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Skog et la Grosse Verte.
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franskey
Zlatko
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Macadam :: MacadaTextes :: Nouvelles
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Skog et la Grosse Verte.
On était en Juin, le soir était ivre mort. Il s’écroula sur le comptoir du bar de Skog, un chien errant avec une bonne gueule, qui nettoya les restes de lumière d’un coup de chiffon. Le bar de Skog se trouvait en plein terrain vague dans une ville nouvelle. Elle existait sur les cartes des hommes, c’était un petit point gris quelque part en Islande. En attendant qu’elle ait un nom, on l’appelait comme on voulait.
Skog était très fatigué. Il aimait l’eau, comme tous les terre-neuve, et dans ce coin elle se faisait rare. Il rêvait, au milieu de ses liqueurs de croquettes, d’un plongeon dans une mer quelconque, froide et rose. Ce bar, c’est pas la meilleure affaire que j’ai faite, pensait Skog. Avec tous les types bizarres qui traînent, l’ambiance est crade. La prochaine fois, je m’installe près d’un port.
Quand même, il voyait parfois de jolies choses. En nettoyant deux trois boîtes de conserve il songeait à cet après-midi où Flokati, un hérisson du Pneu Crevé, lui avait rendu sa visite rituelle. Au bar il frémissait de tous ses piquants. Dit voir, Skog, j’ai rencontré une fillette, de celles que tu te demandes ce qu’elle fout dans ta piaule et pas dans celle des rois. Elle s’appelle Aspelund. Skog rigolait. Ca fait longtemps qu’il n’avait pas vu de femelle à son goût. Il aurait bien aimé, avant de traîner des pattes arrières.
Flokati était reparti en soulevant de petits nuages de terre. Skog, pour l’emmerder, poussait régulièrement des aboiements à décorner les chèvres : le hérisson, pas courageux pour trois frites, se roulait en boule chaque fois. Paresseux comme il était, il en profitait pour piquer un ronfle et ne rentrait que très tard au Pneu Crevé. Aspelund l’attendait sûrement, pensait Skog, pour lui foutre des beignes vu l’heure. Ou peut-être que c’était une arrangeante.
Un autre après-midi, il avait reçu la visite de la Fouine de l’Enjoliveur et de sa grande copine, la Couleuvre de la Charentaise. Le bar de Skog était le rendez-vous fétiche de leurs discussions philosophiques, politiques, et des trucs iquement proches. Toujours, elles arrivaient à vingt-trois heures, peu avant la fermeture. La Couleuvre s’enroulait autour d’un tabouret, la Fouine restait debout, à promener sporadiquement ses yeux mauves.
Skog écoutait la Couleuvre, une foutue intellectuelle, tomber parfois d’accord et parfois pas, avec une mauvaise foi toujours remarquable, avec sa copine à fourrure. L’autre, une sacrée dépressive, répétait souvent qu’elle était désillusionnée. J’ai vu des bouts de choux contents, disait-elle, et des vieilles Fouines aussi parfois. Jamais des de mon âge. La Couleuvre écoutait avec désintérêt cet animal disgracieux qui, au vu de sa morphologie, devait avoir un lien héréditaire avec ces tueuses de marmottes. Skog rigolait.
Le soir avait de petits ronflements. Le terre-neuve, fatigué, acheva d’essuyer le dernier verre, siffla un peu de Croquette Rouge à la bouteille, et ferma boutique. Quand les lampions du bar de Skog n’éclairaient plus le terrain vague, c’était la nuit tout à fait. Mais ce soir, il voyait une petite lueur du côté du Pneu Crevé. Fourbu, il s’alluma une clope et traîna ses quatre pattes jusqu’à la maison de Flokati et d’Aspelund. Les deux hérissons firent signe de faire silence : ils étaient collés à un vieux tuyau qui les reliait à la fenêtre d’un grand immeuble pourri. Intrigué, Skog s’allongea pour écouter.
On entendait les roulements d’une voix d’oiseau. Skog n’avait pas visité ce coin de la nouvelle ville, mais il avait entendu parler de la Cigogne du deuxième étage. Elle avait roulé sa bosse et porté des trucs illicites à plein de monde.
Alors, disait la voix, trois cigognes aventurières décidèrent de partir pour la Grosse Jaune. C’est quoi, c’est quoi, disaient des petits. C’est la planète originale des cigognes, répondait la grosse voix. Personne n’y va plus parce qu’en principe, c’est bien trop haut. Seulement, il suffit d’être un vieux routard du ciel, mes enfants. Il faut prendre les bons courants, à la bonne altitude, et surtout ne jamais redescendre. On dit qu’à la Grosse Jaune, les vieilles Cigognes comme moi peuvent à leur gré, contre une plume seulement, rajeunir à l’état de petits. D’ici qu’on ait grandi à nouveau, la plume a repoussé. C’est comme ça, sur cette planète : les cigognes sont éternelles.
Skog s’alluma une autre clope, en se grillant les babines. Bordel, il sait raconter, ce type, pensait-il. D’autant que ce bourzingue Jaune dont il parle, mon vieux Terre-neuve de Bretagne m’en parlait d’un Vert, qu’il aurait aperçu pendant son utilisation comme chien de l’espace. Mais nom de dieu, les oiseaux volent, pas les chiens. Comment j’irais moi ? Histoire de n’avoir jamais les pattes arrières qui vrillent.
Les voix s’étaient tues. Skog tourna les yeux vers les deux hérissons qui dormaient déjà, comme deux chiots, pelotonnés l’un contre l’autre. C’est pas possible, comment ils font ça. Rien que d’avoir entendu ce type et sa voix souterraine, je ne vais pas en dormir de la nuit. Il faut que je trouve la Grosse Verte. Skog dodelina jusqu’à son abri, le Triangle de Planches, toussa deux ou trois fois et s’endormit.
Le lendemain matin, pendant qu’il pressait quelques croquettes, il entendit la Souris du Sac Poubelle parler de la disparition d’une vieille Cigogne. Nom de dieu, rigolait-il, le vieux n’a pas perdu de temps. Il imaginait la grande chose blanche glisser, ailes frémissantes, dans les vents chauds du ciel. Ce soir, promit-il, je dis au revoir aux amoureux, à la grande cervelle froide et à la dépressive à fourrure. A moi la Grosse Verte et la vie de pacha.
Ceux qui lisent d’obscurs journaux à scandale auront sûrement entendu parler du chien volant d’Islande.
Z 10 10 2011
Skog était très fatigué. Il aimait l’eau, comme tous les terre-neuve, et dans ce coin elle se faisait rare. Il rêvait, au milieu de ses liqueurs de croquettes, d’un plongeon dans une mer quelconque, froide et rose. Ce bar, c’est pas la meilleure affaire que j’ai faite, pensait Skog. Avec tous les types bizarres qui traînent, l’ambiance est crade. La prochaine fois, je m’installe près d’un port.
Quand même, il voyait parfois de jolies choses. En nettoyant deux trois boîtes de conserve il songeait à cet après-midi où Flokati, un hérisson du Pneu Crevé, lui avait rendu sa visite rituelle. Au bar il frémissait de tous ses piquants. Dit voir, Skog, j’ai rencontré une fillette, de celles que tu te demandes ce qu’elle fout dans ta piaule et pas dans celle des rois. Elle s’appelle Aspelund. Skog rigolait. Ca fait longtemps qu’il n’avait pas vu de femelle à son goût. Il aurait bien aimé, avant de traîner des pattes arrières.
Flokati était reparti en soulevant de petits nuages de terre. Skog, pour l’emmerder, poussait régulièrement des aboiements à décorner les chèvres : le hérisson, pas courageux pour trois frites, se roulait en boule chaque fois. Paresseux comme il était, il en profitait pour piquer un ronfle et ne rentrait que très tard au Pneu Crevé. Aspelund l’attendait sûrement, pensait Skog, pour lui foutre des beignes vu l’heure. Ou peut-être que c’était une arrangeante.
Un autre après-midi, il avait reçu la visite de la Fouine de l’Enjoliveur et de sa grande copine, la Couleuvre de la Charentaise. Le bar de Skog était le rendez-vous fétiche de leurs discussions philosophiques, politiques, et des trucs iquement proches. Toujours, elles arrivaient à vingt-trois heures, peu avant la fermeture. La Couleuvre s’enroulait autour d’un tabouret, la Fouine restait debout, à promener sporadiquement ses yeux mauves.
Skog écoutait la Couleuvre, une foutue intellectuelle, tomber parfois d’accord et parfois pas, avec une mauvaise foi toujours remarquable, avec sa copine à fourrure. L’autre, une sacrée dépressive, répétait souvent qu’elle était désillusionnée. J’ai vu des bouts de choux contents, disait-elle, et des vieilles Fouines aussi parfois. Jamais des de mon âge. La Couleuvre écoutait avec désintérêt cet animal disgracieux qui, au vu de sa morphologie, devait avoir un lien héréditaire avec ces tueuses de marmottes. Skog rigolait.
Le soir avait de petits ronflements. Le terre-neuve, fatigué, acheva d’essuyer le dernier verre, siffla un peu de Croquette Rouge à la bouteille, et ferma boutique. Quand les lampions du bar de Skog n’éclairaient plus le terrain vague, c’était la nuit tout à fait. Mais ce soir, il voyait une petite lueur du côté du Pneu Crevé. Fourbu, il s’alluma une clope et traîna ses quatre pattes jusqu’à la maison de Flokati et d’Aspelund. Les deux hérissons firent signe de faire silence : ils étaient collés à un vieux tuyau qui les reliait à la fenêtre d’un grand immeuble pourri. Intrigué, Skog s’allongea pour écouter.
On entendait les roulements d’une voix d’oiseau. Skog n’avait pas visité ce coin de la nouvelle ville, mais il avait entendu parler de la Cigogne du deuxième étage. Elle avait roulé sa bosse et porté des trucs illicites à plein de monde.
Alors, disait la voix, trois cigognes aventurières décidèrent de partir pour la Grosse Jaune. C’est quoi, c’est quoi, disaient des petits. C’est la planète originale des cigognes, répondait la grosse voix. Personne n’y va plus parce qu’en principe, c’est bien trop haut. Seulement, il suffit d’être un vieux routard du ciel, mes enfants. Il faut prendre les bons courants, à la bonne altitude, et surtout ne jamais redescendre. On dit qu’à la Grosse Jaune, les vieilles Cigognes comme moi peuvent à leur gré, contre une plume seulement, rajeunir à l’état de petits. D’ici qu’on ait grandi à nouveau, la plume a repoussé. C’est comme ça, sur cette planète : les cigognes sont éternelles.
Skog s’alluma une autre clope, en se grillant les babines. Bordel, il sait raconter, ce type, pensait-il. D’autant que ce bourzingue Jaune dont il parle, mon vieux Terre-neuve de Bretagne m’en parlait d’un Vert, qu’il aurait aperçu pendant son utilisation comme chien de l’espace. Mais nom de dieu, les oiseaux volent, pas les chiens. Comment j’irais moi ? Histoire de n’avoir jamais les pattes arrières qui vrillent.
Les voix s’étaient tues. Skog tourna les yeux vers les deux hérissons qui dormaient déjà, comme deux chiots, pelotonnés l’un contre l’autre. C’est pas possible, comment ils font ça. Rien que d’avoir entendu ce type et sa voix souterraine, je ne vais pas en dormir de la nuit. Il faut que je trouve la Grosse Verte. Skog dodelina jusqu’à son abri, le Triangle de Planches, toussa deux ou trois fois et s’endormit.
Le lendemain matin, pendant qu’il pressait quelques croquettes, il entendit la Souris du Sac Poubelle parler de la disparition d’une vieille Cigogne. Nom de dieu, rigolait-il, le vieux n’a pas perdu de temps. Il imaginait la grande chose blanche glisser, ailes frémissantes, dans les vents chauds du ciel. Ce soir, promit-il, je dis au revoir aux amoureux, à la grande cervelle froide et à la dépressive à fourrure. A moi la Grosse Verte et la vie de pacha.
Ceux qui lisent d’obscurs journaux à scandale auront sûrement entendu parler du chien volant d’Islande.
Z 10 10 2011
Zlatko- MacadAccro
- Messages : 1621
Date d'inscription : 30/08/2009
Age : 33
Localisation : Centre
Re: Skog et la Grosse Verte.
Si les journaux à scandales consacraient leurs colonnes à ces lascars à poils et à plumes que tu as si bien su croquer, sûr que je m'abonnerais illico ! en attendant, je leur donne rendez vous, façon B.D. , dans mes rêves.
(Mais quelle B.D pourrait faire justice à ce début
(Mais quelle B.D pourrait faire justice à ce début
le soir était ivre mort. Il s’écroula sur le comptoir du bar de Skog, un chien errant avec une bonne gueule, qui nettoya les restes de lumière d’un coup de chiffon.
franskey- MacadAccro
- Messages : 599
Date d'inscription : 23/03/2011
Re: Skog et la Grosse Verte.
Les animaux ont remplacé les hommes mais ils réfléchissent et agissent comme les hommes...sauf dans leur tête à eux où à mon avis ils ne se la prennent pas autant et à deux mains.
L'histoire pourrait être un conte mais si on y regarde bien, c'est le monde chaque jour avec les individus qui le peuple, trainant les solitudes, les recherches ou encore les déceptions?
Ou alors ça pourrait être : "j'ai une vie de chien" ce qui expliquerait bien des choses.
J'ai eu plaisir à te lire car ta particularité à interpréter les évènements me fascine.
L'histoire pourrait être un conte mais si on y regarde bien, c'est le monde chaque jour avec les individus qui le peuple, trainant les solitudes, les recherches ou encore les déceptions?
Ou alors ça pourrait être : "j'ai une vie de chien" ce qui expliquerait bien des choses.
J'ai eu plaisir à te lire car ta particularité à interpréter les évènements me fascine.
Re: Skog et la Grosse Verte.
Un univers loufoque dans lequel tout reste à reinventer.
_________________
LaLou
Re: Skog et la Grosse Verte.
J'ai bien aimé ce conte, même s'il m'a semblé un peu court. Mais pourquoi donc le situer en Islande où il y a fort peu de chance de trouver des villes nouvelles et des baraques en planches. Bon, mais ce que j'en dis...
Swann, Mýrdalsjökull
Swann, Mýrdalsjökull
Swann- MacadAccro
- Messages : 1023
Date d'inscription : 31/08/2009
Age : 72
Localisation : entre deux cafés
Re: Skog et la Grosse Verte.
Merci à tous (particulièrement franskey) d'être passés ! Je n'ai pour répondre aux 'incohérences' remarquées par Swann que ce vieux pneu qui sert à la fois d'abri à Flokati et me sert d'excuse depuis des années : licence poétique.
Z.
Z.
Zlatko- MacadAccro
- Messages : 1621
Date d'inscription : 30/08/2009
Age : 33
Localisation : Centre
Re: Skog et la Grosse Verte.
IUl était temps que je vienne lire ça avant que Skog disparaisse.
Et puis en vérité, cette entame
le soir était ivre mort. Il s’écroula sur le comptoir du bar de Skog, un chien errant avec une bonne gueule, qui nettoya les restes de lumière d’un coup de chiffon.
est d'une beauté à prendre un pari sur l'avenir.
Ca ressemble au clandé un matin de gueule de bois.
Nilo, c'est beau.
Et puis en vérité, cette entame
le soir était ivre mort. Il s’écroula sur le comptoir du bar de Skog, un chien errant avec une bonne gueule, qui nettoya les restes de lumière d’un coup de chiffon.
est d'une beauté à prendre un pari sur l'avenir.
Ca ressemble au clandé un matin de gueule de bois.
Nilo, c'est beau.
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... Tu lui diras que je m'en fiche. Que je m'en fiche. - Léo Ferré, "La vie d'artiste"
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