Un froid de porcelaine

Un froid de porcelaine


Il était là, assis dans un buffet de gare.
La ville ce matin s'était vêtue de givre,
Le grand froid avait meurtri ses mains de gerçures,
La tasse de café fumait de la brûlure
D'un froid de porcelaine. Il feuilletait un livre,
Ecartant de la main la fumée d'un cigare.

Et puis l'heure est venue de monter dans le train.
Sur le quai, dans le froid, il portait sa valise.
Les gens le bousculaient avec bien peu d'égards,
Il ne les voyait pas, les yeux un peu hagards,
Traversant le couloir, cherchant sa place assise.
Puis ce fut le départ, bien seul, qu'il avait craint.

Le journal étalé déversait dans ses yeux
Tous les petits bonheurs, les grandes catastrophes
Que livrent chaque jour les restes de ce monde
Aux avides lecteurs de cette histoire immonde.
Mais lui ne lisait plus entre les apostrophes
Que des bribes, des blancs, à peine un mot sur deux.

Il n'a de souvenirs que les restes non dits
Que tissent doucement les absences lointaines,
Semblant n'être déjà, au bout de quelques heures,
Que des rappels lointains, comme parfums de fleurs
De ces quelques secondes aux longueurs de semaines
Ne laissant à son cœur que le temps du répit.

Il oubliera, bien sûr, les après, les encore
Bousculant son esprit de leur ton de reproche.
Et la sérénité retrouvera sa place
Lui faisant oublier ce triste face à face.
Il attendra toujours que le bonheur s'accroche
A lui comme un bateau vient s'amarrer au port.


Nilo.

Lu le texte entier et relu certains passages. Apprécié et appréciés.

De même, en entier. Fluidité et intéressant.
J'ai aimé surtout la première strophe qui fabrique vraiment une atmosphère.

Ce poème au fusain me touche particulièrement ... j'en ai connu des départs, des pays et des gares dans l'odeur des maussades cigares...

J'y ai vu l'espérance désabusée d'un homme perdu au milieu de la jungle urbaine. Ce voyageur solitaire qui continue sa route malgré la course irrépressible du temps qui passe. Cet individu seul face aux hommes et à son destin toujours en quête d'un bonheur possible. On se dit qu'il a peut-être réussi à apprivoiser la solitude et la liberté au gré de ses expériences mais on sent poindre la menace d'une chute et ce malgré la sérénité qui semble l'habiter...

Wow ! Nilo un atmosphère tellement réussi que j'ai dû relire pour m'apercevoir des rimes...lorsque ça coule comme le chant d'une source !

Bien loin d'être froid celui ci !
Une tendresse particulière pour cet amnésique volontaire en partance pour autre part.

Cet homme 'sur le départ' m'a touché aussi. J'aime avoir la surprise de te retrouver en alexandrins (même si j'ai un peu de mal avec les rimes lointaines), leur souffle danse bien sous ta plume.

Z.

Merci à tous.

Nilo, chaud au cœur.

Il n'a de souvenirs que les restes non dits...

Tu captes là une propriété essentielle du souvenir, sa "nonditude".

En lisant ton poème, j'ai pensé à une chanson :

"Un été de porcelaine de Mort Shuman"

Un effet secondaire du titre sans doute...
Mais j'apprécie la référence.

Nilo, las majeur.

Juste un petit coucou en te rappelant la toile que tu m'as généreurement permise de mettre en avatar !

Chantal expansionniste ! hihi !

un poème magnifique sur un sujet très simple et très noir, d'une tristesse infinie ...enfin, c'est comme ça que je l'ai ressenti ... et toujours cette mélodie particulière qui fait que même si tu ne signais pas, on te reconnaîtrait ...
Yzaé, attention fragile !

Yzaé a écrit:même si tu ne signais pas, on te reconnaîtrait ...
Yzaé, attention fragile !

Merci Yzaé.
Il faut quand même se méfier des contrefaçons. La tentation est grande.

Nilo, agent des douanes.

J'ai fait le vœu de mettre mon aumône dans la sébile de tous les mendiants que je trouverai sous toutes les portes cochères qui mènent au Petit Etablissement de Crédit que je viens d'ouvrir au profit de ceux qu'en ont pas besoin. En particulier à la Cinquième liste que j'vous ai filée.
Juste histoire de pas avoir bossé pour rien à les chercher pasque si j'compte que sur vous j'crains qu'y en ait qu'entendent pas le son de votre obole tombant dans leur coupelle.
Charité bien ordonnée...

Dédé.

Un texte qui me parle beaucoup, et que je n’avais pas commenté.

Dam, porcelaine blanche.