Le voisin

Le voisin


C’était “Bis repetita placent”, jusqu’au jours où ça commença à m’agacer vraiment. Cette expression chère à mon père, qu’il sortait pour couper court à toute discussion inutile (il avait étudié le latin, le grec et l’arabe, langue morte et lettres anciennes et j’en oublie) pour décoder la médecine des mots et peut-être plus encore : guérir les maux divers et variés, infinis, humains (voire même plus). Toujours est-il que toute cette science et ce lourd savoir ne lui aurait été d’aucune utilité pour régler cette affaire-ci. Sans doute qu’il aurait fait mine de l’ignorer si...

Mais peut-on ignorer un voisin aussi facilement ? Là est toute la question. Comment se sentir bien chez soi si derrière votre mur se trouve votre ennemis juré... C’est pas supportable très longtemps - du moins pour moi -, et j’ai dû employer les grands moyens pour couler le poisson. Pas facile, voire impossible ! (vous avez déjà essayé, vous, de couler un poisson ?) Mais c’était sans compter sur la chance de posséder un don inconnu et prodigieux, hérité de je ne sais quel ancêtre mort et oublié depuis belle lurette ; un don enfin qui devait faire la différence sur bien des tableaux, en s’amusant follement.

Maintenant que j’ai dévoilé ça, je dois expliquer de quoi il retourne, pour ne pas passer pour un parfait abruti ou un petit prétentieux véreux en quête d’une gloire bien improbable et de toute façon fort éphémère !

Je fis donc mon enquête pour en apprendre le plus possible sur ma future victime (qui n’était à ce jour rien de plus que mon cher petit emmerdeur du matin au soir) Mais le mot enquête est un peu fort sans doute, car j’appris bien des choses à mon insu, simplement en laissant traîner une jambe ici et une oreille là.
Ensuite, encouragé par ce que j’avais entendu dire ci et là, j’allais carrément trouver le gardien de la paix du bourg pour le mettre au parfum. Mais je n’y allais pas pour ça directement, d’emblais avec mes gros sabots, sans détour, sans ambages et sans réfléchir car j’aurais couru un risque inutile et tout droit à ma perte.

Parfois, il faut laisser ses pulsions de côté, même quand c’est contre nature, contre toute franchise. Cela permet de vivre des aventures plus épicées de temps à autre. Je n’y allai donc pas tel un taureau fonçant sur sa proie sans se poser de question. Non. Je trouvai un prétexte qui justifiait ma visite au poste de gendarmerie. Celui-ci se trouvait juste en bas de la rue, à trente mètres. Le prétexte était tout trouvé : j’avais besoin d’une échelle double pour atteindre un essaim d’abeille niché sur la façade Ouest de la maison, dans un trou de brique, ceci dans le but de l’anéantir.

Fut un temps, les pompiers se faisaient forts d’intervenir pour régler ce genre de problème, mais ils ne le faisaient plus. Restait l’apiculteur du coin (que l’essaim pouvait intéresser), mais il ne se déplaça même pas pour voir de quoi il retournait. J’avais dû le décourager d’avance en lui parlant d’une échelle double, voire triple ! Enfin bref passons, je ne pouvais compter sur personne. Surtout pas sur celui qui me causait tous ces tracas, allant même jusqu’à proférer des menaces qu’il promettait bien sûr de mettre à exécution sans plus tarder. Et ceci sur un ton menaçant, évidemment !

Voilà qui nous amène au coeur de l’histoire. Car, sans lui, sans ce fourbe et jaloux bourru joyeux lurons des ronds de vinasse, imbuvable vermine au goût d’égout fade et fétide, intraitable comme tréteaux de table, vous auriez à coup sûr été épargné de ce propos pompant pin-pon pompon ponton mouvant tonton vautré sur son tabouret, scié de rire ciré de cire et dure à cuire (sourd dingue) et buté à l’émeri pour couronner l’tout. Le roi des rois des c... mais roi quand même.
Ça va sans dire.

Pour lui, j’emploierai la manière forte, les gros moyens, l’artillerie lourde, sans même lever le p’tit doigt ! J’ai une seule solution de réponse pour lui, qu’on nomme argument ad hominem ! et in cauda venenum !
Les effets sont dévastateurs et définitifs. Et s’il est une expression qui brille d’exactitude en ce domaine très précis, “rira bien qui rira le dernier”, il en est une autre qui ne veut plus rien dire du tout dans cette logique absurde “qui vole un oeuf vole un boeuf”.
Allez comprendre ça ! Y’a sûrement une explication, une logique à cet écrit.
À moins que ce ne soit que de la diarrhée verbale... Mais non, le connaissant, il doit bien y avoir une explication. Cherchons.
Je n’ai pas employé le mot contexte pour que vous ne crussiez pas finalement que ce texte est con.
Ce qui est sûr, c’est qu’on n’aura jamais parlé de lui ni même pensé à lui en ces termes peu flatteurs : “à l’en croire, il est capable de tout.”

Car l’écriture, même gratuite, reste un acte de courage.

Dam.