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Le dos
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Macadam :: MacadaTextes :: Textes courts
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Le dos
Le dos.
Je lui montrais ça en disant - racontant plutôt : « Tu vois, avant, il y a vingt ans, j’avais déjà ces tableaux devant moi et je crevais de faim et de solitude. Aujourd’hui, avec ces mêmes tableaux, je pourrais me payer une Porshe Carrera et un château les pieds dans l’eau ; où je veux et ce que je veux. Je les ai gardés comme preuve.
- C’est le jeu. C’est pour ça que vous êtes une classe à part : différents.
- Peut-être, dis-je, enjoué. Mais à l’époque, j’étais pas différent d’un clodo avec une gueule d’assassin !
- Dieu soit loué, tu n’avais que l’apparence.
- Oui... oui. »
Elle ne regardait pas plus les tableaux que moi ; avec intensité elle regardait ailleurs ; essayait-elle de déceler quelque chose ? la clef d’un mystère...
- Non, dis-je, sérieusement : c’est pas moi que tu dois regarder mais le tableau. Moi, je ne porte rien que des cicatrices, comme des blessures de guerre, visibles et indélébiles. Je suis neutre moi. Si tu veux comprendre quelque chose de moi, c’est là, devant, que tu le trouveras. Voilà la seule certitude que j’ai après tant d’années - les tableaux parlent et moi j’interprète.
- Mais tu vis ! s’exclame-t-elle.
- Ah ! ça va. C’est jamais bon de se retourner, le passé est plus glorieux que le présent, parfois.
Elle baissa les yeux, déçue - “C’est gentil pour moi”. Mais c’était pas le sujet.
« Tu vois, dis-je pour me rattraper, avant, je t’aurais considéré toi, rien que toi, seulement toi, mais tu n’étais pas là, présente. Je suis bien obligé d’avoir un peu de rancoeur. Il faut dire qu’avec l’allure que j’avais, tu ne serais pas restée longtemps ! tu aurais fui dans une rafale de mistral.
Elle leva des yeux ronds, interrogatifs et horrifiés.
« Pour te rassurer, je ne buvais pas. J’en avais assez de boire la tasse et j’avais mon compte ; le sel dégoûte de l’alcool. Il dégoûte de tout... ce sel-là, il ne donne pas soif ! Il donne envie de mordre plutôt. Quand la nuit tombait, je rentrais sur les rotules pour m’étendre à la chandelle près d’un feu éteint (je n’avais plus la force de le ranimer). Et je m’endormais. Je rêvais de la vie, de choses meilleures et défendues. D’aucuns les vivent, ces choses, moi je les rêvais. Au réveil, entre deux battement de cils, je brandissais une toile vierge pour réaliser mon rêve. C’était le début d’une aventure... mais dans le monde des humains, elle n’avait pas de suite. Parce que tu n’étais pas là. Je ne buvais pas, donc, mais j’avais toujours soif d’autre chose. J’avais seulement des cauchemars de meurtrier armé de hache et barbu ; c’est quand la lourde lame d’acier s’abattait dans le dos... que je me réveillais. C’était mon dos ; j’étais aussi l’assassin. J’étais le dos de l’assassin. L’ombre de moi-même. Ce tableau, cette lumière…
- Belle image, belle image. »
Mais c’était pas une image, loin s’en faut. Seul, je pouvais le savoir avec certitude. Toujours seul. Toujours.
Le tableau me rassurait.
Dam.
Je lui montrais ça en disant - racontant plutôt : « Tu vois, avant, il y a vingt ans, j’avais déjà ces tableaux devant moi et je crevais de faim et de solitude. Aujourd’hui, avec ces mêmes tableaux, je pourrais me payer une Porshe Carrera et un château les pieds dans l’eau ; où je veux et ce que je veux. Je les ai gardés comme preuve.
- C’est le jeu. C’est pour ça que vous êtes une classe à part : différents.
- Peut-être, dis-je, enjoué. Mais à l’époque, j’étais pas différent d’un clodo avec une gueule d’assassin !
- Dieu soit loué, tu n’avais que l’apparence.
- Oui... oui. »
Elle ne regardait pas plus les tableaux que moi ; avec intensité elle regardait ailleurs ; essayait-elle de déceler quelque chose ? la clef d’un mystère...
- Non, dis-je, sérieusement : c’est pas moi que tu dois regarder mais le tableau. Moi, je ne porte rien que des cicatrices, comme des blessures de guerre, visibles et indélébiles. Je suis neutre moi. Si tu veux comprendre quelque chose de moi, c’est là, devant, que tu le trouveras. Voilà la seule certitude que j’ai après tant d’années - les tableaux parlent et moi j’interprète.
- Mais tu vis ! s’exclame-t-elle.
- Ah ! ça va. C’est jamais bon de se retourner, le passé est plus glorieux que le présent, parfois.
Elle baissa les yeux, déçue - “C’est gentil pour moi”. Mais c’était pas le sujet.
« Tu vois, dis-je pour me rattraper, avant, je t’aurais considéré toi, rien que toi, seulement toi, mais tu n’étais pas là, présente. Je suis bien obligé d’avoir un peu de rancoeur. Il faut dire qu’avec l’allure que j’avais, tu ne serais pas restée longtemps ! tu aurais fui dans une rafale de mistral.
Elle leva des yeux ronds, interrogatifs et horrifiés.
« Pour te rassurer, je ne buvais pas. J’en avais assez de boire la tasse et j’avais mon compte ; le sel dégoûte de l’alcool. Il dégoûte de tout... ce sel-là, il ne donne pas soif ! Il donne envie de mordre plutôt. Quand la nuit tombait, je rentrais sur les rotules pour m’étendre à la chandelle près d’un feu éteint (je n’avais plus la force de le ranimer). Et je m’endormais. Je rêvais de la vie, de choses meilleures et défendues. D’aucuns les vivent, ces choses, moi je les rêvais. Au réveil, entre deux battement de cils, je brandissais une toile vierge pour réaliser mon rêve. C’était le début d’une aventure... mais dans le monde des humains, elle n’avait pas de suite. Parce que tu n’étais pas là. Je ne buvais pas, donc, mais j’avais toujours soif d’autre chose. J’avais seulement des cauchemars de meurtrier armé de hache et barbu ; c’est quand la lourde lame d’acier s’abattait dans le dos... que je me réveillais. C’était mon dos ; j’étais aussi l’assassin. J’étais le dos de l’assassin. L’ombre de moi-même. Ce tableau, cette lumière…
- Belle image, belle image. »
Mais c’était pas une image, loin s’en faut. Seul, je pouvais le savoir avec certitude. Toujours seul. Toujours.
Le tableau me rassurait.
Dam.
Re: Le dos
Whaou ! Quelle baffe !
Nilo, attend la suite pour tendre l'autre joue.
Nilo, attend la suite pour tendre l'autre joue.
_________________
... Tu lui diras que je m'en fiche. Que je m'en fiche. - Léo Ferré, "La vie d'artiste"
Re: Le dos
J'approuve Nilo. Un grand coup. Et en effet : "belle image".
Otter- MacaDeb
- Messages : 7
Date d'inscription : 17/09/2011
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