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Comme des miettes, fragment 14
4 participants
Macadam :: MacadaTextes :: Poèmes
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Comme des miettes, fragment 14
Fragment 14
Où était le visage poupon et l'oeil sourire d'enfant de Marie au béret bleu
lorsqu'elle est passée câliner nos enfants à Saint Méloir des Ondes
dans l'imposante malouinière de granit?
Il n'était plus. Dans le fond du regard échangé pour la dernière fois
l'angoisse avait conquis le terrain toujours gai
et la conscience furtive de la différence n'avait pas imaginé le pire,
et pourtant! Il a bien fallu s'y faire quelques jours plus tard.
Sept années avant lui, c'était trop vite et elle est partie seule,
brutalement au réveil.
La blanche est cynique d'éveiller ainsi pour aussitôt emporter.
Je l'ai haïe et suis resté avec mes questions.
Se donnait-elle le temps de revivre ces moments de joie collective figés sur la photo jaunie?
Nous n'en aurons pas parlé
et je ne me souviens pas d'avoir discuté de choses essentielles de sa pauvre existence.
Jamais.
Il n'y eut que des regards, des gestes et des questions.
Des regards aimants et fiers, des gestes tendres et des questions pour répondre à ses inquiétudes.
Sans insister.
Une présence aussi, entière à nos besoins.
L'exode, la mort, l'absence et les privations avaient vite fixé le prix de la vie
dès l'aurore à Saint Etienne.
Elle était devenue l'aînée après le départ prématuré de deux frères,
pourquoi ne l'apprendre qu'aujourd'hui,
pourquoi garder sa photo dans l'atelier et la photo d'elle seule?
Comme un trésor caché dans la prison du coeur encore meurtri.
Il faut ces mots pour rompre un long silence et ils viennent avec parcimonie.
Ils se prolongent, mûrissent doucement,
il est bon de s'attarder, même au chagrin.
Revoir les voisines venir chercher leurs miettes d'une bonté toujours disponible,
au prétexte d'un peu de sel ou d'huile manquant.
Réentendre à foison rires et murmures entre mère et soeurs
le jeudi après midi autour du café et du tricot.
Revivre aux grandes tablées les repas des fêtes
et leurs préparatifs joyeux et odorants en habits du dimanche
où elle tenait sa part ouvrière avec bonheur.
Dans quelques visages dessinés, ma main a écrit ses traits.
J'ai peint quelquefois ces pelargonium rouges et parfumés qu'elle aimait regarder par la fenêtre de la cuisine,
je les ai cultivés, soignés comme un bouquet de sa présence,
un bouquet lumineux et sanguinolent,
il me dit sa trace contrastée et ma filiation ineffaçable à la joie teintée de mélancolie
et de recueillement telle cette feuille verte et douce barrée d'un bandeau sombre.
Accrochée à sa tige inflexible,
la feuille s'est donnée à sa plante et finit dans l'humus anonyme
où seuls encore trois fils savent lire un peu, si peu, de sa beauté.
Où était le visage poupon et l'oeil sourire d'enfant de Marie au béret bleu
lorsqu'elle est passée câliner nos enfants à Saint Méloir des Ondes
dans l'imposante malouinière de granit?
Il n'était plus. Dans le fond du regard échangé pour la dernière fois
l'angoisse avait conquis le terrain toujours gai
et la conscience furtive de la différence n'avait pas imaginé le pire,
et pourtant! Il a bien fallu s'y faire quelques jours plus tard.
Sept années avant lui, c'était trop vite et elle est partie seule,
brutalement au réveil.
La blanche est cynique d'éveiller ainsi pour aussitôt emporter.
Je l'ai haïe et suis resté avec mes questions.
Se donnait-elle le temps de revivre ces moments de joie collective figés sur la photo jaunie?
Nous n'en aurons pas parlé
et je ne me souviens pas d'avoir discuté de choses essentielles de sa pauvre existence.
Jamais.
Il n'y eut que des regards, des gestes et des questions.
Des regards aimants et fiers, des gestes tendres et des questions pour répondre à ses inquiétudes.
Sans insister.
Une présence aussi, entière à nos besoins.
L'exode, la mort, l'absence et les privations avaient vite fixé le prix de la vie
dès l'aurore à Saint Etienne.
Elle était devenue l'aînée après le départ prématuré de deux frères,
pourquoi ne l'apprendre qu'aujourd'hui,
pourquoi garder sa photo dans l'atelier et la photo d'elle seule?
Comme un trésor caché dans la prison du coeur encore meurtri.
Il faut ces mots pour rompre un long silence et ils viennent avec parcimonie.
Ils se prolongent, mûrissent doucement,
il est bon de s'attarder, même au chagrin.
Revoir les voisines venir chercher leurs miettes d'une bonté toujours disponible,
au prétexte d'un peu de sel ou d'huile manquant.
Réentendre à foison rires et murmures entre mère et soeurs
le jeudi après midi autour du café et du tricot.
Revivre aux grandes tablées les repas des fêtes
et leurs préparatifs joyeux et odorants en habits du dimanche
où elle tenait sa part ouvrière avec bonheur.
Dans quelques visages dessinés, ma main a écrit ses traits.
J'ai peint quelquefois ces pelargonium rouges et parfumés qu'elle aimait regarder par la fenêtre de la cuisine,
je les ai cultivés, soignés comme un bouquet de sa présence,
un bouquet lumineux et sanguinolent,
il me dit sa trace contrastée et ma filiation ineffaçable à la joie teintée de mélancolie
et de recueillement telle cette feuille verte et douce barrée d'un bandeau sombre.
Accrochée à sa tige inflexible,
la feuille s'est donnée à sa plante et finit dans l'humus anonyme
où seuls encore trois fils savent lire un peu, si peu, de sa beauté.
gerard hocquet- MacadAdo
- Messages : 194
Date d'inscription : 24/10/2009
Re: Comme des miettes, fragment 14
j'étais venue grignoter une dernière petite miette, avant de me coucher ...
une petite miette pour avaler celle d'avant ...
cette miette-là a le même goût .
mais sucrées ou amères, elles sont bonnes tes miettes, Gérard ...
j'attends les 15èmes
Yzaé
une petite miette pour avaler celle d'avant ...
cette miette-là a le même goût .
mais sucrées ou amères, elles sont bonnes tes miettes, Gérard ...
j'attends les 15èmes
Yzaé
Yzaé- MacadAccro
- Messages : 696
Date d'inscription : 07/10/2009
Age : 65
Localisation : touraine
Re: Comme des miettes, fragment 14
Punaise, heureusement qu'il y a l'Dédé..j'avais loupé cette miette !!
Ouf! je me sens rassasiée
Sylvie
Ouf! je me sens rassasiée
Sylvie
Re: Comme des miettes, fragment 14
Tiens, moi aussi j'avais oublié de prendre le temps de dire que je m'étais arrêté ici.
ET pourtant je m'y étais arrêté et j'avais apprécié.
Voilà, grâce au Mur à Dédé j'ai pu réparer cet oubli.
Nilo, confus.
ET pourtant je m'y étais arrêté et j'avais apprécié.
Voilà, grâce au Mur à Dédé j'ai pu réparer cet oubli.
Nilo, confus.
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... Tu lui diras que je m'en fiche. Que je m'en fiche. - Léo Ferré, "La vie d'artiste"
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