J'écris...

J'écris...
parce que les mots des poètes disparus résonnent à ma mémoire vive,
parce que les voyelles de Rimbaud défilent sur la page,
parce que le spleen de Baudelaire vient se refléter dans les cœurs à la dérive sous le couvercle du ciel,
parce que Prévert chantait Barbara et Reverdy racontait le silence des pierres sous la lune,
j'écris parce que Hemingway se saoulait et se battait comme un voyou,
parce que Beckett a écrit un roman intraduisible,
parce que j'attends Godot,
parce que le poète Allen Ginsberg a hurlé pour les générations perdues, crucifiées à la croix des interdits douteux et des peurs colossales, sur le fil tendu des rêves impossibles,
j'écris parce que les mots sont une respiration, un souffle qui donne corps à la voix,
parce que les cris de ceux qui ont la bouche cousue de souffrance ne peuvent traverser le corps de l'indifférence,
j'écris parce que l'on a enfermé les écrivains et les poètes dissidents , rebelles, ou simplement différents, dans des asiles, dans des goulags, dans des geôles noires,
parce que l'Occident n'a jamais compris l'Orient,
parce qu'on a démembré torturé des cœurs et corps innocents,
j'écris parce que des enfants jamais ne pourront lire en toute liberté, ni manger à leur faim,
j'écris parce que les âmes errantes de Gogol et d'Anna Akhmatova n'ont pas trouvé la paix,
parce que les bombes pleuvent comme des larmes pas loin d'ici, hier et demain et que le monde regarde de l'autre côté,
j'écris parce qu'Antonin Artaud a parlé le théâtre de la cruauté et a abimé sa vie dans un asile,
parce qu'on a lobotomisé les cerveaux ardents,
parce qu'ailleurs les humains ont les yeux vides et le ventre creux,
parce que les camps de concentration ont brûlé des vies anonymes,
j'écris parce que la rage des mots est l'orage du monde,
parce que l'impuissance et la fatuité des grands se mesurent à l'insolente indifférence des masses,
j'écris parce que la nuit parfois prend le pas sur le jour,
parce que la pluie de cendres se répand sur nos têtes,
parce que douleur ne rime pas toujours avec malheur
mais ardeur rime avec cœur, …toujours,
j'écris parce que je ne sais pas chanter, je ne sais pas danser, mais les mots sont la danse et le chant de la terre,
j'écris parce que le cœur parfois déborde en vastes rivières et qu’ il faut bien qu'elles coulent vers la mer,
j'écris parce que mon père m'a souri dans son agonie en mon cœur,
parce que sa main dans la mienne, je ne lui apprendrais jamais à écrire des mots d’amour
j'écris parce que j'ai rencontré l'amour et parce que je l'ai perdu,
parce que les jeunes filles sont souvent en fleurs, mais que je n’ai jamais trop su les cueillir
j'écris parce que j'aime regarder le vol de la libellule au dessus du nénuphar,
parce que le sourire d'un enfant ramène les soleils disparus,
parce que j'aime sentir la main petite dans la mienne,
j'écris parce que Philippe mon frère d'âme est devenu shaman et a affronté la nuit les yeux ouverts, parce que Gilles mon autre frère d'âme a passé son cou dans une drôle de lavallière
et qu’il n'est jamais revenu de sa nuit,
j'écris parce que je ne suis pas zen, et cours toujours après les songes qui se dérobent,
parce que je ne sais pas tricoter des histoires,
parce que la lune aboie à la nuit mourante,
j'écris parce que je suis vivant et que j'entends le roulement des machines de guerre, les grincements de dents des squelettes ambulants,
j'écris parce que j'ai faim et soif de tout,
parce que la liberté n'est pas juste un mot
pour décorer un drapeau,
parce que les frontières sont barbares
et que la barbarie n'a pas de frontières,
j'écris parce que j'aime une femme qui est mon soleil,
parce que je pense à ma mère et son désamour,
parce que je vous aime,
parce que je ne peux pas faire autrement,
j'écris parce que Gabriel Garcia Marquez a dit que les hommes vieillissent quand ils ne savent plus aimer, parce que les roses fanées ont une odeur de mort,
j'écris parce que la voix des poètes disparus dans la souffrance et dans la tourmente continue de neiger sur le monde,
parce que Cesare Pavese a dit "la mort viendra et elle aura tes yeux", et "travailler fatigue."..,
j'écris parce que Rilke s'ennuyait à Prague et Hamlet se demandait être ou ne pas être,
j'écris parce que j'en ai envie,
parce que les murs sont faits pour être couverts de graffitis,
parce que je n'aime pas les portes fermées et que je me méfie des courants d'air,
j'écris parce que dans les rues jaunes, les villes vomissent la peur et l'ennui,
parce qu'aux sources cachées la pierre et l'eau se marient,
j'écris parce que j'ai des ailes et que je reste à terre,
parce que la première guerre mondiale a tué certains de mes aïeuls,
parce que Joe Bousquet est resté 40 ans dans son lit, la colonne trouée,
parce que la chair à canon est toujours fabriquée en masse,
parce que le nucléaire et la radioactivité bouffent la planète,
parce que Robert Bly a lancé un appel contre la guerre en Irak,
parce que la Chine et le Tibet ne voient pas le ciel de la même manière,
parce que je ne veux pas la troisième ou la quatrième guerre mondiale,
parce qu'on solde les rêves,
j'écris parce qu'Edward aux mains d'argent est mon coiffeur favori,
parce que je parle trop et pas assez,
parce que la plume est parfois mon ennemie,
j'écris parce que j'ai vu pleurer ma fille un soir d’été,
parce que mes enfants grandissent, que je n’ai jamais trop su leur dire les mots de tendresse et que mes parents vieillissent,
parce que l'homme est souvent un dieu en ruines,
parce que le temps fait voler le sablier en éclats,
parce que les hommes pressés inventent les dates,
parce que l'histoire n'apprend jamais rien,
j'écris parce que le ciel saigne,
parce que le cœur saigne,
la nuit saigne,
les mains saignent,
et le sang coule dans mes veines,
j'écris parce que, parce que, parce que....

Un peu indigeste à mon goût.
Mais il paraît que je suis un peu délicat.
Ca ne m'empêchera pas de revenir te lire en espérant trouver quelque chose plus à mon goût.

Nilo, maalox.

Et pour "...ceux qui fabriquent dans les caves les stylos avec lesquels d'autres écriront en plein air que tout va pour le mieux ..." (Prévert, Le diner de tête)

Swann

Tu en as trouvé en tout cas, des raisons à l'écriture !

J'ai aimé cette découverte en tout cas.

A te relire, écrire.

Une belle découverte pour moi. La répétition des vers ne me gêne pas, comme les catalogues de Prévert ne me gênent pas non plus : il y a une emphase, et lorsqu'elle est servie comme ici par une culture et un souffle poétique, j'adhère. J'ai aussi eu une pensée pour le 'je voudrais pas crever' de Vian (je ne dis pas que ton texte est à ce niveau, quand même), mais on sent combien l'écriture est un moyen pour toi, à toutes les échelles, de continuer à vivre.

Un bémol

'parce que douleur ne rime pas toujours avec malheur
mais ardeur rime avec cœur, …toujours'

douleur/malheur/ardeur/coeur/toujours, ça faisait un peu trop de clichés en deux lignes.

A te lire bientôt Dan!
Z.

Nous avons tous des raisons d'écrire

Mais toi, plus que les autres me semble-t-il ?

(sourire)

A te relire



H.

Dans le mille Hortense !
Je t'expliquerai plus en détails lorsque j'aurai accès aux MP

Au plaisir

Dan Art Dreamer

Pour l'instant je me contenterai de ceci : "j'écris parce que je suis vivant et que j'entends le roulement des
machines de guerre, les grincements de dents des squelettes ambulants,"

Et c'est déjà colossal comme raison

Un intéressant manifeste.