vous rendre à Grandir. C’est une chouette ville brillante avec des tas d’hommes responsables. On y meurt très bien. A gauche, elle montrait un vieil écriteau plein de forêts et de vent, ça ne va Nulle Part. Un jour on tombe dans une cascade et on meurt bêtement.
Gaspard lui dit d’arrêter de raconter des blagues, monta sur le dos du loup rose et ils prirent à gauche, sans faire d’histoire. Tout le monde sait que les cascades mènent aux rivières, les rivières à la mer et quand on ne sait que courir, on veut courir sur la mer.
Z 28 05 11
Zlatko- MacadAccro
- Messages : 1621
Date d'inscription : 30/08/2009
Age : 33
Localisation : Centre
Re: Gaspard et le loup rose.
encore une jolie histoire pleine de poésie comme tu nous en donnes à lire de temps en temps.
Celle ci nous parle ici à tous, tout particulièrement.
Ces personnages nous sont familiers et cette fin qui n'est qu'un commencement, on la connait tous un peu.
Bravo Z.
Celle ci nous parle ici à tous, tout particulièrement.
Ces personnages nous sont familiers et cette fin qui n'est qu'un commencement, on la connait tous un peu.
Bravo Z.
_________________
LaLou
Re: Gaspard et le loup rose.
Encore quelques unes de cette veine et cela fera un jolie bouquet de nouvelles...
Swann,
Swann,
Swann- MacadAccro
- Messages : 1023
Date d'inscription : 31/08/2009
Age : 72
Localisation : entre deux cafés
Re: Gaspard et le loup rose.
" Un recueil ! Un recueil ! "
Encore un petit Peter Pan. Gaspard est touchant.
Très jolie histoire. J'aime vraiment beaucoup la fin.
Pleine de poésie, de rêve.
Captain, qui a tourné à gauche elle-aussi.
Encore un petit Peter Pan. Gaspard est touchant.
Très jolie histoire. J'aime vraiment beaucoup la fin.
Pleine de poésie, de rêve.
Captain, qui a tourné à gauche elle-aussi.
Captain-Satine- MacadAdo
- Messages : 59
Date d'inscription : 05/05/2011
Age : 32
Localisation : Premier nuage, à gauche.
Re: Gaspard et le loup rose.
Très belle histoire pleine d'une poésie affichée et d'une morale à méditer.
Encore.
Nilo, bisseur.
Encore.
Nilo, bisseur.
_________________
... Tu lui diras que je m'en fiche. Que je m'en fiche. - Léo Ferré, "La vie d'artiste"
Re: Gaspard et le loup rose.
Je viens de lire ton histoire avec un sourire pour ( entre autre) l'histoire des bottes ( c'est une histoire personnelle que je ne vais pas étaler sous ton texte quand même)
La lecture est fluide et l'envie de connaitre le dénouement est tenace.
J'aime vraiment la façon douce que tu as d'écrire une histoire.
Je viens de passer un très bon moment.
Sylvie
La lecture est fluide et l'envie de connaitre le dénouement est tenace.
J'aime vraiment la façon douce que tu as d'écrire une histoire.
Je viens de passer un très bon moment.
Sylvie
Macadam :: MacadaTextes :: Nouvelles
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