Les mouches

Les mouches

Le décor était planté, mais je m’étais planté de jour, pour écrire. La pluie était tombée drue au petit matin et je m’étais levé pour fermer la vitre de la chambre atelier, ce qui, je savais, n’empêcherait pas mes petits de pleurer une éternelle et solide solitude. Réclusion. Ma visite impromptue ne les a même pas réveillé ! Ils pleurent dans leur sommeil en silence. Je m’étais recouché et rendormi pour oublier mes fautes.
Dehors, sur les tables à manger, d’apéritif, et sur la table carrée bleue encombrée des bois de teck pour les cadres, gisaient des canettes vides de bière ; une mouche dans chacune, noire et rouge, piégée... Agacé par ce bourdonnement heurté et métallique, je me levai avec la bouteille d’Évian pour la remplir au Cygne - la fontaine blanche sous le figuier -, pour en finir. Les mouches n’avaient plus pieds depuis longtemps, je les remplis pour leur mouiller les ailes. Avec l’averse matinale, les insectes avaient vu leur gîte se remplir comme la vallée du Malpassé, lors du glissement du barrage sur le micas : trois mille deux cent morts. Je n’avais aucune pitié pour ces trois quat’ mouches à bière ! Je les remplis donc pour qu’elles n’aient plus pied. Les mouches se battaient encore bien dans un liquide saumâtre qui aurait bientôt raison d’elles ; le bruit n’était pas plus plaisant, mêlant le métallique à un cri d’ailes aiguë, éperdu, mouillé, froissé, l’expression parfaite d’un destin bullé. Mais le bourdonnement hystérique et frénétique a vite cessé, le bourdon aussi. La pluie s’était remise à tomber, comme pour finir le travail. Tout empreint d’une énergie nouvelle face à ce spectacle de désolation victorieuse, je décidai d’attaquer mon premier cadre. Je bus mon café d’un trait pour me mettre à l’ouvrage.

<< Putain elle est où cette colle ? C’est la colle ! >>


Dam.

La pluie s’était remise à tomber, comme pour finir le travail. Tout empreint d’une énergie nouvelle face à ce spectacle de désolation victorieuse, je décidai d’attaquer mon premier cadre. Je bus mon café d’un trait pour me mettre à l’ouvrage.
Tout est dit.

Nilo, putain !

Ca t'es déjà arrivé de peindre et qu'une mouche se colle sur ta peinture?

J'adore la chute !! et l'ensemble de cette histoire que j'ai bien imagée.

Non Sylvie ! le silence est d’or à l’atelier ; faut croire que l’huile de lin, la térébenthine et la nocivité des diluants et médiums à peindre, éloignent les insectes volants et rampants, sans parler des couches d'apprêt de colle et d’enduit (qui pue) et l'additif nocif au plomb..
Elles se rabattent sur les cadres, donc, dehors.

Dam.