J'imaginais des feux

J'imaginais des feux


J'imaginais des feux
Et des pompiers frivoles,
Et le vent qui venait
Sous les jupes des filles
Allumer des désirs
Au coin de mon regard
Et attiser les braises
Aux cernes de mes yeux.

Les terrasses fumaient
Les cigarettes bleues
Aux volutes nomades
Des belles étrangères
Que le matin jetait
Sur les grands boulevards
A l'heure où je faisais
Les comptes de mes nuits.

Je brûlais les deux bouts
De la mèche du temps
Feu-follettant la vie
Qui passait au comptoir
Où venaient se poser
Des restes de nuits blanches
Sur les bras de la croix
D'un Simon de Cyrène.

J'imaginais des feux
Allumeur clandestin
D'aurores boréales
Dans les matins glacés
De mes chants magnétiques
Et je me suis brûlé
Au clin d'œil enflammé
D'un regard sirénien.


Nilo.

Un poème cinématographique ! Chaque strophe est une scène où s'activent des ambiances, des décors et des personnages...et l'on y plonge tout entier :

Les terrasses fumaient
Les cigarettes bleues
Aux volutes nomades
Des belles étrangères
Que le matin jetait
Sur les grands boulevards
A l'heure où je faisais
Les comptes de mes nuits.

Cette séquence par exemple où tu sembles rentrer chez toi après plusieurs nuits blanches euphoriques alors que d'autres sont déjà à leurs affaires et commencent à grouiller de partout aux premières heures du jour....On te voit les contempler, les scruter, les décortiquer passionnément mais il y a autre chose...oui, on croirait presque que tu diriges tel un metteur en scène ou un chef d'orchestre tout ce petit monde et qu'à partir de là tu dresses un constat, un bilan, une synthèse de ton existence mêlée à toutes ces autres vies.

J'aime cette idée, cette projection et donc j'aime ce poème court-métrage en technicolor qui alterne couleurs froides / couleurs chaudes.

Ce passage :


Je brûlais les deux bouts
De la mèche du temps
Feu-follettant la vie
Qui passait au comptoir
Où venaient se poser
Des restes de nuits blanches
Sur les bras de la croix
D'un Simon de Cyrène.

Je le trouve très parlant et des images sont venues s'installer comme un tableau
Les nuits blanches qui peuvent user la vie plus vite et le temps qui avance et qui
nous entraine avec lui.
Il est vrai aussi que quelque part nous allons tous vers cette "croix" qui sera le point final et le temps en est le seul juge.

Un air de tristesse habite ton poème mais il est si bien construit que la mélodie remporte sur les regrets ( si je puis dire car c'est + que des regrets).

Merci à vous deux d'être venus souffler sur ces braises.

Nilo, clin d’œil.

Ha celui-là je l’aime!

Je le trouve ‘Gainsbourien’.
Un très bon Nilo.

Nilo, je me suis surpris à le relire assemblé comme en prose, ça vaut le coup d'essayer..

Oui, j'aime beaucoup. Je ne vais pas être très original mais je suis assez d'accord avec le commentaire de Loic.

Une ambiance où le sentiment d'amour se partage la vie avec un autre..."désabusé".
Une construction impeccable qui porte bien l'ensemble.

Ne sommes-nous pas tous de ces pompiers frivoles, tâchant d'être un peu pyromanes, sans trop être incendiaires ?

Je n'ai pas forcément trouvé de nouveauté. Mais les octosyllabes chantent, les ambiances s'installent, les images surgissent... donc un beau texte.

Z.

Io Kanaan a écrit:Ne sommes-nous pas tous de ces pompiers frivoles, tâchant d'être un peu pyromanes, sans trop être incendiaires ?

Je crains que non.
Et c'est dommage parce que le sérieux des gens qui se prennent au sérieux est comme un feu qui couve dans la tourbe où s'épuisent les flammes de la folie.

Nilo, enfer et contre tout.

Le sérieux c'est comme un vernis sur du bois, ça ne fait pas tenir la structure.

..Message co-signé.