Le chagrin

Le chagrin

Le chagrin goutte à goutte ronge acide le cœur,
Il vit secret dans l’angle obscur de nuits sans rêves,
Il s’alimente solitaire
Dans l’album où crie l’absence au sourire figé.
Il se chante en plaintes à vous déchirer les pleurs
En lambeaux de soupirs.
Il habille d’un manteau qui vous colle l’hiver à la peau
Et protège des printemps.
Il ne s’ouvre à la joie qu’au jour du grand départ
Où dire : « enfin je te rejoins » !
Il entretient le feu éteint, n’a ni colère ni vengeance,
Le chagrin subit
Et murmure : « à quoi bon » ?
Il paraît nimbé d’indifférence et dedans,
Au tréfonds,
Il bouillonne sa crue
A inonder les anniversaires,
Ou submerger au souffle d’un souvenir,
A l’allusion d’un mot,
A une ressemblance entrevue.
Comme un lierre à l’arbre mort
Et la mousse aux pierres de la ruine,
Le chagrin a sa beauté fidèle et acharnée,
La douceur des larmes tièdes
Et les ravines de son ravage incessant ;
Il appelle la fin comme un bonheur
Et la mort ne le cherche pas, il se présente à sa porte
Et la frappe, et la frappe...

ouh la, je ne sais pas quoi dire, tellement je me le suis pris en plein ventre ton poème ...
le chagrin est universel, et plus on on vieillit, plus il change de forme, plus il grossit ....
je le partage avec toi, Gérard ... mais, hélas ce n'est pas ça qui le rendra moins lourd ....
bises
Yzaé

Belle description de ce mal étrange.
Tu la fais avec beaucoup de délicatesse et cette capacité que tu as à dépeindre avec délicatesse les douceurs et douleurs qui sont notre lot commun, sans jamais tomber dans le piège de la mièvrerie.
Il faut du talent pour ça.

Nilo, silence.

Oui, tout ceci dit simplement et de façon authentique ...exercice difficile en effet, mais le talent tu l'as!

Très beau texte !

H.

Que puis-je ajouter de plus après tant de mots vrais de ces commentaires précédents.
Tu nous fais entrer dans ce lieu qui est à la fois personnel et universel.
On reconnait tous ces nuances du sentiment qui nous habite – frais ou qui a pris de l âge.
Du talent, sans contestation. Bises Solweig

Une version du sens du mot "chagrin" qui me surprend : pour moi le chagrin est bien plus léger, un peu comme une horde de mouettes balayant le fleuve. C'est cependant ton choix, Gérard, et je dois dire que j'ai été émue par la dureté des paysages que tu me montre à lire. Et inquiète par la montée en puissance et en violence des sentiments.

J'ai beaucoup aimé :
"A inonder les anniversaires"
Qui fait référence à des intimités non dites.

Et aussi le final :
"Et la frappe, et la frappe..."
Pour sa force de frappe.

Mes line

tant mieux pour toi, Messaline si le mot " chagrin " est léger ...
j'espère pour toi qu'il le restera longtemps ...
Yzaé

Le "clic" du hasard pour une claque de rappel !

merci de vos commentaires.
Du coup, j'ai envie d'expliquer: deux cousins sont morts, l'un à 24 ans, en partant pour sa première embauche, l'autre vers 30 ans, voulant empêcher les voleurs d'emporter sa voiture. Ce chagrin, qui n'a de légèreté lexicale que lorsqu'il se dit "petit chagrin", je l'ai vu déchirer la vie de mes tantes. Perdre un enfant n'a pas de nom, ce serait nommer l'innommable.
Tu l'as dit ailleurs, Yzaé, la vie comporte une part de chance ou de brutalité meurtrière qui nous dépasse. C'est une raison suffisante pour la prendre à bras le corps tous les matins.

Encore un coup pas pour rien dans le Mur à Dédé.
Et un Up largement mérité.

Nilo, à bras le corps.

Des sentiments qui ont fait remonter des choses et des choses... C'est beau, bravo.