dans le registre photo à histoire je l'aime bien celle là aussi, et puis j'aime bien raconter mes histoires

C'était il y a quoi ? deux semaines ? Je passai chez une copine avec qui je devais écrire une série de textes pour l'expo photo d'un pote quand elle me branche sur un plan taf pour lequel elle devait passer se faire briefer deux heures plus tard. Assez amusés à l'idée de travailler deux jours ensemble, nous appelons pour demander à ce qu'il y ait une embauche supplémentaire. Une petite heure plus tard nous y allons, petite équipe d'une dizaine de personnes, j'y retrouve une connaissance et deux copines par pur hasard, c'est tant mieux. Le responsable d'équipe semble être le genre de bonhomme rigolard tellement dépité de se retrouver a gérer une équipe de moufflets qu'il en adopte la stratégie du regard-froid-vanne-douteuse pour assoir son autorité.. forcement ça me fait marrer et nous commençons a nous envoyer des béquilles dans tous les sens, bref ça s’annonce drôle. Le bonhomme commence à nous prendre par groupe de deux pour nous emmener à nos postes, expliquer le travail ; ma pote et moi passeront en dernier, fallait pas la ramener ; nous sautillons sur place la clope aux lèvres, y commence à cailler sévère et en plus y flotte.
Viens notre tour, le bonhomme m’emmène tout droit vers le pire spot du centre ville, rue Alsace Lorraine, bon gros lieu de passage en pleins travaux.. mais pas genre le p'tit chantier de quartier, nan, là c'est réaménagement en vue de l'arrivée de l'éco-saint tramway, un bordel sonore des plus formidables.

- Donc, tu te postes là et tu comptes les passants, t'auras un compteur manuel t'appuies a chaque fois qu'un passant passe et tu relèves le nombre tous les quarts d'heure.
- Je compte tout ce qui passe ? scoots mouflets chaises roulantes ?
- Tout ce qui marche.
- Je compte les pieds alors..
- Si t'oublies pas de diviser par deux.
- Hmm.. j'imagine la galère avec les unijambistes
- Y'aura pas d'unijambistes.
- J'en aurai un.
- Grrr.
- Grrrr.

Nous retournons rejoindre le groupe, tout le monde se dit à demain et nous filons prendre l’apéro.
Lendemain matin, je vous passe les détails, je me retrouve non pas avec ma pote mais accompagné d'une super petite demoiselle qui tire la tronche, elle connait le taf et visiblement ça ne l'enchante pas. Nous commençons à nous diriger vers notre spot (qui n'a plus rien a voir avec celui de la veille, rue st Rome, petite rue commerçante pavée, des clodos, des vendeurs de rue, des démarcheurs pour ONG etc.. et cerise sur la gâteau c'était mon spot préféré quand je bossai comme démarcheur pour ONGs) On se met en route et je commence à la motiver :

- "mais naaan c'est pas un taf à la con.. tu vas voir on va s'éclater, la rue les gens tout est à nous on a le droit d'en faire ce qu'on veut, faut jouer avec c'est tout.."

Elle a pas l'air franchement convaincue mais ça l'amuse... ok j'ai dit que je passai les détails : nous passons une super matinée, nous faisons payer les chourros par un pote, les barres chocolatées par le zonard d'à côté, je recroise un nombre assez fou de connaissances, on fait groover les papys (ah oui j'ai pensé à prendre un gros casque fermé deejay-style histoire d'avoir de la musique si l'accordéoniste n'est pas là, ce qui est le cas étant que nous nous sommes éloignés du spot initial, du coup on fait tourner le son entre nous et passons la journée a danser sur place, bref c'est marrant, d’où le "faire groover les papys"), nous chambrons les emmerdeurs à grands renforts de vannes miteuses etc etc .

Et c'est dans ce contexte palpitant que le miracle se produisit : j'étais comme un gosse! et puis attention c'était de l'unijambiste de compet' ! Un vrai roumain mal rasé avec le bonnet de laine le pull de marin les béquilles en bois et qui passe en tapant la manche avec son p'tit godet ! J'ai sauté sur mon appareil pour immortaliser tout ça, le type m'a lancé son sempiternel regard "tas vraiment que ça a foutre ducon?" je me suis marré l'ai rattrapé et l'ai remercié en vidant mes fonds de poche dans son godet, pas de bol pour lui je suis tout aussi fauché, y'avai pas 20 cents.