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Cigarillos
Macadam :: MacadaTextes :: Textes courts
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Cigarillos
C'est quand Vincent referma la porte qu'il sut qu'elles n'y étaient plus, il ne jeta pas même un regard pour vérifier, s'avança vers le comptoir les yeux plongés dans son portefeuille qu'il venait d'ouvrir et demanda au buraliste un étui de cigarillos "Montecristo".
Pestant contre son manque de monnaie il releva les yeux pour présenter ses excuses en constatant son impolitesse mais ne vit personne. Il tourna la tête vers l'enfilade où étaient présentés les paquets aux photographies répugnantes, non, il n'y avait personne...
Il attendit une ou deux minutes, puis décida d'aller chercher sa mort ailleurs.
C'est en ressortant qu'il leva la tête et constata que les clochettes avaient bien été enlevées.
Leur tintement rythmait toujours les allées et venues des clients. Depuis qu'il habitait au 17 de la rue du Saint-Esprit c'est à dire depuis 19ans et 7 mois il passait cette porte tous les deux jours au son de leurs carillons et en quelque sorte cette musique faisait partie de son addiction.
Ce détail occupa son esprit jusqu'au 49 là où il se dépannait parfois. C'était un bar-tabac qui puait la bière vomie, mais bon, quand on veut mourir plus vite que les autres c'est pas une mauvaise odeur qui vous fait reculer.
Il commanda ses Montecristo paya et reparti. Sur le seuil il ouvrit l'étui, en tira un, le porta à ses lèvres, sorti son Zippo, roula la molette et regarda la flamme, longuement, intensément, c'était le premier bon moment du rituel et comme toutes les dix fois d'une journée où il allait allumer un Montecristo il pensa à Guitry qui avait écrit que le meilleur moment de l'amour c'était quand on montait l'escalier.
Il prit à gauche, remontant la rue vers son appartement, l'enseigne "Au cancer programmé" de son bureau de tabac préféré brillait dans le soir. En passant il jeta un œil à travers la vitrine: personne. Il sourit, car cette expression "jeter un œil" le faisait toujours marrer.
Quelques pas plus loin il s'arrêta, d'un coup. Immobile les yeux fixés sur ce point particulier que nous regardons tous quand nous pensons à autre chose, cet autre chose qui peut être n'importe quoi, lui c'était l'image du comptoir derrière la vitrine, ce qu'il venait de voir, la lumière, les paquets de cigarettes, le comptoir, personne derrière et devant, par terre, le truc à carreaux rouge et vert.
Le chien.
Il revint sur ses pas et entra. Pas de tintement, personne, le chien. Avec ses carreaux de vint cinq centimètres de côté environ, bien délimités, bien droits, bien rouge, bien vert. Immobile, minéral et coloré. Tel un gisant de Saint-Denis.
Vincent décida de rester calme et tira fort sur son cigarillo, la fumée âcre déposa son fardeau dans ses bronches cacochymes toujours prêtes à l'expectoration, il recula lentement et sortit rejeter le peu qui restait de goudrons et autres produits dérivés sur le pas de la porte.
Avant de pouvoir entrer à nouveau il dû terminer son Montecristo, en prenant l'air dégagé de celui qui regarde passer le temps, cet air qui donne une contenance, pendant qu'il essayait d'analyser ce qu'il venait de voir.
Le bureau de tabac sans les clochettes, sans son buraliste, le comptoir et le chien à carreaux. Rouge et vert.
"Mais pourquoi, je mets tout ça sur le même plan moi?" se dit-il.
"L'important c'est le chien , les clochettes on s'en fout."
Il posa sa main sur la poignée de la porte, poussa et entra.
Les clochettes tintèrent gaiement, et le chien vint se frotter à ses mollets.
Dédé lisait le "Canard enchaîné" vu qu'on était mercredi.
Vincent, d'une voix troublée par l'émotion, dit: "Je suis passé tout à l'heure et tu n'étais pas là, en revenant j'ai regardé et j'ai vu Napoléon couché, qui ne bougeait plus, j'ai cru qu'il était mort !!".
Dédé leva les yeux et répondit de sa voix trainante: "Tu t'affoles toujours d'un rien".
"Et les clochettes? elles n'étaient plus là...!"
"Ben non, j'étais justement en train de rafistoler leur fixation"
"Franchement j'ai cru qu'il était mort"
"Ben non, il fume pas lui"
"T'es con. A demain"
"A demain"
Napoléon, assis sur le trottoir regarda s'éloigner Vincent, sa peau d'un bleu pervenche grisait dans la lumière qui faiblissait. Une lune émeraude se levait dans le ciel qui s'éteignait, comme le Montecristo que Vincent finissait de fumer.
Pestant contre son manque de monnaie il releva les yeux pour présenter ses excuses en constatant son impolitesse mais ne vit personne. Il tourna la tête vers l'enfilade où étaient présentés les paquets aux photographies répugnantes, non, il n'y avait personne...
Il attendit une ou deux minutes, puis décida d'aller chercher sa mort ailleurs.
C'est en ressortant qu'il leva la tête et constata que les clochettes avaient bien été enlevées.
Leur tintement rythmait toujours les allées et venues des clients. Depuis qu'il habitait au 17 de la rue du Saint-Esprit c'est à dire depuis 19ans et 7 mois il passait cette porte tous les deux jours au son de leurs carillons et en quelque sorte cette musique faisait partie de son addiction.
Ce détail occupa son esprit jusqu'au 49 là où il se dépannait parfois. C'était un bar-tabac qui puait la bière vomie, mais bon, quand on veut mourir plus vite que les autres c'est pas une mauvaise odeur qui vous fait reculer.
Il commanda ses Montecristo paya et reparti. Sur le seuil il ouvrit l'étui, en tira un, le porta à ses lèvres, sorti son Zippo, roula la molette et regarda la flamme, longuement, intensément, c'était le premier bon moment du rituel et comme toutes les dix fois d'une journée où il allait allumer un Montecristo il pensa à Guitry qui avait écrit que le meilleur moment de l'amour c'était quand on montait l'escalier.
Il prit à gauche, remontant la rue vers son appartement, l'enseigne "Au cancer programmé" de son bureau de tabac préféré brillait dans le soir. En passant il jeta un œil à travers la vitrine: personne. Il sourit, car cette expression "jeter un œil" le faisait toujours marrer.
Quelques pas plus loin il s'arrêta, d'un coup. Immobile les yeux fixés sur ce point particulier que nous regardons tous quand nous pensons à autre chose, cet autre chose qui peut être n'importe quoi, lui c'était l'image du comptoir derrière la vitrine, ce qu'il venait de voir, la lumière, les paquets de cigarettes, le comptoir, personne derrière et devant, par terre, le truc à carreaux rouge et vert.
Le chien.
Il revint sur ses pas et entra. Pas de tintement, personne, le chien. Avec ses carreaux de vint cinq centimètres de côté environ, bien délimités, bien droits, bien rouge, bien vert. Immobile, minéral et coloré. Tel un gisant de Saint-Denis.
Vincent décida de rester calme et tira fort sur son cigarillo, la fumée âcre déposa son fardeau dans ses bronches cacochymes toujours prêtes à l'expectoration, il recula lentement et sortit rejeter le peu qui restait de goudrons et autres produits dérivés sur le pas de la porte.
Avant de pouvoir entrer à nouveau il dû terminer son Montecristo, en prenant l'air dégagé de celui qui regarde passer le temps, cet air qui donne une contenance, pendant qu'il essayait d'analyser ce qu'il venait de voir.
Le bureau de tabac sans les clochettes, sans son buraliste, le comptoir et le chien à carreaux. Rouge et vert.
"Mais pourquoi, je mets tout ça sur le même plan moi?" se dit-il.
"L'important c'est le chien , les clochettes on s'en fout."
Il posa sa main sur la poignée de la porte, poussa et entra.
Les clochettes tintèrent gaiement, et le chien vint se frotter à ses mollets.
Dédé lisait le "Canard enchaîné" vu qu'on était mercredi.
Vincent, d'une voix troublée par l'émotion, dit: "Je suis passé tout à l'heure et tu n'étais pas là, en revenant j'ai regardé et j'ai vu Napoléon couché, qui ne bougeait plus, j'ai cru qu'il était mort !!".
Dédé leva les yeux et répondit de sa voix trainante: "Tu t'affoles toujours d'un rien".
"Et les clochettes? elles n'étaient plus là...!"
"Ben non, j'étais justement en train de rafistoler leur fixation"
"Franchement j'ai cru qu'il était mort"
"Ben non, il fume pas lui"
"T'es con. A demain"
"A demain"
Napoléon, assis sur le trottoir regarda s'éloigner Vincent, sa peau d'un bleu pervenche grisait dans la lumière qui faiblissait. Une lune émeraude se levait dans le ciel qui s'éteignait, comme le Montecristo que Vincent finissait de fumer.
pierre_b- MacadAdo
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Date d'inscription : 15/10/2012
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