Ire de prince, et bon plaisir de roi

Violence du vent à travers ses paupières
Soulevant la vie au-delà de ses orbites
Souffle rance d’un rot qu’un fin suaire abrite
En journaux défraîchis et replis de misères.

Il n’est pas encor mort. Son corps et sa béquille
Fichés là sur le port, et que lèche une vague
Avenue bien mâtine ; le tabac de sa blague
Font un tas démâté, un bât d’âne guenille.

Il n’est pas très vivant. J’en veux ses membres roides
Pour preuve d’un novembre n’épargnant jamais
De sa hargne manœuvre pleurant jusque à mai
La veuve ni la cloche de la chambre froide.

Vienne l’heure et l’endroit où dormeur a le droit
De rêves et démences, foyers et pitance !

Que la grève endeuillée tienne au noyé bombance !

Mais c’est ire de prince, et bon plaisir de roi.

Joliment dit.
Un brin de révolte sur un ton paraissant léger à la lecture malgré la violence des mots.

Nilo, 60 jours avant l'hiver...

Tournures anciennes agréables à chanter en quenouillant ferme à l'ombre de " l'ire ".

"il n'est pas très vivant" : ces mots s'accrochent à moi et je les traine comme un fardeau. Je suis passé devant lui, toi à mon bras. On n'a rien dit, tout à notre concentration à être bien ensemble.
Quand tu m'as fait lire ce texte, j'ai pensé à lui, immédiatement, et tu m'as confié que tu l'avais écrit sur ce souvenir fugace.
Je crois que c'est bien dire toute la violence de cette image et toute ta sensibilité à la transcrire.
Un artiste ça sert à ça aussi.

okidor