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Egolf (poèmenprose).
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Macadam :: MacadaTextes :: Vide-Poche
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Egolf (poèmenprose).
Egolf en était venu à considérer la mort comme un détail, c’est-à-dire : le moignon avait guéri. Il ne grattait plus son membre fantôme. Restait ce corps, bien là, lourd, difforme et gourd ; automate bradé-rompu. Il faut nourrir la chair quand même, disait la voix. Nourris-la, le sang qui la traverse, les muscles, les os qui la composent. Donne-leur le lait, l’art : le fouet des âmes mortes ! Elle se sentira vivre encore. Alors, il n’était plus inconsolable : appelant une aide. Inconsolé, il n’en appelait plus. Il laissait la poésie, comme un fardeau d’immensité, parcourir ce qui lui restait de vivant. La solitude se peuple d’imaginaire.
Il écrivait des chansons.
‘l’œuvre – la brute, la sueur… et le mythe ? la postérité signifie : un gommage suffisant de l’œuvre par le mythe pour rendre en l’universabêtissant le créateur et son univers ‘définissables’. seuls les contemporains savent. les retardataires, même d’une décennie, n’exploitent qu’un miracle prédigéré.’
Vingt ans sonnaient hier. Il avait fallu fuir suffisamment loin ; prendre la surface pour des fonds. Plus d’apnées en bannière. Il avait quelque chose du ver sur la glace, à se tortiller le cul sur place : qu’un vautour dans un lavabo n’en aurait pas voulu. Jésus, l’alcool ; restait la fumée familière. Vingt ans à chercher le renard : parler sa langue, celle des pianos. Le blues n’est pas nécessairement dans les rocheuses. Les cigarettes, comme les morts, ont toutes la même peau ; brûlure familière du soir, corrida bleue aux narines. Rachmaninov articule exactement comme moi.
Il fallait de nouvelles tournures : hérésie symphonique ; c’est-à-dire la ritournelle de mirages, tantôt volants tantôt crashés, orgasme sempiternel de sanglots. Comment c’est qu’y disent ! La voix n’est pas différente, le patois et le lyrisme, la note est grave, ronde comme une larme ; la note est fine : aigüe ; nasille – on lui racontait la construction des phrases. Les pianos sont comme les phrases, à prendre en main bonhomme, comme une bouteille de rouge. Il faut des mains de travailleur ; il faut le satin, et la corne. C’est qu’il prêche.
‘l’œuvre – la postérité… l’éternel, et l’ersatz. les rêves n’ont qu’une seule vie, aussi courte que celle de l’homme qu’ils portent et qui les porte’.
[..]
Il s’était promis : un paquet par page. Ca fera du troix-cent-seize, et ça colmate les brèches. On n’oubliera pas la cigarette de secours, dans l’étui en argent – tu me l’avais bien offert, en prévision d’une bohème qui ne vient pas ; habitée seulement d’un oiseau, et d’un champignon de fortune. Tout est vrai ; il suffirait d’y plonger suffisamment le crâne. Le stylo est le coton-tige de l’âme.
La première page se déroulait tout en crocs ; il s’agissait d’aligner la seconde rangée, le requin percé lâche encore, sur le flanc, un râle – la nicotine s’élève sur la mer. Serait-il possible d’y installer la brume, l’instantané la fusée le spleen vague, comme tu voudras ; joindre les os, d’un seul et immatériel martelage, d’un roman absent de socle ? Il se voudrait équilibriste – l’horizon à la verticale ! Colonnes du middle-day, midi dans les abysses ! Structure stratégique morveuse, imaginaire absolument réalisable ; au ciel, des sables mouvants de solitude.
Il apprenait les premières rides, qui ne se voient pas encore. La véritable fatigue d’être, avec le corps canardé d’un navire à l’autre : histoires d’amour à boulets rouges, prémices d’une infinie mélancolie quant à la peau, pleine de stries comme des empreintes de grolles. Il voyait la possibilité de paysages coupés en deux, la colonisation des gratte-ciels, et de l’autre tranché comme aux rasoirs de ces barbiers illustres, la gorge sans fond des cascades. Ma petite lumière de l’Ouest : par le détour tirés au traîneau de mes rêves, la première neige craque là-bas, les os des combattants malades, soldats du soleil déformés par l’arthrose. La cabane, le trente-troisième opus, les loups : où la forêt s’invente.
Il savait que le désir était d’être ailleurs ; ils sont ici, et là-bas pour tous. Merveille tragédie des assiégés. Il trouvait, au bitume des places, des vestiges de montagnes : mon tout petit enfant, c’est ton palais. Chimborazo en salopette. Tyran, d’autres déserts du Thar il fallait conquérir les plaines qui se désolent ; l’arbuste seul aux avant-postes, les puits connus seuls des berbères ; ailleurs se dessinaient, aux dernière mèches du scalp du monde, les tentacules gelées d’une fuite. L’Alaska ! Ou bien – les vapeurs chaudes, les bagues de lacs aux doigts ocres-verts – l’Afrique ! peut-être, après les loups, les phoques postés aux trous d’eau des banquises, comme des cigares flasques.
Il écrivait des chansons.
‘dans l’histoire… les nuits sont plus courtes. il est su que c’est au dernier point de tension des câbles, l’adieu au fémur, la difformité du membre qui en résulte, que se situe quelque chose de ‘nu’. la première banquise ; le rêve, c’est-à-dire ce qui, n’ayant plus de relief, laisse en lui souffler des vents plus forts qu’ailleurs.
le pont, le câble : et puis l’envol.’
Z.
Tu sens le sexe, la myrtille
Le chocolat et la vanille
Le chocolat et la vanille
Il écrivait des chansons.
‘l’œuvre – la brute, la sueur… et le mythe ? la postérité signifie : un gommage suffisant de l’œuvre par le mythe pour rendre en l’universabêtissant le créateur et son univers ‘définissables’. seuls les contemporains savent. les retardataires, même d’une décennie, n’exploitent qu’un miracle prédigéré.’
Vingt ans sonnaient hier. Il avait fallu fuir suffisamment loin ; prendre la surface pour des fonds. Plus d’apnées en bannière. Il avait quelque chose du ver sur la glace, à se tortiller le cul sur place : qu’un vautour dans un lavabo n’en aurait pas voulu. Jésus, l’alcool ; restait la fumée familière. Vingt ans à chercher le renard : parler sa langue, celle des pianos. Le blues n’est pas nécessairement dans les rocheuses. Les cigarettes, comme les morts, ont toutes la même peau ; brûlure familière du soir, corrida bleue aux narines. Rachmaninov articule exactement comme moi.
Il fallait de nouvelles tournures : hérésie symphonique ; c’est-à-dire la ritournelle de mirages, tantôt volants tantôt crashés, orgasme sempiternel de sanglots. Comment c’est qu’y disent ! La voix n’est pas différente, le patois et le lyrisme, la note est grave, ronde comme une larme ; la note est fine : aigüe ; nasille – on lui racontait la construction des phrases. Les pianos sont comme les phrases, à prendre en main bonhomme, comme une bouteille de rouge. Il faut des mains de travailleur ; il faut le satin, et la corne. C’est qu’il prêche.
‘l’œuvre – la postérité… l’éternel, et l’ersatz. les rêves n’ont qu’une seule vie, aussi courte que celle de l’homme qu’ils portent et qui les porte’.
[..]
Il s’était promis : un paquet par page. Ca fera du troix-cent-seize, et ça colmate les brèches. On n’oubliera pas la cigarette de secours, dans l’étui en argent – tu me l’avais bien offert, en prévision d’une bohème qui ne vient pas ; habitée seulement d’un oiseau, et d’un champignon de fortune. Tout est vrai ; il suffirait d’y plonger suffisamment le crâne. Le stylo est le coton-tige de l’âme.
La première page se déroulait tout en crocs ; il s’agissait d’aligner la seconde rangée, le requin percé lâche encore, sur le flanc, un râle – la nicotine s’élève sur la mer. Serait-il possible d’y installer la brume, l’instantané la fusée le spleen vague, comme tu voudras ; joindre les os, d’un seul et immatériel martelage, d’un roman absent de socle ? Il se voudrait équilibriste – l’horizon à la verticale ! Colonnes du middle-day, midi dans les abysses ! Structure stratégique morveuse, imaginaire absolument réalisable ; au ciel, des sables mouvants de solitude.
Il apprenait les premières rides, qui ne se voient pas encore. La véritable fatigue d’être, avec le corps canardé d’un navire à l’autre : histoires d’amour à boulets rouges, prémices d’une infinie mélancolie quant à la peau, pleine de stries comme des empreintes de grolles. Il voyait la possibilité de paysages coupés en deux, la colonisation des gratte-ciels, et de l’autre tranché comme aux rasoirs de ces barbiers illustres, la gorge sans fond des cascades. Ma petite lumière de l’Ouest : par le détour tirés au traîneau de mes rêves, la première neige craque là-bas, les os des combattants malades, soldats du soleil déformés par l’arthrose. La cabane, le trente-troisième opus, les loups : où la forêt s’invente.
Il savait que le désir était d’être ailleurs ; ils sont ici, et là-bas pour tous. Merveille tragédie des assiégés. Il trouvait, au bitume des places, des vestiges de montagnes : mon tout petit enfant, c’est ton palais. Chimborazo en salopette. Tyran, d’autres déserts du Thar il fallait conquérir les plaines qui se désolent ; l’arbuste seul aux avant-postes, les puits connus seuls des berbères ; ailleurs se dessinaient, aux dernière mèches du scalp du monde, les tentacules gelées d’une fuite. L’Alaska ! Ou bien – les vapeurs chaudes, les bagues de lacs aux doigts ocres-verts – l’Afrique ! peut-être, après les loups, les phoques postés aux trous d’eau des banquises, comme des cigares flasques.
On a cassé des œufs australs
Mangé des omelettes d’aurores
Boréales
Mangé des omelettes d’aurores
Boréales
Il écrivait des chansons.
‘dans l’histoire… les nuits sont plus courtes. il est su que c’est au dernier point de tension des câbles, l’adieu au fémur, la difformité du membre qui en résulte, que se situe quelque chose de ‘nu’. la première banquise ; le rêve, c’est-à-dire ce qui, n’ayant plus de relief, laisse en lui souffler des vents plus forts qu’ailleurs.
le pont, le câble : et puis l’envol.’
Z.
Zlatko- MacadAccro
- Messages : 1621
Date d'inscription : 30/08/2009
Age : 33
Localisation : Centre
Re: Egolf (poèmenprose).
Magnifique texte, d'une magistrale aisance - tout comme j’aime.
Dam, rio bravo !
Dam, rio bravo !
Re: Egolf (poèmenprose).
Je voudrais que tu saches que j'ai lu ton texte mais mes connaissances étant limitées ( je dois le reconnaitre) je ne sais que dire d'autre que : " j'aime toujours autant tes images qui sont uniques et représentatives des instants décrits"
Re: Egolf (poèmenprose).
Oui, encore un beau texte de Z. Au sens esthétique du beau.
Nilo, docteur ès thète(s).
Nilo, docteur ès thète(s).
_________________
... Tu lui diras que je m'en fiche. Que je m'en fiche. - Léo Ferré, "La vie d'artiste"
Re: Egolf (poèmenprose).
J'étais déjà passé pour en dire du bien.
C'était avant que le bug du 20 août 2011 vienne poser une bombe à anticipation sur le Macadam.
Je reviens, pour le redire, plus simplement.
Nilo, bis repetita.
C'était avant que le bug du 20 août 2011 vienne poser une bombe à anticipation sur le Macadam.
Je reviens, pour le redire, plus simplement.
Nilo, bis repetita.
_________________
... Tu lui diras que je m'en fiche. Que je m'en fiche. - Léo Ferré, "La vie d'artiste"
Macadam :: MacadaTextes :: Vide-Poche
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