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L'homme qui fuyait.
4 participants
Macadam :: MacadaTextes :: Nouvelles
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L'homme qui fuyait.
Il était une fois un homme qui élabora un grand projet. La chose n'était pas facile - d'ailleurs, personne ne l'avait réussie avant lui. Il fit de nombreuses recherches a ce sujet. C'était compliqué. On en trouvait des traces un peu partout : en science, en religion, en musique, en poésie. Mais, et c'était bien là le problème, tout ça n'était que des mots. Des concepts déroulés par des cerveaux intelligents, des âmes sensibles, peu importe : du vent. Une horrible litanie de néant en symboles organisés. Il en vint à la conclusion que la chose ne pouvait pas être écrite. Elle devait, après avoir été pensée, se faire, et puis c'est tout.
D'ailleurs, songeait-il en arpentant sa chambre, il n'y a pas grand-chose qui se fasse et puis c'est tout. On m'a gavé le cerveau de règles et de concepts, à renfort de cours, de notes, de punitions : du vent. Naître, peut-être, et mourir. Ca se fait sans rien d'autre que se faire. Mais je ne peux pas naître à nouveau. Quant à mourir, ce n'est pas forcément pressé.
Ainsi donc, il élaborait son grand projet sans avoir la moindre idée d'une façon de le mettre en œuvre. Sa chambre devenant trop petite, il voyagea. Pourtant, tandis que ce projet lui trottait toujours dans la tête, le fait même de bouger devint étrange. Je bouge, se disait-il en bougeant. Je fais un mouvement. Pourtant il ne me semble pas que je bouge. D'une certaine façon, dans ce train, à regarder le paysage passer, je suis toujours chez moi. Ces gens sont comme les imperfections de mon papier peint. L'horizon est à gauche, à droite, devant et derrière moi. Quatre murs.
Un soir, regardant le soleil disparaître, il le trouva ridicule. Bon sang, se dit-il, cette chose n'a aucune sorte de majesté. Une baudruche informe qui se lève et se couche à heure fixe. Et il rentra chez lui.
L'horrible attente reprit. J'attends, pensait-il. Il dormait, se levait, tournait en rond et dormait a nouveau. Quelque chose devait arriver. Si quelque chose n'arrive pas, se disait-il, viendra un matin où je ne me lèverai plus. Un matin il ne se leva pas. La chose était facile. La nuit glissait comme une larme. Il bavait sur son oreiller et enfouissait la tête dans sa bave. Il y faisait bon. A l'instant il était midi. Un milieu de jour autant que le milieu, peut-être, d'une autre nuit. A 15h, se retournant, il pensait un peu. Les poils de ses jambes le grattaient. Il sentait la sueur couler derrière ses oreilles, sous ses aisselles et sur son torse. De gentilles chatouilles qu'il aimait bien. Comme venait 19h, il jouait avec ses orteils et se rendormait. A 3h, il ouvrait une fenêtre, fumait une cigarette et retournait se coucher. Au bout de quelques jours, son ventre cessa de se plaindre. Il se surpris à tordre sa nuque avec violence en suçant son pouce. Tout allait bien. L'absurde hachoir des jours, des nuits, ne tranchait plus sa viande.
C'est ainsi que débuta, sans qu'il le sache, le projet qu'il avait élaboré. Enfin, il commençait à sortir de lui-même. Sans mots, sans concepts, sans poésie, sans rien d'autre qu'une action, jolie et propre, il s'enfuyait. Il oublia d'abord son nom. Le corps gisant, il répétait en boucle les mêmes actions, grattait ses jambes, tordait sa nuque, suçait son pouce. Je ne m'appelle plus. Un homme qui ne s'appelle plus n'est qu'un homme. Juger un homme est beaucoup plus facile que juger un nommé. La chose était merveilleuse. Je juge, murmurait-il, un homme pour sa médiocrité. Je juge un homme pour son ridicule. Les belles personnes rient de l'homme laid. L'homme laid rit de lui-même. L'homme laid le mérite.
Il oublia successivement les fonctions de son corps, puis la place qu'il occupait dans ce lit. Quelque chose est a l'horizontale, se rappelait-il. Quelque chose se rappelle. Il voyait enfin les murs se refermer, l'horrible carré du monde, la chambre, la maison, et tout ce qui se voulait infini, vaste et joyeux, les plaines, le vent, les arêtes du monde géométrique qu'on se plaît, enfin, que les autres hommes se plaisent, à trouver chaotique. Ils rient parce qu'ils croient a un désordre. Le désordre n'existe pas. Le désordre, venait-il d'entrevoir, est une possibilité lorsque le hachoir des jours et des nuits ne tranche plus votre viande, lorsque le corps, gisant, bienheureux, abandonné, ne se repaît de rien d'autre que de vide. Tout devint beau. Le papier peint se tordait, couinait, ondulait, s'ouvrait sur d'autres mondes. Il observa quelque chose d'un univers dans l'ongle de son pouce. Au sortir d'un rêve il se vit, tordu en deux, avaler sa jambe gauche et puis la droite. Elle ressortirent par ses oreilles comme des racines.
Bientôt il était face contre sol, démembré, et le lit voletait au plafond, cherchant une fleur.
Z 18 04 14
D'ailleurs, songeait-il en arpentant sa chambre, il n'y a pas grand-chose qui se fasse et puis c'est tout. On m'a gavé le cerveau de règles et de concepts, à renfort de cours, de notes, de punitions : du vent. Naître, peut-être, et mourir. Ca se fait sans rien d'autre que se faire. Mais je ne peux pas naître à nouveau. Quant à mourir, ce n'est pas forcément pressé.
Ainsi donc, il élaborait son grand projet sans avoir la moindre idée d'une façon de le mettre en œuvre. Sa chambre devenant trop petite, il voyagea. Pourtant, tandis que ce projet lui trottait toujours dans la tête, le fait même de bouger devint étrange. Je bouge, se disait-il en bougeant. Je fais un mouvement. Pourtant il ne me semble pas que je bouge. D'une certaine façon, dans ce train, à regarder le paysage passer, je suis toujours chez moi. Ces gens sont comme les imperfections de mon papier peint. L'horizon est à gauche, à droite, devant et derrière moi. Quatre murs.
Un soir, regardant le soleil disparaître, il le trouva ridicule. Bon sang, se dit-il, cette chose n'a aucune sorte de majesté. Une baudruche informe qui se lève et se couche à heure fixe. Et il rentra chez lui.
L'horrible attente reprit. J'attends, pensait-il. Il dormait, se levait, tournait en rond et dormait a nouveau. Quelque chose devait arriver. Si quelque chose n'arrive pas, se disait-il, viendra un matin où je ne me lèverai plus. Un matin il ne se leva pas. La chose était facile. La nuit glissait comme une larme. Il bavait sur son oreiller et enfouissait la tête dans sa bave. Il y faisait bon. A l'instant il était midi. Un milieu de jour autant que le milieu, peut-être, d'une autre nuit. A 15h, se retournant, il pensait un peu. Les poils de ses jambes le grattaient. Il sentait la sueur couler derrière ses oreilles, sous ses aisselles et sur son torse. De gentilles chatouilles qu'il aimait bien. Comme venait 19h, il jouait avec ses orteils et se rendormait. A 3h, il ouvrait une fenêtre, fumait une cigarette et retournait se coucher. Au bout de quelques jours, son ventre cessa de se plaindre. Il se surpris à tordre sa nuque avec violence en suçant son pouce. Tout allait bien. L'absurde hachoir des jours, des nuits, ne tranchait plus sa viande.
C'est ainsi que débuta, sans qu'il le sache, le projet qu'il avait élaboré. Enfin, il commençait à sortir de lui-même. Sans mots, sans concepts, sans poésie, sans rien d'autre qu'une action, jolie et propre, il s'enfuyait. Il oublia d'abord son nom. Le corps gisant, il répétait en boucle les mêmes actions, grattait ses jambes, tordait sa nuque, suçait son pouce. Je ne m'appelle plus. Un homme qui ne s'appelle plus n'est qu'un homme. Juger un homme est beaucoup plus facile que juger un nommé. La chose était merveilleuse. Je juge, murmurait-il, un homme pour sa médiocrité. Je juge un homme pour son ridicule. Les belles personnes rient de l'homme laid. L'homme laid rit de lui-même. L'homme laid le mérite.
Il oublia successivement les fonctions de son corps, puis la place qu'il occupait dans ce lit. Quelque chose est a l'horizontale, se rappelait-il. Quelque chose se rappelle. Il voyait enfin les murs se refermer, l'horrible carré du monde, la chambre, la maison, et tout ce qui se voulait infini, vaste et joyeux, les plaines, le vent, les arêtes du monde géométrique qu'on se plaît, enfin, que les autres hommes se plaisent, à trouver chaotique. Ils rient parce qu'ils croient a un désordre. Le désordre n'existe pas. Le désordre, venait-il d'entrevoir, est une possibilité lorsque le hachoir des jours et des nuits ne tranche plus votre viande, lorsque le corps, gisant, bienheureux, abandonné, ne se repaît de rien d'autre que de vide. Tout devint beau. Le papier peint se tordait, couinait, ondulait, s'ouvrait sur d'autres mondes. Il observa quelque chose d'un univers dans l'ongle de son pouce. Au sortir d'un rêve il se vit, tordu en deux, avaler sa jambe gauche et puis la droite. Elle ressortirent par ses oreilles comme des racines.
Bientôt il était face contre sol, démembré, et le lit voletait au plafond, cherchant une fleur.
Z 18 04 14
Zlatko- MacadAccro
- Messages : 1621
Date d'inscription : 30/08/2009
Age : 33
Localisation : Centre
Re: L'homme qui fuyait.
Si on prend ce texte au 1er degres, je dirais que le mec
a un peu
Mais si on analyse le sens, et bien ça change tout.
Il est facile de se reconnaitre vu que TOUS, on passe par là, c'est à dire :
- ON FORMATE !!!
La différence qu'il peut y avoir sur l'évolution de l'individu
ça serait qu'il se fasse comme il a envie de se voir.
Mais trop de personnes pensent qu'ils doivent
- travailler
- obéïr comme à papa
- avoir une vie que l'on appelle " correct"
Et l'individu rentre dans le train train, voit les autres,
les jalouse et se bat.
ET LUI dans tout ça ? où est il ?
Serait il venu sur cette terre juste pour enrichir les gros cons du dessus ?
Ha bien des questions seraient à méditer, n'est ce pas
Comme bien souvent, j'aime te lire , ta façon de t'exprimer
ou de dire les choses.
Peut être que mon analyse est fausse mais voilà comment j'ai ressenti ton texte .
a un peu
Mais si on analyse le sens, et bien ça change tout.
Il est facile de se reconnaitre vu que TOUS, on passe par là, c'est à dire :
- ON FORMATE !!!
La différence qu'il peut y avoir sur l'évolution de l'individu
ça serait qu'il se fasse comme il a envie de se voir.
Mais trop de personnes pensent qu'ils doivent
- travailler
- obéïr comme à papa
- avoir une vie que l'on appelle " correct"
Et l'individu rentre dans le train train, voit les autres,
les jalouse et se bat.
ET LUI dans tout ça ? où est il ?
Serait il venu sur cette terre juste pour enrichir les gros cons du dessus ?
Ha bien des questions seraient à méditer, n'est ce pas
Comme bien souvent, j'aime te lire , ta façon de t'exprimer
ou de dire les choses.
Peut être que mon analyse est fausse mais voilà comment j'ai ressenti ton texte .
C'est propre
Le style est vraiment bon, les phrases bien tournées et impressionnantes, mais je ne comprends pas du tout où l'auteur veut en venir. D'où l'impression de m'être en quelque sorte fait avoir
Balta- MacaDeb
- Messages : 3
Date d'inscription : 10/02/2014
Re: L'homme qui fuyait.
Non, tu n'as pas été trompé Balta, simplement nous sommes ici dans un cas de dépossession de soi et le but recherché par l'auteur (tout créateur use de stratégies dans l'élaboration de son oeuvre) est de montrer la restructuration progressive du protagoniste à travers ses multiples tentatives d'introspection spirituelle et corporelle pour ainsi amener le lecteur sur des territoires inconnus. Au final nous assistons à une renaissance par le vide.
Excellent Z.
Excellent Z.
léo- MacadAccro
- Messages : 1224
Date d'inscription : 25/03/2010
Age : 40
Localisation : Nord
Re: L'homme qui fuyait.
Merci d'être passé par là Léo !
A bientôt j'espère
Z
A bientôt j'espère
Z
Zlatko- MacadAccro
- Messages : 1621
Date d'inscription : 30/08/2009
Age : 33
Localisation : Centre
Macadam :: MacadaTextes :: Nouvelles
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