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Comme des miettes, fragment 19
3 participants
Macadam :: MacadaTextes :: Poèmes
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Comme des miettes, fragment 19
Fragment 19
Le jour du déménagement, février avait mauvaise mine.
Verglas, neige et brouillard.
Puis la panne de camion à Villedieu les Poèles,
le pays des cloches, sonnait le glas d'un voyage mal embouché.
Ajoutée à cela, la perspective d'un internat sordide
aux archaïques Patronages du Nord,
où le dimanche des enfants en famille se nommait encore « permission »,
comme à l'armée,
et les achats de vêture se pratiquaient avec des bons dans des boutiques choisies on ne sait trop comment par la hiérarchie...laissant porte ouverte aux soupçons d'intéressement.
Un retour en arrière accumulé aux saignements d'une nouvelle rupture,
aux frustrations des temps trop courts avec les enfants,
au regret d'avoir lâché la proie malouine pour l'ombre d'un boulevard sans horizon
à Marcq en Baroeul.
Un retour d'au moins dix ans dans un paysage éducatif où je parlais étranger d'internat pathogène, d'accompagnement respectueux ou de non violence.
Neuf mois de gestation pour un nouveau départ et cette collaboration avec lui, désormais journaliste au Monde. Lui dont le visage télévisé ce soir de zapping
m'envoie à la figure ce bouquet nostalgique
des murs de briques encrassées aux joints qui s'effritent,
quelque part à Wazemmes,
son bazar et son marché du dimanche où s'est précisée la démarche écologique,
ses courées écrivant Zola en 1986,
ses habitants marqués de misère et d'expédients, de violences alcoolisées, d'insalubrité,
ses bistrots vieillots où la moule frite concurrençait la carbonnade
et ses enfants désemparés souffrant l'exclusion,
que j'appelais «enfants sauvages », expression revisitée urbaine du livre de Lucien Malson.
Pendant ce stage hypocrite de « préparation à l'emploi »
où se cognaient mon envie d'être bon père et la commande diffuse de contrôle social:
prévenir la déviance et la délinquance,
J'avais le trac du dompteur à l'entrée de la cage
et les sauvageons attendaient comme friandise le séjour à la neige,
projet plus palpable et réaliste que l'improbable insertion professionnelle.
Un bonbon acidulé dans la boîte où cotoyaient la dépression, les drogues, l'alcool et le regard insécurisé des adultes.
Un bonbon dans une boîte bon marché.
La société renâcle à prendre en charge dignement les dégâts humains qu'elle contribue sans vergogne et sans cesse à produire.
Ancrer quelques pitons dans la matière friable d'une relation apprivoisée a permis de se hisser quelquefois du ruisseau sur le trottoir.
Franchir le perron de l'intégration demanderait encore du temps.
Ces jours invitaient à la compréhension des incohérences de l'organisation sociale amplifiées des stratégies individuelles d'évitement :
une machine brinqueballante à gâcher de la jeunesse.
Et moi, petit acteur fragile du théâtre oppressant de la ville, manoeuvre aux coulisses de tragédies ordinaires,
je me débattais d'erreurs sentimentales et pédalais par monts de Flandre et vaux de déprime,
ente les affrontements avec les petits fauves.
Le jour du déménagement, février avait mauvaise mine.
Verglas, neige et brouillard.
Puis la panne de camion à Villedieu les Poèles,
le pays des cloches, sonnait le glas d'un voyage mal embouché.
Ajoutée à cela, la perspective d'un internat sordide
aux archaïques Patronages du Nord,
où le dimanche des enfants en famille se nommait encore « permission »,
comme à l'armée,
et les achats de vêture se pratiquaient avec des bons dans des boutiques choisies on ne sait trop comment par la hiérarchie...laissant porte ouverte aux soupçons d'intéressement.
Un retour en arrière accumulé aux saignements d'une nouvelle rupture,
aux frustrations des temps trop courts avec les enfants,
au regret d'avoir lâché la proie malouine pour l'ombre d'un boulevard sans horizon
à Marcq en Baroeul.
Un retour d'au moins dix ans dans un paysage éducatif où je parlais étranger d'internat pathogène, d'accompagnement respectueux ou de non violence.
Neuf mois de gestation pour un nouveau départ et cette collaboration avec lui, désormais journaliste au Monde. Lui dont le visage télévisé ce soir de zapping
m'envoie à la figure ce bouquet nostalgique
des murs de briques encrassées aux joints qui s'effritent,
quelque part à Wazemmes,
son bazar et son marché du dimanche où s'est précisée la démarche écologique,
ses courées écrivant Zola en 1986,
ses habitants marqués de misère et d'expédients, de violences alcoolisées, d'insalubrité,
ses bistrots vieillots où la moule frite concurrençait la carbonnade
et ses enfants désemparés souffrant l'exclusion,
que j'appelais «enfants sauvages », expression revisitée urbaine du livre de Lucien Malson.
Pendant ce stage hypocrite de « préparation à l'emploi »
où se cognaient mon envie d'être bon père et la commande diffuse de contrôle social:
prévenir la déviance et la délinquance,
J'avais le trac du dompteur à l'entrée de la cage
et les sauvageons attendaient comme friandise le séjour à la neige,
projet plus palpable et réaliste que l'improbable insertion professionnelle.
Un bonbon acidulé dans la boîte où cotoyaient la dépression, les drogues, l'alcool et le regard insécurisé des adultes.
Un bonbon dans une boîte bon marché.
La société renâcle à prendre en charge dignement les dégâts humains qu'elle contribue sans vergogne et sans cesse à produire.
Ancrer quelques pitons dans la matière friable d'une relation apprivoisée a permis de se hisser quelquefois du ruisseau sur le trottoir.
Franchir le perron de l'intégration demanderait encore du temps.
Ces jours invitaient à la compréhension des incohérences de l'organisation sociale amplifiées des stratégies individuelles d'évitement :
une machine brinqueballante à gâcher de la jeunesse.
Et moi, petit acteur fragile du théâtre oppressant de la ville, manoeuvre aux coulisses de tragédies ordinaires,
je me débattais d'erreurs sentimentales et pédalais par monts de Flandre et vaux de déprime,
ente les affrontements avec les petits fauves.
gerard hocquet- MacadAdo
- Messages : 194
Date d'inscription : 24/10/2009
Re: Comme des miettes, fragment 19
Mais dis donc, ces " fragments " deviennent de plus en plus denses et riches. " Les monts de Flandre et vaux de déprime " bel hypallage.
Ratoune- MacadAccro
- Messages : 1891
Date d'inscription : 01/09/2009
Re: Comme des miettes, fragment 19
et maintenant, Gérard, tu continues à apprivoiser les " sauvageons " ?
et si oui, y arrives-tu encore ? avec la même énergie ?
très belle miette encore, qui ressemble ( encore ) aux miennes ...
Yzaé
et si oui, y arrives-tu encore ? avec la même énergie ?
très belle miette encore, qui ressemble ( encore ) aux miennes ...
Yzaé
Yzaé- MacadAccro
- Messages : 696
Date d'inscription : 07/10/2009
Age : 65
Localisation : touraine
Re: Comme des miettes, fragment 19
non, je ne continue pas ce travail. Après quarante années, on m'a laissé partir en retraite et je l'occupe activement à des engagements écologiques.
gerard hocquet- MacadAdo
- Messages : 194
Date d'inscription : 24/10/2009
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